La régression que la droite populaire s’apprête à imposer aux femmes en Espagne en supprimant le droit à l’avortement montre que le combat pour les droits des femmes et pour l’égalité reste plus que jamais d’actualité. Ce qui se passe en Espagne n’est d’ailleurs pas un cas isolé en Europe. En octobre dernier, le Parlement européen a rejeté, grâce à la mobilisation très active de députés s’opposant aux droits des femmes et en particulier à l’avortement, un rapport sur le « généricide » adopté par la Commission aux Droits de la femme et égalité des genres du Parlement européen.
Ce rapport proposait de mettre fin à cette pratique barbare de sélection du sexe avant la naissance. Deuxième coup de semonce en décembre dernier, lorsque le Parlement européen a rejeté, à une voix près, le rapport Estrela relatif à la santé et aux droits sexuels et génésiques des femmes. Dans ce rapport, l’eurodéputée portugaise Edite Estrela a formulé un grand nombre de recommandations, dont certaines relatives à l’avortement, souhaitant notamment que « dans un souci de respect des droits fondamentaux et de santé publique, des services d’avortement de qualité soient rendus légaux, sûrs et accessibles à toutes dans le cadre des systèmes de santé publics des États membres, y compris aux femmes non résidentes, qui vont souvent chercher ces services dans d’autres pays en raison des lois restrictives en matière d’avortement en vigueur dans leur pays d’origine, en vue d’éviter les avortements clandestins qui mettent sérieusement en danger la santé physique et mentale de la femme (…) ».
La France n’est pas épargnée par ces attaques. On l’a vu à l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi égalité femmes-hommes au moment de débattre de l’amendement modifiant le code de la santé publique pour supprimer la notion de « situation de détresse » pour l’IVG. Une partie de la droite s’y est opposée, reprenant des arguments entendus en 1975 lors du débat de la loi Veil. Des députés UMP ont même proposé de dérembourser l’IVG, mesure de déremboursement au programme de la candidate de l’extrême droite à la présidentielle de 2012 !
Les attaques réactionnaires contre les « ABCD de l’égalité » expérimentés dans une dizaine d’académies, appelant les parents à des journées de retrait des enfants des écoles, alimentées par les courants à l’œuvre dans la Manif pour tous, s’inscrivent dans la même vaine de régression à l’égard des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. En France, du chemin reste à faire sur les questions relatives à la santé des femmes, notamment en matière de contraception. En effet, si le gouvernement a fait adopter en décembre 2012 un amendement tendant à permettre la gratuité de la contraception pour les mineures, cette mesure reste largement insuffisante.
Car la mesure, telle qu’elle a été adoptée est en réalité, de l’avis de nombre d’associations spécialisées, mal adaptées. En effet, nombre de moyens de contraception en sont exclus, en particulier les préservatifs, dont on sait qu’ils sont utilisés par beaucoup de mineures comme un moyen de contraception. La limite d’âge, fixée à 18 ans, ne correspond pas à la réalité puisque les jeunes adolescentes, entre 18 et 20 ans, sont les premières concernées. Rien ne garantit l’anonymat, ce qui constitue un frein réel pour certaines jeunes filles. Et, surtout, la véritable difficulté pour les mineures n’est pas le frein financier, mais la capacité de se procurer un moyen de contraception adapté, de façon anonyme, quel que soit l’endroit où l’on vit, et sans avoir besoin de la carte vitale de ses parents. De plus, le dispositif ne concerne que les filles.
Or, médecins comme responsables associatifs soulignent l’importance de responsabiliser aussi les garçons. Il apparaît nécessaire de développer l’accès à une contraception choisie, gratuite et anonyme pour tous les jeunes qui en ont besoin, sans limite ni d’âge ni de restriction du choix des moyens de contraception par le biais de réseaux de professionnels de proximité (médecins, sages-femmes, conseillères, pharmacien(ne)s, infirmier(ère)s...) sur tous les territoires, en s’appuyant sur les coopérations entre ces professionnels formés et volontaires et en lien avec les centres de planification existants. Aussi, il faut agir pour mettre en place un véritable plan d’aide à la maîtrise et à l’apprentissage de la sexualité pour les mineurs.
Ce qui sous-tend de reconnaître la sexualité de tous les jeunes, sans limite d’âge ; de rendre effectif le droit à l’information et à l’éducation à la sexualité pour tous les jeunes ; de faciliter l’accès à une contraception choisie, sans jugement ni tabou, auprès de professionnels formés à l’accueil des jeunes ; d’inscrire la contraception et l’IVG comme thématiques prioritaires en terme de droits et de santé publique dans toutes les politiques de territoire, en ville, en périurbain et en rural.
Ce qui implique également de mobiliser des moyens nécessaires au maintien des réseaux existants et à leur développement, alors que nombre de centres de planification familiale, comme c’est le cas dans mon département des Hauts-de-Seine où le Conseil général réduit ses subventions, voient leurs moyens diminués.