Dans un rapport d’information sénatorial (1), nous avons choisi de nous concentrer, moi et ma collègue, sur l’évaluation de l’impact des filières à responsabilité élargie des producteurs sur l’écoconception des produits. Les filières REP visent à internaliser les coûts environnementaux dans le prix du produit. Le coût de collecte et de traitement des déchets est ainsi transféré des collectivités territoriales vers les producteurs, et donc des contribuables vers les consommateurs.
Des éco-organismes sont chargés d’organiser la fin de vie des produits dans chaque filière et de permettre l’atteinte des objectifs fixés par les pouvoirs publics. Le bilan est d’autant plus nécessaire que le contexte environnemental et économique global impose aux gouvernants de se poser la question de la gestion de la pénurie et de la rareté des ressources. Au-delà de l’enjeu fondamental de la réduction à la source des déchets, les matières premières dites « secondaires », produites à partir de la valorisation matière des déchets, constituent sans doute l’une des réponses à cette question d’avenir. La politique des déchets a donc un rôle crucial à jouer. Nous nous sommes penchées en détail sur l’efficacité du principal outil d’écoconception des produits dans les filières REP, à savoir la modulation des contributions en fonction de critères environnementaux. Il s’agit d’une sorte de bonus-malus : la finalité est clairement de responsabiliser les producteurs de biens afin d’encourager la mise sur le marché de produits plus respectueux de l’environnement.
Derrière des taux de collecte largement améliorables se cache l’enjeu de la simplification du geste de tri pour le citoyen. Les REP, et c’est là une de leurs principales réussites, ont largement contribué ces dernières années à une communication efficace sur le tri sélectif. Le geste de tri pourrait toutefois encore être simplifié. Les consignes varient fortement sur le territoire, en raison des systèmes de gestion des déchets existant localement. La variété de couleurs et de signalétiques des bacs de collecte nuit à la lisibilité du dispositif pour le contribuable. La pression financière et politique est d’abord placée sur le citoyen-consommateur, désigné comme le pollueur, et de plus en plus ponctionné, alors même que lui sont imposées des obligations croissantes en matière de tri. C’est lui qui supporte la part la plus importante des coûts alors même qu’il subit en grande partie les déchets et n’a pas le pouvoir d’intervenir en amont du cycle sur la fabrication, le conditionnement, la non-recyclabilité ou l’obsolescence programmée des produits.
Il est important que la politique des déchets ne se traduise pas, à l’avenir, par un alourdissement supplémentaire des coûts pour le citoyen. Il s’agit là d’un enjeu d’équité et d’acceptabilité sociale. En matière de fiscalité, il est nécessaire de fixer des objectifs réalistes et progressifs, prenant en compte le long terme. La fiscalité des déchets ne doit pas être considérée comme une fin en soi, mais doit être conçue pour atteindre les objectifs de politique publique fixés par le législateur et l’État pour la filière déchets. A cet égard, nous préconisons de réduire la différence tarifaire entre tonnes enfouies et tonnes incinérées, qui pénalise aujourd’hui largement les zones rurales, pour lesquelles le stockage reste pourtant la solution la plus adaptée et où les conditions de cet enfouissement ont pu être largement améliorées. Chaque territoire hérite d’infrastructures historiques. Ne pénalisons pas aveuglément un mode de traitement par rapport à un autre. L’enjeu est celui de l’adéquation entre le mode de gestion des déchets et le territoire. Autre enjeu crucial pour le fonctionnement des filières : le contrôle et la régulation par les pouvoirs publics. La remise à plat des filières REP passera par la fixation d’objectifs clairs de politique publique, par une amélioration de la collecte, une augmentation du contrôle de l’État et une rationalisation de la gouvernance des filières et des éco-organismes.
D’ici là, faisons une pause dans les créations de filières, pour mettre de l’ordre dans un système qui présente des avantages, malgré des résultats largement perfectibles.
(1) Le 20 février 2013, la Commission du Développement Durable a chargé Évelyne Didier et Esther Sittler (UMP) de l’élaboration d’un rapport d’information sur les filières à responsabilité élargie des producteurs (REP).