Chaque Français parcourt aujourd’hui en moyenne 45 km par jour, contre 5 km en 1950, et la SNCF a accompagné et répondu à ces besoins croissants de mobilité. Il est important de commencer par ce simple rappel, car l’exclusion spatiale est et sera la principale source d’exclusion de demain. C’est en ce sens que le service public ferroviaire a un avenir, que ce soit en termes de transport de marchandises ou de voyageurs.
C’est un nouveau territoire qui se façonne sous nos yeux et il est impératif d’en appréhender tous les aspects, toutes les opportunités pour garantir l’accessibilité à un nouveau capital : « le capital spatial » et éviter de nouvelles formes de marginalisation. Mobilité, report modal et aménagement du territoire sont les maitres mots de toute politique de transport dont la SNCF est et devra rester la pièce maîtresse. La SNCF est une entreprise publique de service public et sans nier les efforts consentis par elle, un constat est aujourd’hui partagé : le rail est en recul en France et dans de nombreux États européens. La SNCF est coincée entre la volonté libérale traduite dans les directives européennes et la politique de désengagement accéléré de l’État durant ces 15 dernières années. Il a été maintes fois rappelé que certaines parties du réseau ferroviaire français souffraient d’un vieillissement important.
Les investissements de renouvellement n’ont pas été réalisés. Le réseau français, deuxième réseau européen, représente 30 000 km. Toutefois, la circulation sur ce réseau est très hétérogène, puisque 90 % de la circulation est concentré sur la moitié de celui-ci. De plus aujourd’hui ce sont près de 9000 km de réseau qui sont en grand danger puisque jugés non rentables et par conséquent qui risquent de disparaitre. De même, en matière de marchandises, 88,3 % du transport se faisaient par camion en 2011, et ce bien que la route représente 93,7 % des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur. C’est une perte de près de 60 % du trafic pour fret SNCF depuis 2000. Le transport de voyageurs, c’est 7 000 trains par jour, 700 000 voyageurs. Depuis la régionalisation et le conventionnement, le TER est devenu un outil incontournable et performant de l’aménagement du territoire.
Ce qui s’est traduit par 40 % de trafic voyageurs en plus et cette amélioration ne s’est pas faite par l’ouverture à la concurrence, mais par délégation de l’État. Toutefois, si ce processus a des résultats positifs, il marque aussi le désengagement de l’État et la rupture d’égalité des citoyens dans l’accès aux transports. En effet, comment financer aujourd’hui des exigences de mobilité de plus en plus fortes avec un budget régional contraint ? De plus, la loi de finances pour 2013 n’est pas porteuse d’une inflexion particulière en matière d’infrastructures de transport, et ce bien que le lien entre transport ferroviaire et transition écologique ou énergétique voulue par le gouvernement n’est plus à démontrer. C’est dans ce cadre que le ministre a annoncé une réforme du système ferroviaire au second semestre 2013. Cette réforme est très attendue par les cheminots et par l’ensemble des acteurs du secteur. Cette réforme portera sur le redressement économique, la question de la dette de RFF n’étant pas résolue, et le volet européen.
La réunification du système ferroviaire par le rattachement d’un gestionnaire d’infrastructure unifié à l’exploitant historique au sein d’un pôle public unifié sera l’élément le plus important, mais aussi le plus attendu de la réforme annoncée. Ce pôle unifié permettra de mutualiser un certain nombre de compétences et de fonctions, selon le ministre. Dans le même temps, l’acte III de la décentralisation aura un impact réel sur l’organisation du transport de voyageurs. En effet aujourd’hui, le régime des transports régionaux est réglé par le règlement communautaire dit Obligation de service public qui permet le maintien du monopole de la SNCF, les régions ne pouvant choisir leur mode de gestion et notamment de mettre ou non en concurrence différents opérateurs. L’acte III de la décentralisation va aller encore plus loin sans pour autant proposer de nouvelles ressources pour les régions, ce qui pose un problème fondamental à l’heure où les budgets sont contraints.
Par exemple, en ce qui concerne les Trains d’Equilibre du Territoire, l’État compte limiter la contractualisation à une poignée de ces lignes qu’il pourrait mettre en concurrence. Pour le reste, il propose soit un transfert aux régions soit un transfert sur route. Cela risque de mettre à mal l’offre de transport sur ces lignes. Pour l’heure, si quelques pistes de réflexion sont avancées la question du financement n’est pas suffisamment abordée. Or, réformer le système ferroviaire impose de trouver de nouveaux financements. L’État doit tout d’abord se réengager à travers son budget. Mais il est également indispensable de revoir le financement de l’AFITF dont la pérennité est largement remise en cause.
C’est pourquoi il y a urgence à créer « la taxe poids lourd », et à remettre en cause la privatisation des concessions d’autoroutes, pour commencer. Il faut également permettre aux régions de disposer de ressources dynamiques et pérennes en instituant un versement transport généralisé faisant contribuer les entreprises au financement des transports publics, cela correspond par ailleurs à un engagement du Président de la République. Il serait aussi opportun d’étudier sérieusement notre proposition de création d’un livret d’épargne pour le financement des infrastructures de transport. Nous avons rappelé lors d’un débat le 24 janvier au Sénat, mais aussi dans toute la phase de concertation avant la finalisation du projet de réforme qui n’est aujourd’hui qu’une ébauche, que toute réorganisation du système ferroviaire aussi ambitieuse soit elle ne pourra être efficace que si la question du désendettement et du financement de notre système ferroviaire trouve une réponse concrète et réaliste.
Compte tenu de son rôle stratégique et des investissements en jeux, le rail ne peut s’autofinancer et nécessite par conséquent un soutien financier important.