La gestion des déchets a pris une importance grandissante pour les collectivités et les citoyens, tant d’un point de vue environnemental que financier. Des évolutions considérables sont intervenues depuis plus de vingt ans. Beaucoup a déjà été fait sous l’impulsion des directives européennes, de l’action des collectivités locales et de la prise de conscience de chacun en raison de l’impact de notre mode de vie sur notre environnement. Mais beaucoup reste à faire pour réduire nos déchets.
Tout d’abord, la gestion des déchets doit être soumise au contrôle des citoyens. En effet, désignés comme les pollueurs, de plus en plus taxés et obligés de trier, il leur est demandé de diminuer leur production de déchets. Mais aujourd’hui, les citoyens n’ont pas le pouvoir d’intervenir en amont du cycle de fabrication. De plus, l’obsolescence programmée des objets manufacturés participe directement à l’augmentation des déchets en favorisant la mise au rebu rapide de ceux-ci. C’est un outil destiné à augmenter la consommation dans un but mercantile, contraire à l’intérêt général. Il s’agit d’un des outils les plus pervers dans la course à la consommation.
La surconsommation et le surendettement sont les deux mamelles nourricières de cette course folle entretenue et orchestrée par les fils de pub. L’obsolescence programmée est aussi le révélateur des principaux dysfonctionnements du marché dans son acceptation libérale et du mythe de la concurrence libre et non faussée parce que tous ces mécanismes ne visent qu’un seul et même objectif pour chaque firme : faire plus de profit. Ainsi si des filières de recyclage doivent être développées, elles ne représentent qu’un geste curatif. Ce qu’il faut, c’est agir sur la prévention, et celle-ci passe évidemment par le citoyen qu’il faut informer sur le circuit des déchets et leur devenir, sur les coûts et sur l’impact environnemental des produits qu’il achète. Mais pas seulement. C’est le citoyen qui supporte la part la plus importante des coûts ; il est donc nécessaire d’examiner précisément la fiscalité sur les déchets ménagers et le devenir des sommes perçues.
Aujourd’hui, la ponction financière sur les foyers par le biais de la taxe ou de la redevance est lourde. La politique fiscale concernant les déchets ne peut pas masquer une ponction supplémentaire sur les ménages pour alimenter le budget général. Il est temps d’examiner précisément le devenir des sommes perçues, pour le bien des citoyens, mais également des collectivités. Par ailleurs, réfléchir aux modes de traitement des déchets ne doit pas nous faire oublier que l’essentiel est dans la réduction des déchets à la source. L’éco-conception a comme principaux avantages de préserver les ressources et de réduire les déchets ultimes. Elle impose aussi aux producteurs de concevoir leurs produits de façon à réduire au maximum les impacts environnementaux de la fabrication et de la distribution des produits et d’assumer la responsabilité matérielle et économique de leur fin de vie.
La responsabilité élargie du producteur (REP) permet d’intégrer au coût du produit, les coûts de protection de ’environnement qui sont liés à son traitement et à son élimination. Mais dans quelles mesures les REP contribuent-elles à développer l’éco-conception des produits ? Esther Sittler, Sénatrice du Bas-Rhin, et moi-même devrons répondre à cette question dans un rapport d’information qui nous a été confié par la commission du développement durable du sénat. Ce qui est incontestable aujourd’hui, c’est qu’on ne peut plus concevoir un objet manufacturé sans se demander ce qu’il deviendra à terme. Enfin, s’intéresser à une meilleure conception des produits, c’est aussi s’intéresser aux personnes qui travaillent dans les filières de collecte et de tri des déchets. Ces postes, ne faisant bien souvent appel à aucune qualification particulière, peuvent s’exercer dans le cadre d’entreprises de réinsertion. Mais ces professions associent des contraintes physiques et des risques accidentels (gestes répétitifs à cadence soutenue, nuisances sonores, posture, contact avec les déchets pour ne citer que ceux-là). Il faut réduire la pénibilité de ces métiers et améliorer les chaînes de tri.
Pour conclure, il est essentiel que soit annoncé clairement quels sont les objectifs du traitement des déchets : s’agit-il simplement d’éliminer les déchets avec une fiscalité qui permette de couvrir les coûts de cette activité ? D’inclure la politique « déchets » dans une production énergétique ? De limiter les gaz à effet de serre et l’utilisation des matières premières ou encore de créer une nouvelle activité économique ? Les taxes perçues sont-elles des prétextes pour financer d’autres politiques et faire entrer des recettes dans le budget général ?
Il est donc clair que cette question de la clarification des objectifs, mais aussi de l’ordre de leurs priorités est indispensable pour pouvoir penser ces politiques de gestion des déchets de manière globale et transparente. Il nous faudra donc travailler non seulement sur l’éco-conception mais aussi sur les garanties, la sobriété et l’économie circulaire. Ceci demande un retournement des valeurs et une véritable révolution qui replace l’homme au cœur de notre action.