Depuis quelques mois, la Commission européenne a débuté les négociations commerciales transatlantiques. Ce traité prévoit l’ouverture à la concurrence et la « déréglementation » de nombreux secteurs pour atteindre la concurrence libre et non faussée. Les négociations font apparaître de grandes similitudes avec le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié entre 1995 et 1997. Quinze ans plus tard, d’après les éléments qui filtrent, la copie semble être la même que pour l’AMI. Ce traité présente un certain nombre de menaces pour les droits sociaux et l’emploi, l’environnement, l’agriculture, les droits civiques, la vie privée, la santé, la régulation financière et la démocratie. Ses défenseurs avancent comme principal argument de « merveilleuses retombées économiques ».
Pourtant, nous pouvons sincèrement douter de la véracité des schémas économiques proposés. Le commissaire européen au commerce estime que les retombées de cet accord « devraient être de l’ordre de 0,5 % à 1 % du PIB, avec des centaines de milliers d’emplois créés... » Ces prévisions doivent être prises avec la plus grande prudence. Elles sont décrites comme extrêmement spéculatives, car basées sur une augmentation de la croissance de 0,5 %. Même le département d’étude d’impact du Parlement européen a critiqué ces études en notant « l’absence de vérification quant à la crédibilité du modèle employé, qui semble basé sur un certain nombre d’hypothèses idéalisées. » Faute de véritables études d’impact, il semble opportun de se baser sur les précédentes expériences d’accords commerciaux et analyser leurs conséquences. L’accord de libre-échange nord-américain présente de nombreuses similitudes avec l’accord européen. Il a conduit, notamment, à la destruction d’un million d’emplois aux États-Unis alors que le gouvernement promettait la création de 20 millions d’emplois. Il a également eu de lourdes conséquences sur les conditions de travail.
De plus, cet accord pourrait mettre à mal la protection sociale et le droit du travail, car ceux-ci sont considérés comme des « barrières non tarifaires ». Il en est de même pour les services publics, car le fond de ce traité est de s’attaquer aux secteurs non marchands (santé, éducation, services...). Nous constatons également que les priorités européennes et étasuniennes sont très différentes et nous ne pouvons accepter de revenir sur certains principes, notamment sur la sécurité alimentaire, la non-brevetabilité du vivant, les OGM... Or actuellement de grandes firmes exercent une pression énorme afin que le marché européen s’ouvre totalement à leurs produits. Un autre point sur lequel il faut être particulièrement attentif concerne le mécanisme de règlement des différends.
En effet, les sociétés multinationales auront la possibilité de poursuivre, en leur nom propre, un pays dont la réglementation aurait un effet restrictif sur leur déploiement commercial. Une cour spéciale pourrait condamner les États à de lourdes réparations dès lors que sa législation limiterait les « profits espérés » par la société. La souveraineté des États serait totalement remise en cause. Seules les politiques répondant aux intérêts des grands groupes industriels et financiers seraient applicables. Pourrait-on alors se référer à la démocratie, avec des parlements privés de leurs prérogatives et des citoyens totalement dépossédés de recours ?
Le danger de cette alliance est également très lourd pour l’équilibre du commerce international notamment avec les pays du sud, car cet accord régira environ 50 % de l’économie mondiale. Cet accord tel qu’il est proposé aujourd’hui n’est pas acceptable. Il ne peut se contenter de libéraliser encore plus les marchés, de protéger seulement les investisseurs et les secteurs financiers. La priorité doit être donnée au progrès social, à la coopération solidaire des peuples. Malheureusement, les éléments dont nous disposons actuellement ne vont pas dans ce sens et relèguent l’humain loin derrière les intérêts financiers et économiques. Tout accord de ce genre devrait être soumis à un examen démocratique avant d’être conclu. Nous devons en faire un des enjeux majeurs des prochaines élections européennes. Les citoyens doivent pouvoir s’emparer de ce dossier, en mesurer toute la portée et se prononcer en toute connaissance !