Le "légiférer autrement" du gouvernement, nouvelle mise au pas du Parlement

Publié le 20 octobre 2004 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Roland Muzeau

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Mon rappel au règlement a trait à l’organisation de nos travaux.
M. le Président du Sénat déclare aujourd’hui à la Une d’un hebdomadaire « le problème n’est pas de moins légiférer, mais de légiférer autrement ».

L’introduction des dispositions relatives au licenciement, par le biais d’une lettre rectificative adoptée ce matin même en Conseil des Ministres, dans le projet de loi de Cohésion sociale, programmé en séance publique mercredi prochain, éclaire de manière originale ce propos présidentiel.

Légiférer autrement signifie-t-il faire adopter à la hussarde des mesures antisociales d’assouplissement des règles de licenciements ?
Légiférer autrement signifie-t-il confirmer ce que nous savions depuis deux ans, c’est-à-dire transformer le Parlement en vulgaire Chambre d’enregistrement des directives gouvernementales ?

Légiférer autrement, signifie-t-il écarter la Commission compétente, des Affaires sociales en l’occurrence, du processus législatif puisqu’elle n’aura pas pu examiner le texte de M. BORLOO dans sa globalité ?
Décidément, ce « légiférer autrement » doit être compris comme la mise au pas de l’institution parlementaire.
Depuis quelques jours, nous assistons à une comédie del arte qui prêterait à sourire.
La dure réalité est là.

Le gouvernement ne négocie plus avec les syndicats, il impose.
Le Parlement ne débat plus, il enregistre.
Comment peut-on accepter de discuter dans quelques jours d’un projet de loi dont l’intitulé est devenu obsolète ? Il ne s’agit plus d’un projet de cohésion sociale, mais bien d’un projet de déstabilisation sociale.

En tout état de cause, M. le Président, je vous demande de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que l’examen de ces dispositions soient repoussé sin die, afin de permettre l’audition des parlementaires sociaux et des Ministres concernés afin de permettre l’élaboration d’un nouveau rapport.

Sur le fond, je peux vous assurer, au nom de mon groupe, que la méthode utilisée par le gouvernement renforcera l’opposition résolue des sénatrices et des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à cette nouvelle étape dans la régression sociale.

Roland Muzeau

Ancien sénateur des Hauts-de-Seine

Ses autres interventions :

Droit au logement opposable : explication de vote

Les sénateurs du groupe CRC se sont finalement abstenus lors du vote du projet de loi instituant un droit au logement opposable. Favorables à ce droit, bien avant la conversion subite du gouvernement, ils estiment que le texte voté est trop restrictif."Le processus d’opposabilité du droit au logement, a déploré Roland Muzeau, sera complexe, long et difficile à mettre en œuvre et ne sera pas le même partout. L’exemption dont bénéficieront certains territoires pèsera sur l’universalité du droit et l’égalité des demandeurs de logement devant la loi." Les sénateurs communistes se félicitent néanmoins de ce premier pas, accompli grâce à une mobilisation de terrain, et espèrent que le droit au logement prendra rapidement "un tour plus concret et plus ambitieux".

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