Je remercie M. Gélard de ses propos à l’égard du groupe C.R.C. J’aimerais que se manifeste un consensus sur les questions de la sécurité dans les entreprises. Hélas, sans, bien entendu, soupçonner quiconque de souhaiter l’insécurité, j’observe des divergences d’analyses et de recommandations. Certains, à mon avis, prennent le problème à l’envers. Information de la population : soit ; mais le point crucial demeure bien la protection collective, la mise en sécurité des entreprises et je souhaiterais qu’à ce sujet, l’on ne nous oppose pas impératifs de production ou bénéfices. La vie d’un seul salarié vaut plus que tout l’or du monde.
Je me suis entretenu avec des chefs d’entreprise, des représentants syndicaux du secteur chimique. Exemple de raisonnement à l’envers, un chef d’entreprise m’affirmait que dans son usine, aucun problème ne se posait puisque les implantations étaient entourées d’un périmètre de sécurité de 200 mètres et qu’aucune habitation ne se trouvait dans les environs… Et les salariés ?
Les organisations syndicales m’ont signalé divers problèmes : vétusté d’installations, insuffisance des investissements depuis de trop nombreuses années, fermeture de bâtiments, licenciements, polyvalence accrue, etc. La C.F.E.-C.G.C., en particulier, souligne la faible valorisation des compétences ; elle recommande d’accroître les qualifications, par la formation continue ; de mettre un terme à la polyvalence extrême, source de démotivation et de dysfonctionnements ; et d’augmenter les interventions de maintenance, ce qui exige, bien entendu, des moyens humains et financiers supplémentaires. Il faut donc revoir la charge de travail supportée par chaque salarié, revenir sur la polyvalence systématique et le renfort occasionnel fourni par du personnel mal formé.
Si ces questions ne sont pas correctement traitées, il s’ensuivra des dysfonctionnements, dans une multiplication des risques.
Il faut aussi une véritable formation des personnels aux métiers de la chimie et à la prévention des risques ; ce serait enrichissant pour les salariés, mieux armés pour lutter contre les dysfonctionnements nuisibles à la protection de l’environnement.
Il faut donc des moyens humains et financiers supplémentaires afin de moderniser, d’optimiser la sécurité, et d’avancer plus vite vers le risque zéro.
Dans la fabrication des produits chimiques, nous ne pouvons en rester aux choix patronaux des années 70, à savoir que la recherche est opérée en France et la production délocalisée en Asie, ce qui fait que nous importons d’Orient des substances de qualité douteuse, fabriquées par des salariés peu ou pas payés et travaillant dans des conditions épouvantables.
En matière de sécurité, les chefs d’entreprise affirment que tout le nécessaire est fait : on voit les résultats ! On nous indique des montants, certainement exacts, d’investissements pour la sécurité ou l’environnement, mais qui sont bien loin de permettre de rattraper les retards accumulés.
C’est ainsi que j’ai eu une explication avec le chef d’une entreprise de ma commune à propos de deux sphères atmosphériques qui font peur à la population, bien qu’elles soient vides, et qui défigurent le paysage. Il m’a objecté que leur enlèvement coûterait au total deux millions de francs. Si l’on sait que le propriétaire de l’installation n’est autre qu’Elf-Atockem on peut penser qu’il n’en est pas à deux millions près !
La formation à l’étude des risques doit aussi se faire à l’université et dans les écoles. Comme l’a bien dit M. Gélard, notre région est la première en France par le nombre d’établissements classés Seveso II. Or elle ne possède aucune école de formation aux métiers de l’environnement, de la sécurité et de gestion des risques. Il en faut absolument, étant donné que de nombreuses unités de stockage ne possèdent pas de capteurs de température, ce qui est inacceptable : les fours des ménagères sont plus perfectionnés !
Autre question, celle des casernes de pompiers - et j’en profite pour rendre hommage à tous ceux qui ont tant aidé les Toulousains. Dans les secteurs à risques, il faut des casernes de pompiers spécialisés.
J’habite le sud de l’agglomération rouennaise, où se trouve une usine A.Z.F. À proximité de cette installation, il y a 100 000 habitants, mais pas de caserne de pompiers ! Il serait pourtant facile d’en implanter une dans la forêt de Rouvray, toute proche. Je n’ai pas attendu la catastrophe de Toulouse pour la réclamer. Si catastrophe il y avait, ce ne sont pas les sapeurs pompiers de Rouen et d’Elbeuf qui pourraient faire face, d’autant qu’il n’y a pas de service pour grands brûlés dans les hôpitaux de Rouen et qu’il faudrait les évacuer par hélicoptère jusqu’à Paris.
Quant à l’information des populations, beaucoup reste à faire. Les brochures distribuées dans les boîtes aux lettres ne suffisent pas, surtout lorsqu’elles recommandent de se confiner dans son appartement ; mais quand, comme c’était le cas à Toulouse, celui-ci a été détruit ou que toutes les vitres sont brisées, comment faire ? Il est indispensable de mener avec toute la population un vrai débat démocratique.
Va aussi se poser la question de l’arrêt du développement économique et social des villes concernées par les conséquences de l’après Toulouse, avec le gel de certaines zones industrielles, comme dans ma commune. Quels moyens recevront les villes ainsi pénalisées. Un mot enfin du plan Vigipirate. Il faudrait probablement le renforcer dans tous les sites à risques, nombreux en Seine-Maritime.
Telles sont les observations et les propositions que je voulais faire au nom de mon groupe. (Applaudissements sur les bancs C.R.C.)