Le 17 décembre 2001, j’ai appelé l’attention de M. le ministre de la Santé sur la pollution à la dioxine engendrée par l’usine d’incinération de déchets, située à Gilly-sur-Isère, dont sont victimes 25 communes près d’Albertville en Savoie. Cette pollution cause aux agriculteurs des dommages matériels et psychologiques importants sans parler de leur inquiétude quant à la qualité des produits mis sur le marché et à leur propre santé.
Certes, les premières analyses font apparaître des traces de dioxine mais apparemment sans danger, notamment pour les mères allaitantes et leurs enfants ; certes l’indemnisation des agriculteurs a débuté ainsi que l’abattage du bétail, et la vente du lait a pu être reprise en partie, semble-t-il. Par ailleurs, l’usine a été fermée et une réunion s’est tenue à Matignon sur ce sujet : le gouvernement a agi et on peut s’en féliciter.
Il n’en reste pas moins qu’une étude épidémiologique doit être engagée rapidement afin de connaître les conséquences sur l’état sanitaire de la population. Quels qu’ils soient, les résultats devront être connus et s’accompagner de mesures de dépollution et d’un suivi médical des personnes exposées, mesures qui doivent intervenir avant la fin de l’étude.
Parallèlement, il est impératif d’engager la recherche de responsabilités afin de financer l’ensemble des indemnisations aux frais exclusifs des responsables. Il est également nécessaire de leur faire prendre en charge les dépenses liées à la dépollution du périmètre.
Les récents accidents montrent que la règle pollueur-payeur ne suffit pas. La France compte plus de 80 usines de ce type. Il appartient à l’État de redéfinir les normes pour ces usines de moyenne importance qui semblent aujourd’hui, échapper aux réglementations en vigueur. Il est urgent de diligenter une étude pour mesurer la nature et le niveau des pollutions émises par ces usines ; et au regard des résultats, de prendre les mesures qui s’imposent.
Monsieur le Ministre, quelles réponses pouvez-vous nous apporter quant au lancement de l’étude épidémiologique, à la recherche des responsabilités, à la mise en place de nouvelles normes afin de permettre à ces entreprises de continuer leur activité sans aucun danger pour la population et l’environnement ?
M. COCHET, ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement. Le 24 octobre 2001, le préfet de Savoie a fait fermer l’incinérateur de Gilly-sur-Isère, après que des analyses eurent prouvé que les taux de dioxine rejetée dans les fumées de l’incinérateur étaient très élevés. Les services de l’État ont aussitôt mené des investigations dans les élevages situés dans un périmètre de cinq puis de dix kilomètres pour vérifier les teneurs en dioxines des produits animaux. Celles-ci dépassent dans certains cas les seuils d’exclusion : 5 picogrammes par gramme de graisse pour les produits laitiers. La production de lait des élevages concernés est détruites et l’abattage partiel ou total des troupeaux est envisagé. Un plan de surveillance a été mis en place pour vérifier qu’une extension du périmètre ne s’avérerait pas nécessaires. En liaison avec la cellule interrégionale d’épidémiologie, les autorités sanitaires locales ont entrepris d’évaluer l’exposition aux dioxines et ses impacts pour la population résidant à proximité.
Madame la Sénatrice, vous avez à bon droit posé la question des responsabilités. Il appartient à l’exploitant de l’incinérateur d’indemniser les dommages causés par le fonctionnement non conforme de l’incinérateur de Gilly. À titre exceptionnel, une participation financière de l’État est envisagée sous forme d’une avance remboursable, dans l’attente de l’établissement définitif des responsabilités. Cette aide vient en complément des efforts des collectivités territoriales. Il a été demandé au préfet de la Savoie de faire aboutir rapidement la convention entre tous les intervenants financiers.
De manière plus générale, le ministère de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement et les préfets ont mené des actions énergiques pour la mise en conformité des usines d’incinération d’ordures ménagères avec les dispositions de l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991. Cet arrêté imposait la mise ne conformité des usines d’une capacité supérieure à six tonnes par heures au 1er décembre 1996 et celle des usines d’une capacité inférieure à six tonnes par heures au 1er décembre 2000. Avant de modifier les prescriptions en vigueur, il faut en effet s’assurer que les exploitants de ces installations, et notamment les collectivités territoriales ou leurs groupements, respectent la réglementation actuelle.
Fin 1996, seuls 30 des 70 incinérateurs d’une capacité supérieure à six tonnes par heure, étaient en conformité. Fin 2001, 73 unités sur 75 le sont.
Pour ce qui concerne les incinérateurs d’une capacité inférieure à six tonnes par heure, sur un parc initial de 188 installations, 104 unités ont fermé entre 1998 et 2001. Aujourd’hui, seules 38 installations sont en conformité sur un total de 84 installations. 4 autres unités ont engagé des travaux qui devraient les mettre en conformité avant la fin du premier trimestre 2002. 42 unités d’une capacité inférieure à six tonnes par heure demeurent en fonctionnement alors qu’elles ne respectent pas la réglementation.
Ce n’est pas satisfaisant. J’ai informé les préfets des dommages importants constatés à Gilly-sur-Isère et leur ai rappelé à plusieurs reprises, en novembre et décembre 2001, la nécessité de faire rapidement cesser l’exploitation d’installations qui ne respectent pas la réglementation. À cet effet, j’envisage de rencontrer prochainement les principaux préfets concernés par des incinérateurs non conformes.