Monsieur le Président,
Madame la Ministre
Cher-es Collegues,
Au cours des longs mois d’auditions de la mission d’information, j’ai pu constater que la question des organismes génétiquement modifiés est complexe et ne peut être réduite à un simple débat pour ou contre, tant les applications sont vastes et diversifiées et porteuses de progrès possible pour l’Humanité comme l’a rappelé mon collègue et ami Gérard LE CAM.
Comme pour toute recherche scientifique se pose la question de l’utilisation des découvertes, encore plus quand les avancées possibles peuvent être concentrées dans les mains d’une poignée de grandes firmes internationales.
C’est pourquoi il est important que le politique légifère sereinement indépendamment des diktats de l’Organisation Mondiale du Commerce.
Le développement de l’insécurité sanitaire et alimentaire, ne repose pas sur « un refus obscurantiste de tout progrès scientifique » de la part de l’opinion publique consommateurs ou agriculteurs.
Les actions revendicatives de la part d’agriculteurs et d’associations en France et dans le monde, contre les OGM, reposent essentiellement sur la liberté de choix en matière de production et de consommation de produits sans OGM et sur la nécessité d’une information, plus transparente sur toutes ces questions qui touchent à la recherche et à la santé humaine.
Dans un contexte marqué ces dernières années par la répétition de crises alimentaires et sanitaires, l’inquiétude légitime des producteurs comme des consommateurs est basée sur plusieurs constats.
Premièrement, les conséquences sur les organismes (humains, végétaux et animaux) à long terme sont aujourd’hui encore trop mal connues pour que l’on puisse se permettre de libéraliser sans réserve, l’utilisation des OGM .
Ainsi l’introduction d’un gène nouveau dans l’organisme naturel peut entraîner la production de toxines. Les OGM producteurs de pesticides devraient donc être testés comme des pesticides, avec des expérimentations de toxicologie et de cancérologie, ce qui n’est pas le cas actuellement. De plus le risque d’allergies alimentaires n’est pas négligeable.
Deuxièmement, la seule certitude admise par tous est qu’aujourd’hui il est impossible de garantir le « zéro OGM » dans les productions alimentaires animales ou humaines. Le confinement des productions agricoles avec OGM est impossible.
Troisièmement, la guerre économique et politique que livrent les Etats Unis à l’Europe et au Monde, notamment aux pays en voie de développement, en exerçant une énorme pression sur le marché via les trusts agro-alimentaires américains est un paramètre extrêmement important qui porte atteinte à l’autonomie de notre pays.
Cela justifie que le développement des OGM soit inscrit dans un cadre réglementaire très exigeant. Les dispositifs nationaux et communautaires doivent garantir le plus sûrement possible la santé publique française, européenne et mondiale.
Nous devons inscrire l’utilisation des organismes génétiquement modifiés dans un développement durable c’est à dire celui de la préservation de notre planète, de toutes ses espèces animales et végétales pour les générations futures, sans pour autant concevoir à la place de ces générations ce que sera l’avenir.
Il n’existe aucune activité humaine qui ne soit sans conséquence, cependant il importe de répondre aux exigences de prudence, et aux interrogations de nos concitoyens par la mise en œuvre permanente du principe de précaution.
Principe qui doit être défini non pas comme instrument figeant toute recherche scientifique et toute évolution mais bien comme un instrument de protection du bien être commun.
Aujourd’hui les enjeux marchands et politico-statégiques mondiaux autour de la production et donc la prolifération planétaire des OGM nous demandent de prendre toutes nos responsabilités pour légiférer non pas sous la pression de lobby financiers, mais avec le souci d’une garantie optimale de sûreté alimentaire pour l’ensemble des populations et le souci du respect de la biodiversité.
Les OGM sont un véritable pactole pour une demi-douzaine de grands groupes obtenteurs de semences qui sont à l’agriculture ce que Vivendi Universal est à la Culture.
L’introduction des semences génétiquement modifiées dépossèdent les paysans de la maîtrise accumulée par des siècles d’innovation et de recherche collectives issue d’héritage culturel et historique que sont les semences sélectionnées.
Les paysans de chez nous comme ceux du tiers monde sont dessaisis de leurs savoir et savoir faire.
L’enjeu financier est énorme : on parle de plusieurs milliards de dollars.
Comment ne pas évoquer la pression des lobby agro-alimentaires dans le débat ?
Comment ne pas évoquer l’équilibre vital qu’il nous faut maintenir entre l’avancée des technologies et de la science, sa protection par une législation appropriée et indépendante du marché.
La recherche doit avoir les moyens de cette indépendance, de ce point de vue Madame La Ministre nous ne pouvons qu’être inquiets et dénoncer les réductions de budget de votre ministère et en particulier les crédits affectés à la recherche publique.
L’extrême méfiance de l’opinion publique à l’égard des OGM est aussi alimentée par le fait que les recherches sur les organismes modifiés sont pour la grande majorité financées et développées par les firmes qui produisent et commercialisent ces mêmes produits.
L’équilibre entre recherche publique et privée est un gage de sécurité sur des sujets aussi sensibles que la santé, le devenir de l’être humain.
Il est de la responsabilité de la recherche de vulgariser ses travaux, d’informer, les citoyens, de permettre le débat public et contradictoire.
On ne gagnera, le pari de la sécurité alimentaire, sanitaire et du développement durable de notre planète que par l’information large et transparente de l’ensemble des acteurs et des partenaires concernés.
Le rapport dense et documenté de notre mission et ses propositions en sont un élément.
Sur cette question, comme sur tous les sujets de société, nous n’avons rien à craindre de la démocratie, le temps est venu du débat pour donner à chacun le moyens de devenir un consommateur acteur citoyen, libre de ses choix.