Lutte contre l’obésité

Publié le 27 mars 2008 à 15:23 Mise à jour le 1er avril 2015

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2000 déjà, l’Organisation mondiale de la santé reconnaissait à l’obésité la qualification d’épidémie.

C’est dire les risques qui y sont liés. Nous les connaissons, il s’agit de la diminution de l’espérance de vie et de l’accroissement des risques cardiovasculaires. À cet égard, nous savons qu’un obèse a dix fois plus de risques qu’une personne de poids normal d’être traité pour les trois facteurs suivants - le diabète, l’hypertension, les anomalies des graisses du sang.

Les risques ne se limitent pas à l’aspect médical, puisque l’obésité a également des conséquences au regard de la société, avec l’exclusion et les discriminations à l’emploi, mais aussi avec le coût que fait peser cette épidémie sur notre système de santé.

Or, sous les apparences d’un débat d’ordre médical et même de santé publique compte tenu de l’ampleur du phénomène, la question de l’obésité soulève des interrogations allant au-delà des seules normes médicales.

Nous pourrions paraphraser un célèbre adage : nous ne sommes pas seulement ce que nous mangeons, mais ce que nous mangeons reflète la société dans laquelle nous vivons.

Parler de l’obésité, c’est introduire une réflexion sur les habitudes alimentaires en elles-mêmes certes, mais également sur la nature des produits entrant dans notre alimentation, sur nos rythmes de vie, le partage de notre temps entre vie professionnelle et vie privée.

C’est également aborder les évolutions de notre société : l’implication du travail à temps partiel et à horaires décalés.

C’est aussi évoquer les crises que nous rencontrons et qui se répercutent à tous les niveaux. Je pense, par exemple, à la précarisation, qui empiète sur les temps nécessaires au repos, à la préparation ou à l’éclatement des temps de repas.

Je l’indiquais préalablement, l’obésité et une bonne part des déséquilibres alimentaires trouvent à la fois leurs conséquences et leurs sources dans les évolutions de notre société, ses déséquilibres et ses crises.

Selon l’étude ObEpi de 2006 réalisée en collaboration avec l’INSERM, la fréquence de l’obésité « reste inversement proportionnelle aux revenus ». Ainsi, les revenus mensuels des personnes atteintes d’obésité représentent moins de 900 euros pour 19 % d’entre elles, se situent entre 1 200 et 2 900 euros pour 18 % d’entre elles, et s’élèvent à près de 5 000 euros pour seulement 5 % d’entre elles. Les chiffres sont clairs !

Une autre statistique qui montre que l’obésité progresse plus vite chez les femmes que chez les hommes vient confirmer ces chiffres. Dès lors, comment ne pas établir un lien entre ces données et le récent rapport du Conseil économique et social, qui confirme ce que nous dénoncions : les femmes sont en plus grande précarité que les hommes, puisqu’elles sont plus souvent soumises aux temps partiels imposés et aux conditions de travail les plus difficiles.

Autant dire, madame la ministre, que la précarisation accroît les risques d’obésité, sachant que la même étude témoigne de la progression constante et croissante des formes les plus graves d’obésité dans les foyers à faibles ressources financières.

Il faut donc agir et ce, à tous les niveaux, tant en France qu’à l’échelon européen.

La France présidera l’Union européenne à partir du mois de juillet prochain. Les pâles propositions du plan santé- jeunesse m’inquiètent quant à la capacité de notre pays d’être une force de propositions sur ce sujet.

Alors que, dans son Livre vert sur l’obésité, la Commission européenne faisait le constat de la nécessité de coordonner les politiques de luttes contre l’obésité, l’on regrettera tous, dans cette enceinte, que de ce Livre vert il ne reste rien, ou si peu, si ce n’est le témoignage de la force des lobbies et des groupes industriels.

Bien entendu, la priorité doit être donnée à la lutte contre l’obésité infantile. Encore une fois, il s’agit bien d’une question sociale et il nous faut faire le choix entre deux modèles de sociétés.

On ne peut ignorer, madame la ministre, que, depuis des années, votre majorité ne cesse de diminuer le nombre de poste de personnels parascolaires dans les établissements. Tous les moyens auront été bons : diminution budgétaire, transferts de personnels non compensés aux collectivités territoriales entre autres, moins d’adultes encadrant les cantines, moins de personnels techniques, ouvriers et de service, ou TOS. Espaces de fabrication à l’origine, les cantines se sont de plus en plus souvent muées en lieux de transformation, où l’on se contente de réchauffer et de distribuer les repas.

Quant aux médecins scolaires et aux nutritionnistes, ils manquent cruellement. On sait pourtant que le système scolaire pourrait être le lieu opportun pour un plan de grande envergure concernant l’éducation des plus jeunes à une alimentation saine et équilibrée. Combien de jeunes, inscrits dans nos établissements, ne font qu’un seul repas dans la journée, celui qui est distribué dans les écoles, collèges et lycées ?

C’est donc à l’école, au sens large, qu’il faut intervenir. Mais, pour ce faire, encore faut-il disposer de moyens humains et financiers, lesquels ne peuvent reposer sur la seule capacité des collectivités locales et territoriales.

La conception gouvernementale de la décentralisation a conduit à de grandes aggravations des disparités entre les régions et les départements. Les collèges et les lycées ne sont pas épargnés.

L’étude de l’ObEpi précise encore que l’obésité se mesure également sur le plan territorial. Le nord de la France, par exemple, connaît une expansion plus grande et plus rapide de l’obésité que le sud de notre pays. Et cela n’est pas du seul fait du « régime crétois » et des vertus de l’huile d’olive, même si ces dernières sont certaines. (Sourires.)

M. Gérard Dériot. Eh oui !

M. Robert Bret. C’est aussi l’une des conséquences d’une économie marquée par une précarisation plus grande.

La réponse que nous devons envisager, que le Gouvernement doit élaborer, madame la ministre, doit prendre en compte cette réalité. Or, là encore, la question des produits utilisés par la ménagère pour composer le repas nous amène à nous interroger, au-delà de la simple question alimentaire. Les études des associations et de la presse le prouvent, ce sont les prix des hard-discounters et des produits vendus sous le nom des enseignes de la grande distribution qui ont le plus augmenté. Ce sont donc les produits les moins chers, ceux qui sont achetés par les familles les plus pauvres, qui ont connu une hausse plus importante, conduisant certaines des familles les plus nécessiteuses à opérer de nouveaux choix, à faire de nouveaux sacrifices.

Cela peut apparaître comme une anecdote, mais dans combien de familles le repas du soir se limite-t-il à des tartines et à un chocolat chaud, quand il n’est pas tout simplement sacrifié, faute de ressources suffisantes ? Voilà une conséquence supplémentaire de la baisse continue du pouvoir d’achat des Français !

Je regrette d’ailleurs, avec mes collègues du groupe CRC, que le Gouvernement s’entête à refuser une diminution de 1 % de la TVA sur les produits de première nécessité.

Avant de conclure, madame la ministre, je voudrais vous interroger sur votre plan « Santé des jeunes ».

Un premier plan avait été mis en place sous l’ancien gouvernement. Je regrette sincèrement qu’un réel bilan n’en ait pas été réalisé, notamment quant à la participation des industriels de l’agroalimentaire. En effet, ceux-ci, ne l’oublions pas, occupaient dans le précédent plan une place importante. Voilà donc un curieux paradoxe lorsque l’on connaît les intérêts financiers que représente le marché des jeunes et des adolescents ! Une preuve récente en est la levée de bouclier qu’a suscitée, auprès d’un grand groupe industriel, la décision d’une grande enseigne de la distribution de supprimer la vente des produits chocolatés aux caisses de ses magasins. On peut encore citer la récente et grande campagne publicitaire de l’industrie du sucre dénonçant l’anti-campagne dont elle serait victime.

Or, madame la ministre, si, à la lecture de votre plan, il semble que vous fassiez cesser cette curieuse association, rien ne paraît concret. Il nous semble pourtant évident, à moi-même et à mes collègues du groupe CRC, que l’école doit concentrer tous nos efforts. Nous avons besoin d’un grand plan d’éducation populaire à l’équilibre alimentaire, dont l’école, au sens large, doit être un acteur incontournable. C’est la seule garantie d’une action coordonnée sur le plan national si, bien entendu, le Gouvernement décidait de se donner les moyens et l’ambition de traiter l’extension de cette pandémie.

Madame la ministre, vous parlez d’améliorer la qualité des cantines scolaires sans jamais évoquer les moyens financiers. Vous ne dites pas un mot, par exemple, sur la formation, le rôle et le nombre des nutritionnistes ! Comment, dès lors, faire en sorte que les parents soient correctement informés sur les qualités nutritionnelles des repas distribués ? Je me permettrai de formuler une proposition à cet égard : pourquoi ne pas envisager de transformer la « semaine du goût » en une « semaine du goût et de l’équilibre alimentaire » au cours de laquelle les élèves, associés aux professionnels de santé, participeraient à l’élaboration et à la réalisation des repas ? Des expériences intéressantes en la matière ont eu lieu, notamment à l’étranger.

À cette semaine pourraient également être associés les agriculteurs locaux, puisqu’une chose est certaine : un repas équilibré et sain, ce sont de bons produits et de bonnes pratiques culinaires.

Votre plan ne dit pas un mot sur la mise à disposition, tout au long de la journée, de boissons sucrées et de barres chocolatées par le biais des distributeurs. On sait combien cette consommation est néfaste. Mais on sait également que ces distributeurs participent au financement des fonds d’action sociale des établissements scolaires, lesquels contribuent à exonérer certaines familles les plus modestes des frais de restauration ou permettent aux élèves les moins riches de participer à des séjours linguistiques.

Si la suppression ou le remplacement de ces distributeurs s’avère utile, il faut nous interroger sur la manière de compenser les pertes que l’une et l’autre occasionneront.

Votre plan évoque une possible association des collectivités territoriales. Mais de quelle association s’agit-il ? Envisagez-vous, sans le dire réellement, que ce seront les communes, les départements et les régions qui devront demain financer ces améliorations ?

Votre plan viserait aussi à améliorer la formation des professionnels afin de « faire évoluer les programmes de formation initiale ». Pourtant, là encore, il n’y a rien de concret. De quelle formation s’agit-il ? Par quelle structure sera-t-elle organisée ? Par qui sera-t-elle financée et pour quel montant ? Votre plan ne dit rien !

Vous dites encore vouloir favoriser la pratique d’activités sportives sur les plans scolaire et universitaire. Mais, là encore, on peut légitimement s’interroger. Cette proposition n’est-elle pas contradictoire avec les déclarations du ministre de l’éducation nationale, qui dit vouloir recentrer l’école sur ses fondamentaux ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Le sport, c’est fondamental !

M. Robert Bret. C’est aussi méconnaître la réalité de milliers d’étudiants qui enchaînent cours et petits boulots, leur priorité étant non la pratique du sport universitaire mais le moyen de gagner de quoi payer leur loyer, leurs frais d’inscription et leur nourriture.

D’une manière plus générale, à l’exception de la pratique sportive à l’école, votre plan se caractérise, concernant la lutte contre l’obésité, par une absence quasi totale de financement. La partie dédiée à la lutte contre l’obésité est d’ailleurs la seule à ne pas contenir un volet financement.

Votre plan, sur ce sujet, madame la ministre, ne risque-t-il donc pas de se limiter à un simple appel aux bonnes volontés ? On sait ce qu’il en sera pour les industriels. Une fois de plus, vous vous tournerez vers les collectivités territoriales, déjà très lourdement affectées par des transferts de compétences non compensés et par de nouvelles charges, pour financer votre plan qui, pourtant, relève de la politique nationale en matière de santé.

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