Fusion entre la Caisse des dépôts et consignations

Publié le 8 janvier 2002 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Ivan Renar

En juin dernier, le ministre des Finances annonçait le rapprochement de la Caisse des dépôts et consignations (C.D.C.) et des caisses d’épargne au sein d’une holding.

En ce début d’année, les informations en notre possession, bien qu’insuffisantes, n’ont guère levé nos craintes sur les objectifs réels de ce projet et ses conséquences.

La création d’Eulia a pour objectif le regroupement des activités concurrentielles de la C.D.C. et des caisses d’épargne pour les orienter vers les marchés financiers.

Jouant un rôle essentiel dans le financement des activités publiques et d’intérêt général de notre pays, ces deux institutions poursuivent depuis deux siècles une coopération originale : la première centralise l’épargne populaire collectée par la seconde et l’utilise, pour l’État et les collectivités locales, dans le financement d’actions d’utilité publique.

La Caisse des dépôts et consignations est l’un des plus grands investisseurs publics dans le logement, les infrastructures et les transports, l’équipement des collectivités locales, l’aménagement du territoire. C’est le plus grand bailleur du logement social français.

L’irruption des intérêts privés dont nous savons que la satisfaction de l’intérêt général est rarement un objectif prioritaire, peut donc être lourde de conséquences pour ces activités.

Une enquête récente de la Banque de France mettait en évidence les difficultés rencontrées par les P.M.E. pour obtenir des prêts bancaires.

Qu’en sera-t-il demain pour les communes, surtout les plus petites, jugées moins solvables ?

Les dangers existent également pour les clients des caisses d’épargne et de La Poste. Les services financiers postaux sont appelés à terme à intégrer ce nouveau pôle financier. La Poste et la Caisse d’épargne rassemblent l’essentiel des clients « modestes », titulaires de comptes à faibles revenus, jugés non rentables par les autres institutions. Ces deux établissements constituent souvent le réseau bancaire des petites communes : 40 % des communes qui disposent d’un bureau de poste n’ont pas de banque.

Les regroupements ont toujours entraîné des fermetures de bureaux, des réductions d’activités et des suppressions d’emplois. Le personnel a donc bien raison de s’inquiéter.

Le gouvernement avait annoncé il y a deux ans, lors de la discussion de la réforme des caisses d’épargne, sa volonté de constituer un pôle public financier pour développer un service public de l’épargne et du crédit au service de l’emploi et de la formation.

Le projet actuel, en tournant le dos à cet objectif s’apparente à une privatisation supplémentaire. Ses conséquences sont trop graves ; il faut le geler et engager un débat national sur la place et le rôle d’un pôle financier public conforme aux engagements gouvernementaux de 1999.

Quelles sont les intentions du gouvernement à ce sujet ?

M. HUWART, secrétaire d’État au commerce extérieur. La constitution d’Eulia, le 11 décembre dernier, crée le troisième groupe bancaire français. Le projet industriel de la Caisse des dépôts et du groupe des caisses d’épargne renforce le pôle financier public fort que nous appelons de nos vœux, garant de l’intérêt général comme des intérêts des salariés de ces entreprises.

Le rapprochement concerne exclusivement les activités bancaires et financières des deux groupes qui se situent dans le champ concurrentiel. Il prolonge la création de C.D.C.-Ixis autorisée par la loi sur les nouvelles régulations économiques. La société commune sera détenue à 50,1 % par la C.D.C. et à 49,9 % par le groupe des Caisses d’épargne. Ce dernier apporte à la société commune l’activité financière de la Caisse nationale des caisses d’épargne, 40 % du Crédit foncier de France, son pôle immobilier et ses activités dans le domaine de l’assurance dommages. La Caisse des dépôts apporte 53 % de C.D.C.-Ixis, sa banque d’investissement avec ses participations.

Troisième pilier du pôle financier public, La Poste est un partenaire de longue date de la Caisse des dépôts et du groupe des Caisses d’épargne, notamment au sein de la Caisse nationale de prévoyance dont elle est l’un des actionnaires importants et dont elle distribue les produits. Elle partage le monopole de la collecte du Livret A avec les Caisses d’épargne. Sa place dans le pôle financier public est naturelle en raison de sa contribution à l’aménagement du territoire, et de son rôle dans les zones urbaines sensibles.

Le gouvernement souhaite conforter l’activité des services financiers de La Poste qui devra trouver une articulation avec Eulia. L’élaboration du nouveau contrat de plan entre La Poste et l’État permettra d’y réfléchir.

S’agissant des missions d’intérêt général des deux groupes, la constitution d’Eulia, loin de les marginaliser, les renforcera, non seulement en regroupant plus clairement des activités purement concurrentielles, mais aussi en apportant des moyens nouveaux au service de l’intérêt général.

Le gouvernement a confiance dans la vocation d’intérêt général du pôle financier public : la Caisse des dépôts assure le monopole de collecte des dépôts des notaires ; elle joue un rôle central dans la politique de la ville, notamment à travers le fonds de renouvellement urbain doté de 3 milliards de francs ; la loi lui a confié la gestion administrative de l’établissement public fonds de réserve des retraites ; le gouvernement a décidé en juillet 2000 l’extension des emplois des fonds d’épargne à des emplois d’intérêt général dans le secteur de l’environnement, des transports urbains et de la politique de la ville ; enfin, lors du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 9 juillet dernier, le financement des réseaux à haut débit lui a été affecté. Le groupe des caisses d’épargne conserve l’exercice de ses missions d’intérêt général telles qu’elles lui sont conférées par la loi de 1999.

Ces exemples illustrent le renforcement du pôle financier public et semi-public.

M. RENAR. Votre réponse n’apaise pas mes craintes. Vous parlez de pôle financier public et semi- public et bientôt pourquoi pas, privé ?

Vous confirmez des orientations nouvelles données à des institutions publiques, ou semi-publiques, et je crains qu’à terme l’intérêt privé, ne l’emporte.

On peut craindre, à La Poste, la suppression de milliers d’emplois, la fermeture de bureaux, l’ignorance des clients modestes, l’augmentation des coûts financiers pour les collectivités quand elles ne se retrouveront pas dans l’impossibilité, pour les plus petites d’entre elles, de trouver l’argent nécessaire à la réalisation de leurs investissements.

On peut aussi craindre que petit à petit, l’État se prive de ses propres instruments de développement économique et social.

Le statu quo n’est pas une solution. Il faut réformer, non en privatisant, mais en mettant sur pied un pôle public financier qui pourrait être chargé de développer le service public du crédit pour l’emploi et la formation, et d’encourager les investissements.

Le pôle Eulia peut être un commencement à condition d’en changer radicalement les objectifs et les missions et d’élargir son périmètre tout en maintenant l’intégrité de chacune de ses composantes.

Tel n’a pas été le choix du gouvernement.

Mais ce débat ne peut avoir lieu au détour d’une question orale. Avec mes collègues du groupe communiste, républicain et citoyen, nous verrons comment proposer un large débat sur ce thème.

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