Epidémie de légionellose (2)

Publié le 10 février 2004 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

par Ivan Renar

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Chers Collègues,

Je voudrais revenir ici brièvement sur l’intervention particulièrement documentée de mon camarade et ami Yves COQUELLE concernant l’épidémie de légionellose qui sévit ac-tuellement dans le département du Pas-de-Calais. Ce drame sanitaire nous rappelle, une fois encore, si besoin était, que l’on n’a pas assez appliqué le principe de précaution dans le passé et combien l’investissement massif de l’Etat en faveur de la recherche est indispensable, notamment pour prévenir les crises d’ordre épidémiologique. Dans les faits, le premier principe de précaution est bien la recherche scientifique.

La région Nord - Pas-de-Calais est, sur ce plan, malheureusement en première ligne, connaissant bon nombre de problèmes sanitaires, pour la plupart, engendrés par des taux de pollution des sols et de l’air largement supérieurs à la moyenne nationale. Les professionnels de la santé y enregistrent ainsi une augmentation du nombre des cancers dus à l’amiante, des maladies pulmonaires et autres allergies respiratoires, ou encore des cas de saturnisme infantile.

Je veux évoquer ici le cas de nombreux ouvriers des entreprises Stein, Comilog et Sollac, souffrant de multiples pathologies, qui aujourd’hui d’ailleurs luttent pour préserver leur droit à l’allocation de « cessation d’activité des travailleurs de l’amiante ». Et que dire des centaines de salariés de Metaleurop et de leurs familles vivant à proximité de l’ancienne usine, en majorité victimes de saturnisme aigu provoqué par le plomb rejeté dans l’atmosphère par la fonderie des années durant... En intervenant dans ce débat, c’est à eux que je pense avant tout.

Ceci étant, l’ampleur de ces drames sanitaires apparaît comme la triste traduction du retard pris par notre recherche nationale dans les domaines de la santé et de l’environnement. Ainsi, concernant l’épidémie actuelle de légionellose, les professionnels n’ont-ils pas eu assez de données pour prendre position. Le secteur médical, le monde industriel, tout comme les pouvoirs publics semblent avoir été pris de court.

Aussi, s’agit-il aujourd’hui non seulement de savoir comment mettre un terme à cette épidémie mais plus encore de définir les moyens de prévenir de nouveaux drames. Car il ne faut pas attendre que surviennent les problèmes de santé pour agir. Il convient, au-delà même des principes élémentaires de précaution, de donner un nouvel élan à la recherche nationale, tant sur le plan médical que celui de l’environnement, ainsi que le demandent avec raison les scientifiques de tous horizons. Considérant que l’homme est le capital le plus précieux, il me semble que les pouvoirs publics se doivent de mettre en œuvre dans les plus brefs délais une politique ambitieuse en faveur de la recherche qui permette de prévenir, voire d’anticiper, les futures crises sanitaires.

Il est évident que la crise dramatique de la légionellose que vous subissez dans le Pas de Calais appelle par exemple ce que proposait l’autre jour notre collègue Marie Christine BLANDIN, à savoir la nécessité d’un programme de recherche microbienne axé sur l’évolution des bactéries. Des recherches qui vont s’avérer nécessaires au fil des découvertes et des investissements nécessaires.

A l’inverse, la logique comptable visant à limiter les moyens, humains et financiers, de la recherche, relève d’une vision à très court terme, porteuse de lourdes menaces pour l’avenir de nos concitoyens. Au retard technologique, viendrait alors s’ajouter une incapacité à enrayer les épidémies et épizooties, dont l’actualité nationale et internationale nous rappelle de manière récurrente la gravité.
Or notre recherche est en difficulté. Des dizaines de milliers de chercheurs viennent de sonner le tocsin. Leur mouvement par son ampleur prend un caractère historique.
Cette situation résulte de trois facteurs principaux :

1. la difficulté réelle de laboratoires à maintenir leur compétitivité

2. des financements insuffisants débouchent sur des tensions budgétaires, amenant un retard cumulatif de la recherche française et sa moindre attractivité pour les jeunes cher-cheurs dans un contexte de vieillissement des équipes

3. un important retard en matière de moyens matériels ainsi que la difficulté à recruter un nombre suffisant d’ingénieurs et de techniciens, avec le risque de perte de mémoire et donc des transmissions des savoir-faire que cela entraîne.

En outre, il faut oser affirmer que ce que l’Etat n’investit pas aujourd’hui dans la recherche lui coûtera demain beaucoup plus cher, du point de vue financier. Plus grave encore, en se désengageant de la recherche fondamentale, l’Etat risque d’hypothéquer les capacités de réactions des professionnels du secteur médical qui, demain, seront sans doute confrontés à de nouvelles maladies.

Madame la Ministre, sachez bien qu’il ne s’agit là en aucun cas d’une polémique politicienne stérile. Bien au contraire. En témoigne la déclaration faite par M. Jacques VALADE, le Président de notre Commission des Affaires Culturelles, à l’occasion de l’audition de M. Axel KAHN par la commis-sion, le mercredi 4 février, selon laquelle la conduite de la politique de recherche ne peut se faire dans une optique exclusivement financière.

C’est également en ce sens que se sont prononcés les mem-bres du conseil scientifique de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques entendus par les élus, le 7 janvier dernier. Ainsi, ont-ils pu rappeler que les moyens de la recherche, son organisation et sa place dans notre société constituent d’importants sujets de préoccupation. D’après eux, les questions environnementales, telles que le changement climatique ou la réduction des émissions de gaz à effet de serre apparaissent parmi les sujets jugés prioritaires, voire « primordiaux », d’autant plus que la recherche sur le développement durable demeure un domaine en friche dans notre pays.

Afin de prévenir les risques naturels et technologiques, ces derniers préconisent la mise au point d’instruments de détec-tion et la mise en place de dispositifs pratiques plus efficaces. Concernant la prévention des risques sanitaires, les membres du Conseil scientifique prônent un renforcement de la recher-che française en épidémiologie, et plus particulièrement, de l’appareil de surveillance épidémiologique des travailleurs et de la population.
La question de l’influence sur la santé humaine des polluants à l’intérieur des locaux faisait déjà partie des 5 axes prioritai-res fixés par les membres du Conseil Scientifique de l’Office dès 1999.

Toutes les réflexions émises par ces éminents scientifiques démontrent l’impérieuse nécessité d’attribuer à la recherche française des moyens à la hauteur des défis auxquels elle est confrontée. Il s’agit en outre de la rendre plus attractive, pour éviter la fuite des jeunes chercheurs à l’étranger.

Et il s’agit de toute la chaîne de la recherche, qui va de la recherche fondamentale à la valorisation.
C’est une chaîne non linéaire qui relève de 3 grands blocs :

  • En aval, la recherche développement qui permet de donner une valeur, y compris marchande, à une innovation.
  • la recherche finalisée qui comporte un but précis
  • la recherche des concepts, ou recherche fondamentale, dont la seule finalité est de connaître le fonctionnement de la nature.

C’est cette chaîne qu’il faut promouvoir à tout prix.

C’est une question de dynamisme pour notre pays et de di-gnité et de respect pour nos populations.

Aussi, Madame la Ministre, vous demanderai-je si le gouver-nement entend réellement rester sourd aux cris d’alerte des chercheurs ou, à l’inverse, s’il compte inscrire la recherche au rang des priorités nationales comme l’exigent les nombreux défis, telles les questions sanitaires, que celle-ci a et aura à relever ?
Je le répète, il ne faut pas attendre les problèmes pour agir !
La bonne réponse c’est l’investissement matière grise. C’est à notre portée pour le plus grand bien de la santé présente et à venir de nos concitoyens dans le Nord - Pas-de-Calais comme dans toute la France.

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