Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher(e)s collègues,
L’horreur perpétrée le 11 septembre 2001 a profondément marqué le monde et confirmé combien le terrorisme, apparu ce jour-là dans son expression extrême, nie la civilisation, l’humanité. Il faut absolument le combattre sans la moindre ambiguïté. Aucune cause, aucun désespoir ne peut justifier le massacre d’innocents.
Cela ne saurait cependant nous faire oublier le terreau qu’offre ce monde où existent les potentialités pour chaque être humain de vivre décemment, mais où la majeure partie de l’humanité subit les pires souffrances. Un monde de plus en plus militarisé, à l’instar des Etats-Unis, qui ont considérablement augmenté leur budget militaire.
Face à des actes aussi ignobles que sont les actes terroristes -dont les auteurs, je le rappelle, ont souvent été abrités par ces mêmes pays qui les condamnent-, la force des démocraties réside dans le respect des valeurs fondamentales qu’elles se sont forgées, dans celui du droit. Elle est dans le regard qu’elles portent, en toute transparence, sur elles-mêmes et sur la marche du monde.
Les principes fondateurs de l’ONU, la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948, les nombreuses dispositions ultérieures, comme la Déclaration des Nations-Unies sur l’élimination de toutes les formes de discriminations raciales de 1965, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et celui relatif aux droits civils et politiques de 1966… ; en Europe, la Charte européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 et ses nombreux protocoles additionnels ultérieurs : tous ces textes demeurent des fondements sur lesquels la communauté internationale doit continuer à se reconnaître, pour contribuer à bâtir un monde capable d’opposer à la barbarie, non la vengeance, mais la justice. Sans cela, il ne peut y avoir ni stabilité politique, ni progrès économique et social.
Or, sous couvert de lutte contre le terrorisme, sous l’impulsion des Etats-Unis, des pans entiers de liberté, de démocratie, de citoyenneté, sont mis à mal.
La superpuissance américaine se comporte en gendarme du monde, cherche à imposer partout sa domination, « aidant » ici un pays, favorisant ailleurs tensions et conflits.
Elle s’arroge le droit de décider seule du sort des peuples, de qui peut ou non détenir des armes ; mais quand l’amitié change de camp, elle fait la guerre aux ex-amis, devenus pour la circonstance « Etats voyous ».
C’est ainsi qu’elle a décidé de bombarder l’Afghanistan, faisant de nombreuses victimes.
En n’exigeant pas du gouvernement israélien l’application des décisions de l’ONU, elle accroît l’humiliation, les souffrances du peuple palestinien.
Aujourd’hui, les U.S.A. veulent attaquer à nouveau l’Irak, alors que, sous la dictature sanglante de Saddam Hussein, l’embargo a aggravé la situation de plus de 20 millions d’Irakiens, et alors que la guerre du Golfe a tué entre 170 et 250 000 personnes.
Cent cinquante mille soldats sont sur le pied de guerre, prêts à déclencher un engrenage dont personne ne peut aujourd’hui prévoir les conséquences.
En réalité, l’enjeu véritable, c’est l’accès au deuxième plus grand champ pétrolifère du monde.
L’écrivain John Le Carré évoque un « accès de folie » ; « la réaction au 11 septembre -écrit-il- doit dépasser les espoirs les plus fous d’Oussama : comme à l’époque de McCarthy, les droits et les libertés publiques que le monde entier envie à l’Amérique se voient systématiquement grignotés. »
Car, si les droits des peuples sont bafoués, ceux des individus le sont aussi, surtout s’ils ont le malheur d’être d’origine étrangère, don à priori complices de « l’Axe du mal ». Le « patriot Act » fait des victimes.
Les coupables des atrocités du 11 septembre doivent être recherchés, jugés, condamnés. Mais c’est le respect du droit qui donnera force et légitimité aux jugements.
C’est pourquoi j’ai soutenu les parlementaires américains engagés contre création de tribunaux militaires d’exception pour juger les ressortissants étrangers.
Quant aux prisonniers de Guantanamo -qui comptent parmi eux un journaliste de la chaîne du Quatar, Al-Jazira- leur conditions de détention ont provoqué une grande émotion.
Au mépris des dispositions de la Convention de Genève, les USA ont inventé pour eux seuls un nouveau « statut » : ni prisonniers de guerre, ni prisonniers de droit commun, mais « combattants illégaux ». Où est alors leur droit à un procès équitable ? Et je ne compte pas les quelques centaines de détenus par l’armée américaine sur le sol afghan.
Il y aussi Zaccarias MOUSSAOUI, à propos duquel, revenant sur la décision de son prédécesseur, le gouvernement collabore avec les autorités américaines. Pourtant, Zaccarias MOUSSAOUI risque la peine de mort, qui plus est, sur le fondement d’une intention de tuer et non d’un passage à l’acte. Le condamner dans ces conditions constituerait un dangereux précédent.
Ainsi, le combat pour les Droits de l’homme est partout plus actuel que jamais.
Alors quand un ministre fustige le « droit-de-l’hommisme » -expression créée par l’extrême-droite- permettez-moi d’être inquiète.
Il est nécessaire de favoriser le « vivre ensemble », dans le monde comme dans nos villes ou nos quartiers. Tout ce qui divise, le rejet de l’étranger, de l’autre, ne peut qu’alimenter les tensions.
C’est pourquoi les dispositions stigmatisantes du le projet de loi de sécurité intérieure me préoccupent, de même que les annonces faites par Monsieur Sarkozy en matière de droit d’asile. Tout cela ne manquera pas de peser sur notre rapport aux citoyens issus de l’immigration.
Il est pourtant dans les valeurs, dans les traditions de notre pays d’être terre de dialogue entre les peuples.
Permettez-moi pour finir de citer Irène Khan, secrétaire générale d’Amnesty international : « les droits humains ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel de la sécurité ».