Déstabilisation d’entreprises françaises stratégiques

Publié le 6 mai 2003 à 16:25 Mise à jour le 8 avril 2015

par Jean-Yves Autexier

Ma question porte sur les mesures que le gouvernement envisage de prendre pour faire face aux risques de déstabilisation des entreprises françaises des secteurs stratégiques. Le sujet est d’actualité, avec l’intervention américaine en Irak : Mme Rice et M. Powell ont fait état de sanctions possibles à l’encontre de la France.

Dès avant la guerre, nous avions des sujets de préoccupation : la société Altran technologies avait été l’objet d’une campagne de rumeurs lancée par une firme de courtage américaine Merryl Lynch, à propos d’engagements financiers hors bilan : le cours de l’action chuta de 70 %, ce qui permet son rachat à prix bradé. Le groupe Gemplus, fournisseur d’Ariane espace et d’E.A.D.S., fut également l’objet d’une tentative de déstabilisation de son conseil d’administration par le fonds d’investissement Texas pacific group, appuyé par le groupe familial Quandt, aboutissant à la nomination d’un directeur général américain dont on apprit par la suite qu’il avait occupé des fonctions importantes dans une société liée au groupe.

La stratégie est claire : déstabiliser les équipes dirigeantes et conserver les compétences des ingénieurs. L’administration Clinton avait lancé un programme national de sécurité industrielle, comportant un volet défensif mais aussi un volet offensif prévoyant notamment de dépénaliser les acquisitions illégales d’informations.

Quelles réponses entend y apporter le gouvernement ? Aux États-Unis, toute entreprise liée au secteur de la défense doit publier les prises de participations de plus de 5 % du capital par des firmes étrangères. Est-ce envisageable en France ?

M. LOOS, ministre délégué. Je suppose que vous n’érigez pas en modèle l’expérience américaine et que vous souhaitez plutôt nous interroger sur les risques que cette politique sournoise peut comporter pour notre pays.

Les entreprises que vous avez citées sont des entreprises privées cotées en bourse, dans la vie desquelles le gouvernement n’a pas vocation à interférer. Vous évoquez des manœuvres de déstabilisation dont elles ont été victimes ; ces entreprises, ou certains de leurs actionnaires, ont saisi les autorités judiciaires ou de régulation, la Commission des opérations de bourse, un tribunal de commerce, et le Parquet : les entreprises disposent d’outils juridiques puissants. Le gouvernement, loin de se désintéresser des technologies de souveraineté pouvant induire des dépendances stratégiques sur tout ou partie de notre économie, reste très attentif à la protection de notre patrimoine scientifique et technique.

La loi du 14 février 1996 prévoit que les investissements étrangers de nature à mettre en cause l’ordre public, la sécurité publique, ou encore la santé publique doivent faire l’objet d’une autorisation préalable de la direction du Trésor. Toutefois, ces dispositions méritent d’être complétées pour s’appliquer plus explicitement à la défense nationale dans le souci de mieux protéger nos technologies de souveraineté. Un amendement en ce sens a été déposé à l’occasion du projet de loi sur la sécurité financière.

Enfin, le Premier ministre a confié, en janvier dernier, une mission sur l’intelligence économique à M. Carayon. Le député remettra son rapport en juin prochain et je ne doute pas que la maîtrise des technologies de souveraineté et la réduction des dépendances stratégiques de notre pays seront au cœur de ses propositions.

M. AUTEXIER. Je vous remercie de cette réponse. M. Carayon est parfaitement informé de ces questions. Nul doute qu’il formulera des propositions dont j’espère qu’elles seront suivies. Songez que France Télécom s’apprête à vendre ses 23 % d’Eutelsat avec les risques que cela représente pour Ariane espace et Galileo. Des sociétés américaines sont très intéressées. Notre vigilance doit être constante en matière d’intelligence économique.

M. LOOS, ministre délégué. Il y a des acheteurs potentiels français et européens. Notre vigilance est totale.

Jean-Yves Autexier

Ancien sénateur de Paris
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