Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher-e-s collègues,
Le 9 octobre 1981, notre Parlement votait l’abolition de la peine de mort, sur proposition de notre collègue Robert BADINTER, alors Garde des Sceaux. Ce faisant, notre pays s’honorait de faire avancer des valeurs consacrées par le droit international et contribuait à bâtir un modèle de sanctions sur des fondements autres que ceux qu’il condamnait.
Plus de vingt ans après, la situation dans le monde est contrastée.
Elle connaît des avancées. L’Europe exige l’abolition de la peine de mort comme condition d’entrée en son sein. Globalement, le nombre des condamnations à mort et des exécutions a décru. Des pays ont aboli la peine de mort : la Turquie, la Bosnie-Herzégovine, l’Arménie, Samoa, le Chili.
Mais il y a des reculs. L’Irak a rétabli cette sentence barbare. Après un long moratoire, les exécutions ont repris au Tchad, aux Philippines et en Inde. Depuis le 11 septembre 2001, des pays -l’Indonésie, le Maroc- ont condamné à mort des terroristes.
En Chine, la peine de mort est hélas largement appliquée : Amnesty International comptait, à fin 2004, un minimum de 6 000 exécutions.
Aux Etats-Unis, près de 3 500 personnes attendent dans le couloir de la mort .... Il y a trois ans, je me suis rendue à la prison de Philadelphie rencontrer Mumia Abu Jamal, journaliste noir condamné à mort pour un crime dont il est innocent. Il est enfermé depuis plus de vingt ans. Son l’exécution a été repoussée par deux fois grâce à la mobilisation internationale. C’est un univers terrible.
Le 14 septembre, une femme noire a été exécutée : la onzième depuis 1976.
Stanley « Tookie » Williams, noir américain, doit être exécuté le 13 décembre. Cet homme a été proposé à cinq reprises pour être le prix Nobel de la Paix !
Tous deux ont toujours clamé leur innocence.
Pourtant, en France, quarante-sept députés n’ont pas hésité à déposer, l’an dernier, une proposition de loi tendant à rétablir la peine de mort pour les auteurs d’actes de terrorisme !
Notre pays, même s’il a mis longtemps à abolir la peine de mort, est porteur de valeurs de défense des droits de l’Homme. Il peut et doit contribuer à construire un monde en mesure d’opposer à la barbarie, non pas la vengeance, mais la justice.
C’est ce qu’a souhaité la quasi-unanimité des sénatrices et sénateurs, en votant le 12 février 2002, la proposition de loi que je présentais, tendant à créer une journée nationale pour l’abolition universelle de la peine de mort.
Cette loi n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Je vous demande, Monsieur le Ministre, d’y remédier.