Nous assistons, depuis quelques mois au développement d’un mouvement de protestation des chercheurs qui atteint aujourd’hui une ampleur sans précédent. Le lancement de la pétition " Sauvons la Recherche ", le 7 janvier dernier, en constitue le point d’orgue.
A l’heure actuelle, plus de 12 000 responsables d’équipe ou de laboratoires et de jeunes chercheurs de tous horizons ont signé cette pétition. Pour souligner l’exceptionnelle gravité de la situation et l’urgence de la mise en œuvre de mesures de sauvegarde de la recherche fondamentale, bon nombre de directeurs d’unités et d’équipes se sont engagés à quitter leurs fonctions s’ils n’étaient pas entendus, considérant qu’ils ne pourraient plus mener à bien leurs missions, faute de personnels qualifiés et de crédits suffisants.
L’erreur consisterait à ne voir en cette démarche que de l’agitation : c’est le signe d’une colère réelle tant le contraste est grand entre le discours et la réalité. Le texte relève l’état inquiétant de la Recherche en France : désespérance des jeunes chercheurs souvent contraints à s’expatrier, situation financière désastreuse de nombreux organismes de recherche, menace à terme pour la recherche appliquée qui s’appuie sur la recherche fondamentale.
Dans l’immédiat, les signataires souhaitent que le nombre de postes offerts aux jeunes chercheurs pour les concours 2004 soit significativement augmenté afin d’enrayer la fuite des " cerveaux ". Il demandent aussi que les sommes dues aux organismes de recherche leur soient versées. En outre, ils proposent la mise en place prochaine d’Assises nationales de la recherche, leur référence historique étant le colloque de Caen de 1956 qui donna l’élan à une ambitieuse politique de recherche initiée par le Général de GAULLE, convaincu qu’il en allait de la grandeur de la France.
J’imagine, Madame la Ministre, que vous êtes convaincue que " la France a besoin d’une recherche vigoureuse ", que l’investissement en faveur de la recherche fondamentale est indispensable pour l’avenir de la France et de l’Europe.
De plus, la recherche, c’est aussi la production de la connaissance, une aventure intellectuelle qui témoigne de la jeunesse et de la vitalité d’une nation. Faute de s’en souvenir, le gouvernement prend le risque que, bientôt, la France soit exclue de domaines où aujourd’hui le Japon et les USA et, demain, la Chine et l’Inde règnent sans partage.
Comptez vous entendre le cri de vos collègues chercheurs ? Comptez vous créer les conditions de l’attractivité pour que les jeunes qui ont la passion de la recherche puissent l’assouvir ? Entendez-vous retenir la proposition d’organiser rapidement des Assises nationales de la recherche et au-delà un grand débat national sur la place de la recherche et de l’innovation dans notre société ?
Madame la Ministre, un célèbre chercheur en poésie, Jean Cocteau, disait : en amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les manifestations. Puisse-t-il vous inspirer.
Mme HAIGNERÉ, ministre déléguée. Chacun sait le caractère essentiel de la recherche.
Nous devons accompagner ces envies. Sans revenir sur les chiffres, je rappelle que notre réflexion n’a pas attendu la récente pétition : nous travaillons sur le problème depuis des mois !
Je rencontre des chercheurs quotidiennement. Nous n’avons pas toujours la même vision, car j’accorde une grande importance à la mobilité professionnelle. Un chercheur n’a pas vocation à être chercheur à vie ; il faut des passerelles, de la mobilité… Il faut aussi améliorer l’attractivité de la France pour éviter le départ des jeunes chercheurs.
À propos de recherche fondamentale et appliquée, j’ai eu l’honneur de remettre la médaille d’or du C.N.R.S. à Albert Fert, pour ses travaux sur le spin de l’électron. Un partenariat conclu avec Thalès permettra d’appliquer dans les ordinateurs cette grande découverte de notre recherche scientifique.
En fait, nous partageons beaucoup d’objectifs, dont celui de faire de la recherche la priorité.