Amnistie pour des faits relevant de l’action syndicale

Publié le 26 juin 2003 à 16:22 Mise à jour le 8 avril 2015

par Guy Fischer

Ma question s’adresse à Monsieur le Premier Ministre.

Monsieur le Premier Ministre,
En juillet dernier, nous débattions du projet de loi d’amnistie.
Je déplorais alors que tout ait été prévu pour exclure du champ de cette mesure les délits de rébellion à l’égard de l’autorité publique, telles les actions des syndicats de salariés, de la Confédération Paysanne, des associations, lorsqu’il s’agissait, par exemple, de s’opposer à une fermeture d’entreprise, à une expulsion locative.

Aujourd’hui, vous venez d’emprisonner José Bové par une opération commando théâtralisée. J’aurais préféré que vous mettiez autant de zèle à faire saisir tous les assassins du préfet Erignac, tous les patrons voyous, qui narguent les lois de la République.

Car l’emprisonnement de José Bové n’est pas un acte isolé ; pas plus que l’intimidation des manifestants contre la réforme des retraites, des enseignants, des cheminots, des salariés d’ASF, des entreprises du Nord, l’évacuation musclée de la Maison des Ensembles, lieu symbolique de la lutte pour la régularisation et contre la précarité, ou encore la traduction en justice de passagers du Paris-Bamako pour avoir protesté contre les traitements infligés à bord à des sans-papiers expulsés vers le Mali.

Ces violences s’inscrivent dans une volonté politique de criminaliser le mouvement social et revendicatif. Vous êtes en train de créer un délit de militantisme !
Pouvoir politique et justice appliquent sans complexe deux poids et deux mesures. D’un côté, intimidation et répression à l’encontre de militants qui expriment des revendications largement partagées par l’opinion, tels José Bové et Alain Hébert, militant CGT de l’arsenal de Cherbourg, de l’autre, un non-lieu pour le gouverneur de la Banque de France, la libération de Papon pour raisons de santé.

Votre dérive antisociale et antisyndicale et votre logique répressive nous inquiètent ; il s’agit d’un redoutable recul de la liberté d’opinion dans notre pays. C’est pourquoi nous venons de déposer une proposition de loi d’amnistie sociale pour l’ensemble des syndicalistes, des membres de associations, des militants de la solidarité et des salariés frappés par des condamnations pour des faits relevant de l’action syndicale et sociale.

Trois questions Monsieur le Premier Ministre :

  • Allez-vous, oui ou non vous conformer à notre tradition d’apaisement des tensions sociales par l’amnistie sociale de ces actes ?
  • Allez-vous libérer José Bové ?
  • Allez-vous inscrire à l’ordre du jour cette proposition de loi de justice et d’équité ?

M. BÉDIER, secrétaire d’État aux programmes immobiliers de la justice. Les faits, rien que les faits. José Bové a été condamné en février 1998 à huit mois d’emprisonnement avec sursis, pour dégradation ou détérioration grave d’un bien appartenant à autrui avec entrée par effraction, en l’espèce la destruction de conteneurs renfermant plusieurs tonnes de semences transgéniques.

Il a été condamné en décembre 2001 à six mois d’emprisonnement pour destruction, dégradation ou détérioration du bien d’autrui, commise en réunion avec entrée en effraction, et en état de récidive légale. Il avait alors détruit du matériel informatique (Mme Borvo interrompt) et plusieurs milliers de plants de riz génétiquement modifié au CIRAD, retardant ainsi une recherche fondamentale de très haut niveau, destinée à améliorer l’agriculture dans le Tiers-Monde.

Son pourvoi en cassation a été rejeté le 19 novembre 2002. La deuxième condamnation entraîne révocation de plein droit du sursis. Cette révocation a été limitée à quatre mois, soit une peine totale à accomplir de dix mois.

José Bové a refusé par écrit de répondre à la convocation du juge d’application des peines, destinée à permettre l’aménagement de sa peine, inférieure à un an, au motif qu’il s’en remettait à la décision du Président de la République, saisi des recours en grâce présentés en sa faveur.

Le 5 mai, le juge de l’application des peines a donc retourné le dossier au procureur général pour mise à exécution, qui a eu lieu le 22 juin 2003 dans des conditions de sécurité liées aux menaces de troubles à l’ordre public que José Bové avait publiquement proférées.

Son casier judiciaire mentionne trois autres condamnations : le 22 mars 2001, trois mois d’emprisonnement, pour dégradation grave du magasin Mac Donald de Millau ; le 22 mars 2001, une amende délictuelle de 6 000 francs pour des violences commises en réunion ; le 22 octobre 2002 à 100 jours- amende pour destruction commise en réunion et en récidive d’un champ de colza transgénique.

Rappelons que José Bové peut présenter une requête en confusion de la peine de trois mois prononcée le 22 mars 2001, déjà exécutée, avec celle prononcée le 20 décembre 2001, puisque les infractions, commises le 5 juin et le 12 août 1999 sont en concours. Si une telle requête était déposée et approuvée, le quantum restant à exécuter serait réduit à sept mois au lieu de dix.

M. Bové est un provocateur ! Nous sommes ici dans une enceinte où l’on fait la loi ; lui veut inventer la loi à la carte ! La République française n’est pas la République des soviets : la loi y est la même pour tous !

Guy Fischer

Ancien sénateur du Rhône

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