Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis usager de la ligne B, comme beaucoup d’entre vous ici, et je me rends régulièrement à Nanterre venant de Bourg-la-Reine.
À ce titre, j’ai l’immense plaisir d’emprunter les deux lignes les plus saturées d’Europe. C’est une souffrance, c’est quelque chose qui rend malade, au sens propre. Par ailleurs, n’est-il pas absurde de devoir passer par Paris quand on habite le sud des Hauts-de-Seine et que l’on veut se rendre dans le nord du département ?
Madame la ministre, j’ai bien compris que la ligne 15, qui devait desservir Nanterre en 2025 et qui m’aurait permis d’éviter ce parcours absurde, ne serait pas livrée à temps. Je ne connaîtrai pas cette ligne avant ma retraite dans vingt ans. (M. Roger Karoutchi s’exclame.) Il restait une petite fenêtre d’espoir, vous venez de la refermer. Sur ce point au moins, votre discours était clair et précis. J’en informerai mes concitoyens dans le sud des Hauts-de-Seine : ils seront sans doute ravis d’apprendre cette très bonne nouvelle.
Nos migrations journalières, qui deviennent insupportables, sont imposées, comme ma collègue l’a souligné, par le fait que, dans cette région, le travail est concentré à l’Ouest et le logement à l’Est. Cela fait vingt ans que ce déséquilibre s’accroît.
Madame la ministre, par une décision du Gouvernement, en autorisant l’extension du quartier d’affaires de la Défense sur un tiers de la commune de Nanterre, vous venez de l’accentuer encore. Vous contribuez ainsi au déséquilibre majeur de notre région capitale. (M. Vincent Éblé applaudit.)
Je tiens à vous dire ici, de façon très solennelle, qu’aux problèmes sociaux et aux problèmes d’organisation de la localisation du travail et de nos activités, il n’y a pas nécessairement des solutions techniques. Vous devez avoir une approche sociale des problèmes de transport. Dans ces conditions, quels moyens allez-vous consacrer, par des mesures d’ordre législatif et réglementaire, pour éviter ces déséquilibres structurels entre l’activité à l’ouest et l’habitat à l’est ? (Mme Laurence Cohen applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, votre question nous éloigne un peu des sujets de transport (Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.), même si je suis bien d’accord avec vous : les deux sont liés.
Le schéma directeur d’Île-de-France a précisément vocation à planifier le développement de la région sur les prochaines années en articulation avec le développement des infrastructures ; il s’agit d’un outil à la disposition des collectivités locales.
M. Pierre Ouzoulias. Vous ne l’avez pas respecté !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le sénateur, je suppose que les décisions du Gouvernement sont conformes avec ce schéma directeur qui s’impose à tous les documents d’urbanisme. Par conséquent, les projets de développement dont vous parlez sont bien ceux qui sont prévus dans le schéma directeur d’Île-de-France, qui vise à coordonner le développement de la région avec celui-ci de ses infrastructures.
C’est d’ailleurs précurseur. En effet, c’est ce que les autres régions font avec moins de force au travers des SRADDET, les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. Le schéma directeur d’Île-de-France a bien pour objet de répondre à ces enjeux.
Je tiens à répondre à votre déception concernant la ligne 15, qui ne sera pas achevée sur l’ensemble du territoire en 2024. Sur ces sujets, nous devons nous parler avec réalisme. Oui, les 36 milliards d’euros de lignes nouvelles à grande vitesse qui ont été promis ne seront pas réalisés dans les cinq prochaines années. Oui, les 200 kilomètres de l’ensemble du Grand Paris Express ne seront pas réalisés dans les cinq prochaines années.
M. Roger Karoutchi. Évidemment ! Il faut dire les choses, vous avez raison !
Mme Élisabeth Borne, ministre. C’est restaurer la crédibilité de la parole de l’État, qui en a besoin, que de dire que l’on ne réalise pas 200 kilomètres de lignes de métro en claquant des doigts, alors que le sous-sol est l’un des plus compliqués qui existent au monde, et qu’on ne fait pas 36 milliards d’euros de lignes à grande vitesse sans en avoir les ressources.
Nous traitons ces sujets avec beaucoup de détermination, d’engagement, de volonté d’améliorer les transports de nos concitoyens, mais aussi en faisant preuve de réalisme et de sincérité.