Le réseau ferré existant offre la possibilité d’accroître considérablement l’offre de fret

Avenir des lignes LGV et aménagement du territoire

Publié le 28 mars 2018 à 15:03 Mise à jour le 29 mars 2018

Madame la ministre, je tiens d’abord à saluer le riche travail du Conseil d’orientation des infrastructures.

Pour cause de financement multipartite, le rapport ne s’est pas saisi du projet Lyon-Turin. Cependant, il se prononce tout de même sur la partie française, c’est-à-dire les liaisons entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne : « la démonstration n’a pas été faite de l’urgence d’engager ces aménagements dont les caractéristiques socio-économiques apparaissent à ce stade clairement défavorables » et « ces travaux [...] seront à engager après 2038 ». Cette date est postérieure à la durée maximale de validité de la déclaration d’utilité publique, soit août 2028...

Ce faisant, les constats officiels franco-italiens reconnaissent que les prévisions de fret routier ont été largement surévaluées. Ainsi, on constatait en 2017 moins de la moitié du volume prévu en 2006. De même, les circulations de fret ferroviaire franco-italiennes ont été divisées par six depuis trente ans, malgré 1 milliard d’euros d’investissements entre Lyon-Dijon et Turin.

Les analyses démontrent d’ailleurs que le réseau ferré existant offre la possibilité, moyennant quelques investissements, d’accroître considérablement cette offre de fret. Le rail pourrait ainsi accueillir les marchandises d’un million de poids lourds par an dans les Alpes.

Pourtant, après la pause décrétée au début de l’été, le Gouvernement, soufflant le chaud et le froid, a prorogé la déclaration d’utilité publique de cinq années. Nous peinons donc à comprendre s’il souhaite ou non engager la réalisation de ce tunnel, dont chaque kilomètre coûtera 150 millions d’euros.

Cela est d’autant moins compréhensible que, sans les accès français et italiens, il est impossible de rentabiliser un tel ouvrage dont le modèle économique est déjà plus qu’incertain. J’aurais tendance à dire que l’on met la charrue avant les bœufs.

Enfin, alors que l’incertitude politique italienne pèse également sur le tunnel, ce double discours paraît d’autant plus curieux. Si la finalité est l’abandon du projet, autant éviter d’enfouir 10 milliards d’euros dans 57 kilomètres de galerie sous les Alpes !

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser la logique sur laquelle s’appuierait le maintien d’un tel projet ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, il y a effectivement deux sujets distincts : la réalisation du tunnel lui-même et l’aménagement éventuel des accès.

S’agissant du tunnel, je voudrais rappeler qu’il a fait l’objet d’un traité, qui a été ratifié par le Parlement en France comme en Italie. Les travaux de reconnaissance de la section internationale sont désormais réalisés à plus de 75 %, avec plus de 23 kilomètres percés à ce jour. Les travaux définitifs du tunnel devraient être lancés au cours de l’année 2018.

Je rappelle aussi que, en raison de son caractère binational, le projet dispose d’un plan de financement tout à fait spécifique, puisqu’il est financé à 40 % par l’Union européenne et à 35 % par l’Italie. La France porte ce projet à hauteur de 25 %, ce qui n’est pas rien – je dois dire – pour un projet de 2,5 milliards d’euros.

J’ai eu l’occasion de le dire, l’enjeu est bien que la réalisation du projet ne vienne pas peser sur les ressources de l’AFITF, au détriment des projets d’une dimension plus « habituelle » ou, en tout cas, des projets qui sont utiles pour le quotidien de nos concitoyens.

C’est dans cet état d’esprit qu’une réflexion a été engagée avec nos collègues italiens pour mettre en place une société de projet, qui tirerait ses ressources notamment des tarifications applicables sur les autoroutes et ne viendrait pas obérer les capacités de financement pour les autres projets.

S’agissant des accès, nous faisons le constat que les lignes actuelles ont supporté par le passé un trafic qui correspondait au triple de ce qu’il est aujourd’hui. Il est préférable d’attendre de constater la réalité de la remontée du trafic avant d’engager des travaux coûteux pour l’aménagement des accès.

Le tunnel de base fait bien l’objet d’un traité international au titre duquel il est soumis à un traitement spécifique. Les éventuels accès supplémentaires seront réalisés dans la mesure où les lignes actuelles ne permettraient pas d’assurer un accès satisfaisant au tunnel.

Guillaume Gontard

Sénateur de l'Isère
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