La privatisation du rail imposée par Bruxelles et présentée par beaucoup comme l’ultime solution n’est pas souhaitable si l’on veut conserver un véritable service public pour tous. Le ferroviaire est un élément tellement indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique qu’il est aberrant que la puissance publique se dessaisisse de ses prérogatives stratégiques sur le rail.
On oublie de rappeler que les pays qui sont souvent cités en exemple de la libéralisation – la Suède, l’Allemagne – subventionnent par ailleurs très largement leur réseau ferré et ont mis en place une véritable politique de développement du rail – voyageur ou fret – sur leur territoire.
J’ai déjà eu l’occasion de saluer les choix du Gouvernement de suspendre certains grands projets de lignes à grande vitesse pour réorienter une partie des financements vers le réseau secondaire, comme vous l’avez rappelé, ce réseau régional de proximité si essentiel qui fait au quotidien la vitalité de nos territoires. C’est le cas, notamment, de l’étoile ferroviaire de Veynes, seule liaison ferrée entre le nord et le sud du massif alpin. Mais, comme de nombreuses autres à travers le pays, cette ligne, faute de financements suffisants, se dégrade lentement et perd des usagers à mesure qu’elle perd en qualité, s’enfermant dans un cercle vicieux.
Les régions, qui ont fourni un effort considérable pour préserver le ferroviaire régional, subissent aujourd’hui des baisses de dotations, ce dont pâtit grandement le réseau. SNCF Réseau, propriétaire des lignes et bénéficiaire des péages ferroviaires, ne finance plus les travaux de rénovation qu’à hauteur de 15 % de leur montant. L’argent collecté par les péages n’est plus totalement réinjecté sur l’entretien des lignes. Les régions se retrouvent dans la situation d’un locataire dans l’obligation de prendre à sa charge les travaux de rénovation de son appartement en lieu et place du propriétaire défaillant.
Une nouvelle organisation est à envisager pour ces lignes locales. Si la « régionalisation » est une piste, notamment en ce qui concerne l’exploitation, elle ne doit pas se traduire par un désengagement complet de l’État. Madame la ministre, comment comptez-vous donner davantage de moyens aux régions pour exercer ces éventuelles nouvelles missions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports. Monsieur le sénateur, la ligne que vous mentionnez est en effet une des illustrations des défauts d’entretien et d’investissement qu’a connus notre réseau, je le redis, au cours des dernières décennies. C’est ce qui justifie la priorité accordée à l’entretien et à la modernisation du réseau. J’ai eu l’occasion de le souligner : 5 300 kilomètres de lignes font aujourd’hui l’objet de ralentissements.
Plus de 5 milliards d’euros seront dépensés pour l’entretien et la modernisation au cours de l’année 2018. Je pourrais également mentionner les 34 milliards d’euros prévus dans le cadre du contrat entre l’État et SNCF Réseau sur les dix ans à venir, qui seront investis sur le cœur du réseau. Les incidents qui ont été évoqués montrent à quel point ce réseau a besoin d’être modernisé.
Malheureusement, ces investissements ne portent pas sur les lignes « secondaires », qui ont vocation à être prises en compte dans le cadre des contrats de plan État-région à hauteur de 1,5 milliard d’euros dans le contrat de plan 2015-2020. Il apparaît aujourd’hui clairement que cette somme ne sera pas suffisante. Il faudrait débloquer environ 5 milliards d’euros pour pouvoir assurer la pérennité de l’ensemble de ces lignes secondaires. Gérer à la fois la remise à niveau du cœur du réseau et faire face à des besoins aussi importants pour assurer la pérennité de l’ensemble du réseau est un défi.
Tout cela renvoie à des discussions qui auront lieu entre l’État et les régions, c’est-à-dire les autorités organisatrices, sur les meilleures modalités pour faire face à cette situation et pour répondre aux besoins de nos concitoyens, avec un objectif clair : maintenir une accessibilité dans ces territoires, quel qu’en soit le mode.