Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 21 décembre dernier, je me suis rendue au centre pour mineurs non accompagnés ouvert par Médecins sans frontières à Pantin.
J’y ai passé la matinée à dialoguer avec l’équipe de professionnels qui les accueille, les informe et les oriente, et à observer ces jeunes hommes épuisés par l’exil et la vie dans la rue depuis leur arrivée sur notre territoire.
La sérénité qui règne là est frappante, mais laisse peu à peu place à la révolte. Révolte de constater la faillite totale de l’État dans son devoir de protection de l’enfance. Révolte à l’écoute des récits de ces jeunes et face à la maltraitance des institutions à leur égard.
Un garçon de quatorze ans s’est présenté ce matin-là au centre. Il dormait dans la rue depuis plusieurs jours. Il s’était soumis au dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers pour être pris en charge. Or, dès le guichet, il lui avait été notifié qu’il n’était pas mineur et ne pouvait entrer dans aucun dispositif, ce, à l’évidence, en violation de notre droit et de nos engagements internationaux.
En octobre dernier, lors d’un déplacement dans la vallée de la Roya, j’ai assisté, à la gare de Menton-Garavan, à une tentative de renvoi en Italie d’une jeune fille de seize ans. Les forces de l’ordre, supposées la protéger, l’escortaient pour s’assurer qu’elle reprenne le train.
Madame la garde des sceaux, ma question est simple : que compte faire le Gouvernement pour que soient enfin respectés, sur notre territoire, les lois françaises, le droit international et le plus élémentaire des devoirs, celui de protéger tous les mineurs ?
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, votre question est à la fois juridiquement pertinente et humainement très sensible. Elle est liée à la minorité ou à la majorité de la personne qui se présente sur notre territoire. C’est bien dans cette reconnaissance de minorité ou dans cette déclaration de majorité que va se trouver la ligne de partition des droits susceptibles d’être demandés par cette personne.
Je le redis, nous parlons de mineurs. Le Premier ministre a été extrêmement clair à leur sujet. Voici un extrait du discours qu’il a prononcé devant les présidents de conseil départemental lors du congrès de l’Assemblée des départements de France : « C’est le rôle de l’État d’accueillir dignement une personne étrangère sur notre territoire, de lui assurer la protection correspondant à son statut, de s’assurer que les titres qu’elle présente sont authentiques, de déterminer enfin son âge. Il nous faut donc mettre en place des dispositifs d’accueil et un processus de prise en charge spécifique ; adapter les dispositions législatives ; clarifier la question des coûts. »
De ces mots du Premier ministre ressort à la fois l’exigence éthique que nous devons avoir, et à laquelle nous avons souscrit par l’adhésion aux conventions internationales, et le réalisme lié à la réalité des coûts supportés par les départements. C’est dans cet équilibre que nous pouvons trouver les bonnes réponses.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour le groupe Union Centriste.