La reprise des cours, aux objectifs pédagogiques pas toujours très clairs, me semble-t-il, reposant sur un volontariat des familles qui n’en est pas vraiment un et qui pose beaucoup de questions, encadrée par des protocoles sanitaires extrêmement complexes, élaborés tardivement et auxquels les collectivités territoriales ont dû se plier très rapidement, ne remédie pas aux inégalités sociales. Dans mon département de la Seine-Maritime, par exemple, les élèves des zones d’éducation prioritaire (ZEP) sont deux moins nombreux que les autres à retourner à l’école.
Il ne faut évidemment pas renouveler l’expérience que nous vivons actuellement. Il est indispensable, à cette fin, de préparer la rentrée non pas d’une manière « normale », même si nous aimerions tous être débarrassés de cette épidémie d’ici à septembre, mais d’une manière inédite, d’autant que l’on ignore encore, à ce stade, dans quelles conditions sanitaires se déroulera cette rentrée.
Les deux projets de loi de finances rectificative que nous avons examinés visent notamment à venir en aide à certains secteurs économiques, ce qui est justifié, mais ils ne comportaient aucune traduction budgétaire des créations de postes sur lesquelles vous vous êtes engagé, monsieur le ministre.
Je vous ai déjà interpellé sur cette question : il faut annuler les fermetures de classes et les suppressions de postes prévues dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP), où il n’est pas vrai que l’effectif maximal de vingt-cinq élèves par classe soit partout respecté.
En outre, nous avons plus que jamais besoin de pouvoir nous appuyer sur des dispositifs comme les réseaux d’aide spécialisée aux élèves en difficulté (Rased) et de disposer de plus de maîtres que de classes. Nous savons bien que les inspecteurs d’académie sont souvent contraints de prendre sur les effectifs dédiés aux remplacements pour répondre aux besoins.
La crise sanitaire a bousculé beaucoup de choses, notamment l’organisation des concours. Je veux relayer ici les préoccupations des candidats aux concours internes de l’éducation nationale, qui souhaitent l’annulation des oraux prévus en septembre et en octobre. C’est une question de justice à leur endroit et cela permettra d’affecter ces enseignants dès la prochaine rentrée. Nous avons aussi besoin de moyens dans le secondaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, vous semblez trouver le protocole sanitaire trop strict : auriez-vous souhaité qu’il le soit moins ? Nous l’avons élaboré en quelques jours après avoir recueilli l’avis du Conseil scientifique. Nous pouvions difficilement agir plus vite. Nous avons travaillé avec les associations d’élus. Je reconnais que tout s’est déroulé dans des délais brefs, mais nous sommes en période de crise et nous devons nous adapter à chaque situation. On peut souligner à l’envi que ce protocole est strict, mais il n’en reste pas moins que communes et conseils départementaux ont pu travailler, ce qui permet aux collégiens de retrouver leurs établissements depuis hier.
En ce qui concerne la carte scolaire, j’ai déjà eu l’occasion de vous répondre. Nous sommes, là aussi, dans une situation assez unique : nous avons créé des postes en pleine année budgétaire. La carte scolaire était déjà prête, et nous l’avons rectifiée. Le Sénat a joué un rôle très important à cet égard. Il me semble important de souligner le consensus qui s’est établi entre le Sénat, l’Assemblée nationale et l’exécutif sur cette décision, qui permet de bien préparer la rentrée. En Seine-Maritime comme ailleurs, commune par commune, le taux d’encadrement sera amélioré. Si vous me trouvez une classe de plus de vingt-cinq élèves en REP dans votre département, je m’engage à changer cette réalité. Nous pouvons avancer de manière consensuelle sur ces sujets.
J’ai aussi déjà eu l’occasion de m’exprimer sur les concours de recrutement. La solution de facilité aurait été de les reporter, voire de les annuler et d’attendre l’année prochaine en fonctionnant avec des contractuels. Nous ne l’avons pas fait. Aujourd’hui, nous cherchons, toujours avec bienveillance, à trouver la bonne formule pour ceux qui vont concourir. C’est ainsi que les concours externes auront lieu de la mi-juin à la fin juillet et les concours internes à la rentrée, de manière à préserver les droits de ceux qui les ont préparés.