Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’annonce cet été du coup de rabot sur l’APL a sonné comme un coup de tonnerre pour 6,5 millions de foyers : 5 euros en moins, c’est un mois de goûter pour les enfants ou encore les repas d’une journée, comme en témoignaient ce matin deux bénéficiaires de l’APL dans le journal L’Humanité.
Cette mesure injuste rapportera 390 millions d’euros au budget de l’État. Dans le même temps, Bruno Le Maire a annoncé : « Nous allons rendre 400 millions d’euros aux 1 000 premiers contributeurs à l’ISF. » En bref, vous pénalisez les 20 % de ménages français qui ont le plus besoin d’aide pour se loger au profit des 1 000 les plus riches, qui, on s’en doute, n’en ont pas besoin. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir s’ils appartiennent aux 3 250 familles qui détiendraient, selon Le Figaro du 30 septembre dernier, 150 milliards d’euros dans les paradis fiscaux.
Et vous allez encore plus loin, en annonçant une baisse d’APL pour les locataires de logements sociaux compensée par une baisse des loyers équivalente. C’est donc aux bailleurs sociaux de compenser, encore une fois, le désengagement de l’État à hauteur de 1,5 milliard d’euros ! Autant d’argent en moins pour les réhabilitations, les constructions et le bien-être des habitants !
Enfin, cette mesure crée une inégalité insupportable entre les locataires. Car, demain, les bailleurs auront plus de scrupules à loger des bénéficiaires d’APL, dont les loyers seront plus faibles que ceux qui ne sont pas bénéficiaires de ces aides. D’autres personnes se verront barrer la route du logement social, car leurs revenus passeront en dessous du minimum requis par les commissions d’attribution.
Saisi par le collectif Vive l’APL, le Conseil d’État a promis qu’il rendrait sa décision avant vendredi. Mais vous pouvez agir avant. Ma question sera donc franche et directe, monsieur le secrétaire d’État : quand allez-vous retirer enfin ce décret insupportable pour tant de familles en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur, le décret dont vous parlez est un décret d’exécution budgétaire sur l’année 2017. Était-ce une bonne idée de raboter de 5 euros ? Tout le monde s’est suffisamment exprimé, me semble-t-il, pour dire que les politiques de rabot ne sont pas la bonne solution. Simplement – vous savez très bien comment sont faits les budgets –, ce n’est pas nous qui avons conçu le budget pour 2017.
Mme Éliane Assassi. Nous non plus ! On avait même voté contre !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Ainsi que la presse l’a montré, la diminution des APL était déjà prévue. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas du tout !
M. Julien Denormandie, secrétaire d’État. Mais si, madame la sénatrice !
La réforme que nous proposons aujourd’hui, avec les débats que nous avons sur 2018, et les mécanismes que nous essayons de mettre en œuvre visent à apporter des financements aux bailleurs sociaux, à permettre les regroupements, ainsi que l’accession et en faire bénéficier le système des APL, pour en assurer la pérennité.
En outre, il y a une autre réforme dont on n’a pas parlé jusqu’à présent, mais dont il faudrait discuter : l’établissement du revenu des APL. Aujourd’hui, les APL sont établis sur la base des revenus n-2, qui ne sont donc pas les revenus actuels, c’est-à-dire les revenus réels. Ainsi, celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd’hui au chômage touche des APL au regard de son revenu d’il y a deux ans quand il était au travail : l’abattement forfaitaire qui est fait ne correspond pas réellement à ses revenus actuels.
Il s’agit donc typiquement d’une réforme intelligente, mais dont personne ne parle. La mesure est beaucoup plus juste pour celui qui travaillait voilà deux ans et qui est aujourd’hui au chômage, de même qu’elle est plus équitable pour celui qui travaille aujourd’hui alors qu’il était au chômage voilà deux ans.
M. Fabien Gay. Mais je vous parle des 5 euros que vous prenez aux familles qui n’ont déjà plus rien pour bouffer à la fin du mois !
Mme Éliane Assassi. Il faut aller chercher l’argent dans les paradis fiscaux !