Le nouveau plan prétendument destiné à sauver la Grèce de la faillite financière prévoit de mettre douloureusement à contribution le peuple grec, qui n’est pas responsable de cette situation catastrophique, et ce de façon obligatoire.
Ce même plan prévoit, en revanche, que la contribution des banques, premières responsables de la crise avec les marchés financiers, interviendra sur la base du volontariat. Il serait naïf de croire qu’elles accepteront spontanément de payer en partie les conséquences des risques inconsidérés qu’elles ont pris et qu’elles ont fait prendre à l’État grec. Notre pays est très exposé dans cette affaire, puisque c’est aux banques françaises que la Grèce doit le plus d’argent.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait nécessaire d’instaurer un mécanisme obligeant les banques à accepter le rééchelonnement et l’allégement de la charge de remboursement des prêts consentis à la Grèce, c’est-à-dire à participer à l’effort, en acceptant d’être remboursées un peu plus tard ou un peu moins ?
Par ailleurs, à l’échelon européen, pour éviter que les banques ne se retournent vers les États – cela s’est déjà vu – et prévenir la contagion à d’autres pays, ne faudrait-il pas obtenir avec nos partenaires européens une modification du rôle de la Banque centrale européenne, pour qu’elle puisse racheter les titres de la dette publique des États ?
Enfin, je voudrais vous faire une suggestion, monsieur le ministre.
Lors de la crise de 2008, le Président de la République et le Président Obama avaient promis une réforme des agences de notation pour qu’elles ne contribuent plus à l’accentuation de la spéculation sur les crises. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de passer du discours aux actes, au moment où l’agence Moody’s a décidé de « placer sous surveillance » la note de trois de nos banques ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur Billout, permettez-moi d’abord de vous remercier du caractère posé de votre question, qui aborde des sujets de fond, que l’on ne saurait contourner.
Effectivement, le peuple grec n’est pas responsable de la situation présente : nous sommes parfaitement d’accord sur ce point. Faut-il, pour autant, chercher un bouc émissaire extérieur ? La responsabilité doit-elle être rejetée sur les banques, par exemple ? Objectivement, je ne le crois pas.
En réalité, plus que de la crise, la Grèce est victime, d’une part, de ne pas avoir suffisamment œuvré pour développer l’emploi, et, d’autre part, d’avoir accumulé, année après année, des dettes et des déficits, son taux d’endettement atteignant aujourd’hui 142 % du PIB et son déficit budgétaire 10 %, ce qui est énorme. Elle est victime non pas de la spéculation financière, mais de s’être placée dans une situation de dépendance.
Ce constat étant posé, nous devons essayer de trouver un juste équilibre : à l’évidence, les créanciers privés doivent participer à l’effort. Pour autant, il faut veiller, ce faisant, à ne pas déclencher le chaos sur les marchés, ce qui affecterait ensuite l’Irlande, le Portugal et toute la zone euro. Nous n’aurions alors rien gagné, bien au contraire : une telle situation serait redoutable pour l’ensemble des peuples européens, d’où le mécanisme que j’ai détaillé tout à l’heure, reposant sur le volontariat.
Quant à la réforme des agences de notation, elle est lancée. Elle figure dans le « paquet Barnier », qui a notamment posé des principes de plus grande éthique et de transparence. Une deuxième série de mesures vont d’ailleurs être prises. Permettez-moi de le souligner, sur tous ces sujets, le Gouvernement français et le Président de la République ne cessent de prendre des initiatives et de peser pour que les leçons du passé ne soient pas oubliées. Au nombre de ces initiatives, je citerai l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, l’intensification de la lutte contre les paradis fiscaux, le renforcement de l’éthique dans le fonctionnement des banques, la régulation des agences de notation : la France est systématiquement aux avant-postes.
En conclusion, je rappellerai une leçon très gaulliste : quand vous dépendez de l’extérieur pour votre financement, vous n’avez plus complètement votre destin entre les mains.