Michel Billout, Eric Bocquet et Eliane Assassi ont interpellé les ministres de la famille, des droits des femmes et des affaires européennes sur le projet de directive européenne sur le congé maternité afin que cette dernière ne soit pas abandonnée par la Commission.
Madame la ministre, Monsieur le ministre,
nous tenons à attirer tout particulièrement votre attention concernant le projet de directive européenne sur le congé maternité.
En 2008, la Commission avait proposé la révision d’une directive existante afin d’allonger le congé maternité de 14 à 18 semaines. Le Parlement européen avait alors décidé d’aller plus loin et s’était exprimé en faveur d’un congé de 20 semaines, intégralement payé. Cette proposition est malheureusement bloquée depuis 7 ans par le Conseil. Si les négociations ne sont pas rouvertes très prochainement sur ce sujet, cette proposition pourrait faire partie des 80 directives qui vont être abandonnées. En effet, fin 2014, Frans Timmermans avait fixé un délai de 6 mois afin qu’une issue soit trouvée à cette directive mais malheureusement, pour le moment, aucun compromis n’est envisagé.
La commission des droits de la femme et de l’égalité des genres au Parlement européen s’indigne également de cette situation. Elle a d’ailleurs adopté une résolution invitant la Commission à lancer « immédiatement une nouvelle initiative législative » afin que les négociations puissent reprendre le plus rapidement possible. Cette résolution rappelle, entre autre, que le partage des tâches domestiques et familiales entre la femme et l’homme est essentiel afin de parvenir à l’égalité des genres. De plus, un quart des États membres ne propose pas de congés paternité. D’où, également, la volonté de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres de rédiger une autre directive concernant plus particulièrement cette problématique et instaurant un congé paternité de 10 jours entièrement payé.
Dans le même temps, elle invite les États à prendre les mesures nécessaires pour encourager, plus particulièrement les pères, à atteindre un équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
Certes les points d’achoppement sont nombreux entre les propositions du Parlement et celles du Conseil mais nous pouvons relever que la principale cristallisation porte bien sur l’indemnité minimum lors du congé maternité. Un certain nombre de gouvernements, notamment l’Allemagne et le Royaume-Uni, ainsi que des organisations commerciales et patronales, s’opposent vivement à l’idée que les femmes reçoivent leur salaire complet pendant leur congé maternité. D’ailleurs, la Commission avait initialement proposé que cette indemnité soit basée sur l’indemnité maladie dans chaque État membre. Mais les parlementaires avaient voté en faveur d’une indemnité à taux plein pendant l’intégralité des 20 semaines de congé. Le Conseil européen ne peut continuer à faire la sourde oreille en attendant que ce projet de directive soit tout simplement abandonné.
Le fait de se débarrasser de la directive congé maternité est une menace sérieuse car elle contredit l’engagement de l’Union européenne en faveur de l’égalité des sexes et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le congé maternité est actuellement une source de discrimination. Adopter une directive ambitieuse sur le congé maternité permettrait d’augmenter le taux d’emploi des femmes et le taux de natalité en Europe, deux objectifs pourtant clairement affichés au niveau européen, notamment dans le programme Europe 2020. Ce dernier développe, entre autre, une stratégie pour une économie intelligente, durable et inclusive, tel qu’un taux d’emploi à 75% et une diminution de 20 millions du nombre de personnes souffrant ou étant menacés de pauvreté et d’exclusion sociale.
Le comportement du Conseil européen est très révélateur de la vision que les 28 États membres ont de notre société, et de par la même de l’Union européenne. Ils arrivent pourtant à s’accorder très facilement quand il s’agit de réduire les salaires ou les droits de travailleurs mais ne parviennent pas à trouver un consensus pour défendre les droits des familles et des mères qui travaillent.
Par ailleurs, cela pourrait créer un précédent dangereux sur le principe de la « meilleure réglementation », en sacrifiant des normes sociales au nom de la réduction du fardeau administratif.
Il est donc véritablement scandaleux que des gouvernements de l’Union Européenne continuent de bloquer depuis 2008 ces améliorations pour le congé maternité.
C’est pourquoi, madame la Ministre, monsieur le Ministre, nous vous demandons d’intervenir afin que le gouvernement français défende clairement ces avancées au Conseil européen.
Nous vous prions d’agréer, madame la Ministre, monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.