Madame la Ministre,
Je souhaite attirer votre attention sur les expulsions locatives qui plongent chaque année des familles dans la précarité et l’isolement.
Alors que la trêve hivernale a commencé ces derniers jours, chaque année, plus de 150 000 ménages sont assignés en justice pour impayés de loyer, leur nombre ayant même atteint 175 000 en 2014. On compte environ 60 000 commandements à quitter les lieux et 12 000 expulsions avec l’emploi de la force publique. 64 expulsions de bénéficiaires DALO ont été réalisées en 2015, soit une hausse de 150% par rapport à 2014.
Des chiffres alarmants dont le Gouvernement peine à prendre pleinement conscience malgré un vaste plan de prévention des expulsions locatives. Certes le maintien des aides au logement pour les locataires ou encore la mobilisation de logements dans le parc privé sont de bonnes mesures. Une première avancée mais le chemin est encore long pour stopper cette pratique indigne.
La Fondation Abbé Pierre note dans son rapport que "bon nombre de ménages décident de quitter leur domicile sous la contrainte de la procédure ou la pression du propriétaire ou de l’huissier (...), sans que l’on puisse aujourd’hui appréhender ces situations d’un point de vue statistique". Certes, ces ménages ne sont pas officiellement expulsés par la force, mais partent bien sous la contrainte.
Concernant la réquisition des logements, selon l’Insee, 2,9 millions de logements seraient vacants en 2015 contre 2 millions en 2005 soit une hausse de 45% en 10 ans. Cette situation favorise une pénurie artificielle de logements locatifs, laquelle alimente la bulle immobilière, la hausse des loyers et la crise du logement.
Or, vous n’ignorez pas que vos prérogatives prévoient sous certaines conditions, la possibilité d’organiser la réquisition temporaire de ces habitations vacantes. En effet, la loi stipule que cette réquisition peut s’effectuer en faveur « des personnes dépourvues de logement ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes et celles à l’encontre desquelles une décision judiciaire définitive a ordonné l’expulsion ».
Pour rappel, cette pratique a déjà été utilisée dans les années 60 et dans une moindre mesure en 1995 et en 2001. C’est pourquoi, il est urgent d’activer le fond d’indemnisation permettant de dédommager les propriétaires qui décident de renoncer aux expulsions et il faut mettre en place des mesures de prévention pour intervenir le plus tôt possible avant que la dette de loyer ne devienne trop importante. Il est nécessaire d’activer tous les leviers à votre disposition afin de réorienter la politique du logement pour la sortir enfin, de la sphère marchande.
Notre exigence de solidarité voudrait que soit créé un véritable service public et une sécurité sociale du logement. Face au désarroi des familles et de la pénurie criante de logements sur nos territoires, je regrette que depuis de nombreuses années, les crédits alloués au logement fassent les frais d’une politique de restrictions tout comme les moyens des collectivités qui ont stagné, voire diminué, les empêchant de mener des politiques ambitieuses de construction à la hauteur des besoins.
Je suis certain que vous saurez appréhender cette situation avec bienveillance. Dans cette attente, je vous prie de croire, Madame la Ministre en l’assurance de mes sincères salutations.