Ce système engendre des pensions de misère

Régime de retraite des marins

Publié le 29 novembre 2017 à 15:26

Lettre à Mme la Ministre des Solidarités et de la Santé

Madame la Ministre,

Je souhaite attirer votre attention sur l’inquiétude de l’Union Fédérale Maritime CFDT et de la CGT des marins du Grand Ouest. En effet, Le 1er janvier 2018 s’appliquera aux marins une loi promulguée en 2014 relative aux nouvelles règles applicables en matière de cumul d’une activité rémunérée et d’une pension de vieillesse.

Le Régime spécial des marins couvert par l’Établissement National des Invalides de la Marine (ENIM) prévoit la possibilité de faire valoir les droits à pension. Ce Régime spécial tient au fait que le métier de marin est particulièrement pénible (conditions météo, conditions rudes et dangereuses de travail, conditions de vie à bord, éloignement familial, accidentologie, espérance de vie, etc...) et d’un besoin de rendre attractif cette profession souvent dévalorisée.

Depuis les années 1950, le déclin progressif de la marine marchande française a entraîné des parcours de carrières chaotiques pour les marins (120 000 marins en 1950, environ 30 000 aujourd’hui). Les marins étant contraints de changer momentanément de filière et/ou de Régime arrivent à 55 ans avec des cotisations ENIM incomplètes. S’ils valident leur pension à 55 ans dans la marine, la loi leur interdira un complément pour les années effectuées au delà dans un autre Régime. Ceci engendre une obligation de rester dans la filière après 55 ans (pour ceux qui le pourront) au péril de leur santé. En termes d’emploi cette disposition bloque l’embauche des jeunes, dans un secteur déjà fortement sinistré par le chômage.

La difficulté pour les séniors à retrouver un emploi serait également complexifiée par les nouvelles dispositions de l’assurance chômage, abaissant la durée de couverture des ayants droits de plus de 50 ans, de 36 à 24 mois. Ce droit de cumul qu’il leur était accessible jusqu’à présent est indispensable pour qu’ils puissent terminer leur parcours professionnel dans de bonnes conditions pour leur santé.

Enfin, les marins contraints pour différentes raisons de quitter la filière maritime et qui n’auront pas retrouvé d’emploi avant la fin de leur droit aux indemnités de chômage n’auraient d’autre choix pour survivre que de valider leur pension ENIM quel qu’en soit le montant. Ceci engendrera des pensions de misère qui ne pourront pas être complétées même si par la suite le marin retrouve un emploi.

Cette mesure pourrait parallèlement contribuer au développement du travail illégal communément appelé « travail au noir » ainsi qu’à d’autres dérives dès lors que des personnes se retrouveront sans ressources suffisantes pour vivre décemment.

Les organisations syndicales étaient intervenues sur ce sujet en 2014 et 2015. Pour les professions relevant du code des transports article L5555-1, l’application de la Loi avait été reportée à 2018, en l’espèce pour les marins. Ce report devait permettre une étude spécifique de la profession. Il arrive à son terme, il serait irresponsable d’appliquer cette loi sans que les marins en soient exclus pour les raisons invoquées ci-dessus tenant à la particularité du métier et aux incidences en termes d’emploi qui ne sont plus à démontrer.

Si ce texte était appliqué aux marins il engendrerait précarité, pauvreté et dérives dans ce secteur d’activité déjà si fragile. Il mettrait également à mal tous les efforts depuis ces dernières années dans la recherche de solutions pour rendre les métiers de la mer plus attractifs.

Aussi, Madame la Ministre, je sollicite de votre bienveillance, la possibilité de modifier cette loi afin que les dispositions de la loi 2014-40 ne s’appliquent qu’aux marins qui perçoivent une pension d’ancienneté pleine et entière liquidée à 55 ans calculée sur un maximum de 37,5 annuités. Dans cette attente, je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de mes sincères salutations.

Christine Prunaud

Sénatrice des Côtes-d'Armor
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