Monsieur Philippe DOUSTE-BLAZY
Ministre des Affaires étrangères
Monsieur le Ministre,
Ainsi que je l’ai fait avec Monsieur Christophe GUILHOU, votre Conseiller pour les Proche et Moyen-Orient, rencontré le 31 mai dernier dans le cadre de la délégation d’élus communistes reçue afin de lui signifier nos sentiments et intentions sur la situation palestinienne, je tiens à vous faire part de ma vive émotion face à la dégradation dramatique des libertés fondamentales en Tunisie.
Invité à assister, les 26 et 27 mai dernier, au 6ème congrès national de la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme (L.T.D.H.), j’ai pu constater que les autorités tunisiennes sont parvenues, une fois encore, à empêcher la tenue dudit Congrès.
Alors que le Gouvernement se défend de toute censure, il s’est réfugié derrière la justice pour expliquer que l’interdiction que se tienne le Congrès était consécutive à l’attente du jugement sur une affaire interne à la LTDH visant à satisfaire toutes les parties.
Et pour faire appliquer cette soi-disant décision de justice, le pouvoir en place n’a pas hésité, le samedi 27 mai, à organiser un véritable blocus de Tunis pour interdire la venue des délégués de province. Les policiers contrôlaient les voitures, les bus et les gares à partir d’un fichier des adhérents de la LTDH.
Ce blocus était complété par un imposant cordon de policiers en civil (accompagnés de quelques policiers en tenue) autour du siège de la ligue, rue Baudelaire, visant à y empêcher tout accès pour les délégués comme pour les invités étrangers. Je passerai sur les insultes et autres provocations gratuites mais violentes au demeurant.
Monsieur le Ministre, ces femmes et ces hommes membres de la LTDH, courageux, intègres, ont besoin de notre solidarité et de notre soutien, tout comme l’ensemble des forces de progrès muselé aujourd’hui par le pouvoir en place. Or, j’ai également pu constater, une nouvelle fois, l’absence de représentant de l’Ambassade de France.
Il est vrai que le Ministère de l’Intérieur tunisien avait adressé un courrier à toutes les Ambassades pour leur préciser qu’il ne pouvait garantir la sécurité des membres de leurs délégations qui décideraient de se rendre au Congrès de la LTDH. Mais pouvons-nous nous satisfaire de ce genre de menaces ?
D’autant que des diplomates représentants les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Belgique étaient eux présents à nos côtés, ainsi que deux membres de la Commission Européenne.
De surcroît, je tiens à vous préciser, qu’à plusieurs reprises, j’ai appelé l’Ambassade au numéro de portable que l’on m’avait communiqué en cas de problème. Chaque fois, je n’ai eu qu’une messagerie.
C’est seulement le lundi 29 mai au matin, alors que j’étais rentré en France, que M. Jean-Pierre FILIU, Ministre Conseiller, m’a rappelé pour me dire qu’il venait de prendre connaissance de mes messages.
Ce mauvais concours de circonstances pourrait prêter à sourire si la situation n’était aussi grave.
Au vu de ces éléments, j’estime qu’il serait opportun que la France prenne ses responsabilités et s’engage rapidement à faire respecter les clauses explicites relatives au respect des Droits de l’Homme et aux principes démocratiques figurant dans l’accord d’association qui lient l’Union européenne à la Tunisie.
Aussi je souhaiterai être informé de vos intentions en la matière.
Dans cette attente,
Et vous remerciant pour l’intérêt que vous voudrez bien porter à la présente,
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de mes respectueuses salutations.