A l’occasion de l’examen du projet de loi visant à réformer le code d’entrée et de séjour des étrangers, Michel Billout a reçu un courier du président départemental du comité catholique contre la Faim et pour le développement l’alertant sur différents points inquiétant de ce projet de loi. Après examen du projet de loi au sénat, Michel Billout lui a ainsi répondu :
"Monsieur le Président,
J’ai bien reçu votre courrier relatif à l’examen du projet de loi visant à réformer le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et demandeurs d’asile. Examiné au sénat du 6 au 14 juin, ce projet de loi réforme pour la 38ème fois depuis 1980 l’ordonnance de 1945 relative à l’entrée et au séjour des étrangers.
D’emblée, je partage sans exclusive les arguments que vous avez développé dans votre courrier. Ce texte de loi, largement inspiré de la politique prônée par l’Union européenne en la matière, tourne définitivement le dos à nos valeurs les plus sacrées, les plus ancrées dans notre République, et qui ont pour nom : solidarité, fraternité, coopération, respect du vivre ensemble...
Ce texte a pour conséquence directe de s’attaquer aux droits fondamentaux d’un certain nombre de personnes. Je pense notamment au droit au séjour par le mariage ou encore au regroupement familial pourtant déjà réduit à plusieurs reprises, sans parler de la remise en cause du droit d’asile. Il constitue un tel recul historique en matière de droits des étrangers que plus de 600 organisations et associations se sont mobilisées pour le combattre et obtenir son retrait.
Au nom de cette immigration « choisie », le gouvernement s’est en effet attaqué à des droits et à des libertés qui ont une valeur constitutionnelle qu’il est utile de rappeler : il s’agit du respect de la vie privée, du droit à mener une vie familiale, de la dignité, du droit d’asile, de l’intérêt supérieur de l’enfant...
Faire croire à l’ensemble de nos concitoyens que ce texte va permettre de stopper l’immigration n’est d’ailleurs que pur mensonge. Cela fait 25 ans que la France n’est plus un pays d’immigration massive. Loin d’être d’une quelconque efficacité, ce projet de loi va surtout créer de nouveaux cas de sans-papiers et des situations administratives inextricables comme à l’époque des lois Pasqua où les situations de personnes « ni expulsables -ni régularisables » les fameux « ni-ni » se sont multipliées.
D’un point de vue économique, les mesures imposées par ce texte vont surtout s’avérer très efficaces pour le patronat qui va pouvoir :
- faire librement et unilatéralement -avec l’accord de l’Etat français- son marché à l’étranger en fonction des besoins de l’économie libérale uniquement préoccupée par la baisse des coûts du travail ;
- disposer ainsi d’un stock de main d’œuvre idéale : sans droits, à bas salaire, donc précarisée et corvéable à merci, facile à encadrer et à surveiller ;
- niveler par le bas les conditions de travail de l’ensemble des salariés, étrangers comme nationaux. Ce qu’on oublie souvent de dire c’est que, selon un rapport des Nations Unies qui date de 2002, stopper net l’immigration reviendrait pour un certain nombre de pays d’Europe à imposer aux salariés de travailler jusqu’à 77 ans ; de la même façon on oublie de rappeler la contribution des étrangers actifs -et déclarés- à notre système de retraite.
Je ne peux que déplorer avec vous que notre pays - au lieu d’ouvrir de nouvelles perspectives de coopération internationale dans lesquelles le respect des droits et des libertés fondamentales serait le préalable à toute législation concernant les flux migratoires - continue comme dans les années 60 d’avoir une politique d’immigration reposant sur les besoins de son économie.
Cette acceptation de la « libre circulation des travailleurs » loin de favoriser le développement des hommes, revient en réalité à piller les pays du sud de leurs matières premières et maintenant de leurs matières grises à savoir de la part de leur population la plus active, la plus dynamique ; réduisant quasiment à néant dès lors les possibilités de développement sur place de ces pays.
Après la précarité économique, ce texte organise la précarité généralisée du droit au séjour pour les migrants et leur famille :
En rendant optionnelle la délivrance de la carte de résident ; en faisant disparaître la possibilité de régulariser des étrangers présents en France depuis plus de 10 ans ; en allongeant systématiquement tous les délais requis pour obtenir un titre à raison du mariage, d’une naissance, du regroupement familial ; en augmentant les possibilités de retrait de titre de séjour ; en exigeant un visa long séjour pour les conjoints de Français ; en durcissant les conditions de ressources et de logement en ce qui concerne le regroupement familial, le gouvernement va précariser un grand nombre de personnes mais aussi et surtout en plonger une bonne partie dans l’irrégularité et l’insécurité administrative, économique et sociale.
Bien évidemment, pour toutes ces raisons, après plusieurs jours de débats et de défenses d’amendements ignorés de la majorité sénatoriale, les sénatrices et sénateurs de mon groupe ont voté contre ce projet de loi, en faisant preuve d’une grande responsabilité. Il ne s’agissait pas seulement de faire acte de résistance ; notre vote se veut un acte républicain car il réaffirme les valeurs de notre République : Liberté, Egalité, Fraternité auxquelles je rajoute Solidarité.
Je maintiens aujourd’hui que ce texte, malgré son adoption, est profondément inhumain, pervers et dangereux. Il s’inscrit naturellement dans le projet de société ultralibéral de la droite et de son gouvernement. Il s’agit d’une véritable entreprise de démolition du statut des étrangers doublé d’un renforcement du contrôle et de la surveillance des populations étrangères guidée par l’obsession sécuritaire.
Pour autant, nous ne devons pas baisser les bras. Dans ce combat quotidien contre la précarité, la misère et pour une plus grande justice sociale et le respect de la dignité des êtres humains, quelque soit leur origine géographique ou sociale, vous pouvez comptez sur mon investissement et celui de l’ensemble des sénateurs communistes, républicains et citoyens.
Vous engageant à maintenir votre mobilisation sur ce dossier, je vous prie de croire, Monsieur le président, en l’expression de ma plus haute considération.