Rachida Dati
Ministre de la Justice
Vous avez annoncé, en juin dernier, une réforme de la carte judiciaire. Celle-ci se résumait à la suppression pure et simple de cours d’appel ou de tribunaux de grande instance avec l’objectif de redéployer les postes existants.
« De nombreux professionnels, avocats, magistrats, greffiers se sont mobilisés. Ils vous ont notamment fait part de la pauvreté des moyens accordés au service public de la justice pour pouvoir assurer au mieux sa mission.
Je considère, pour ma part, que toute évolution de la carte judiciaire doit donner priorité à l’intérêt général et donc à l’égalité d’accès à la justice. Elle doit prendre en compte à la fois l’exigence d’une justice proche, en rapprochant des justiciables de certains contentieux (famille, instance...) et celle plus grande efficacité, en regroupant d’autres contentieux (grande criminalité par exemple).
Or, ce sont justement les tribunaux de proximité qui semblent aujourd’hui menacés.
En effet, si j’en crois de récentes informations parues dans la presse et non démenties depuis, il apparaît que ce sont désormais près de la moitié des tribunaux d’instance et un tiers des conseils de prud’hommes et tribunaux de commerce qui seraient fermés.
Lors de la création des juges de proximité par l’un de vos prédécesseurs -justice dont il faut bien constater qu’elle est en échec - nous avions déjà fait part de notre inquiétude quant à l’avenir des tribunaux d’instance. Ceux-ci constituent, comme le soulignent les principaux responsables de l’Association nationale des juges d’instance, « la première ligne de lutte contre les exclusions ».
De même, les conseils des prud’hommes sont la première ligne pour défendre les intérêts des salariés, hélas, largement malmenés. Permettez-moi d’ajouter que la mise en cause de la justice prud’homale à un an des élections de ses conseillers n’apparaît pour le moins pas pertinente.
Il est évident que le développement d’une justice à la hauteur des besoins du pays ne peut se faire sans les moyens adéquats. Or, comme vous le savez, la justice demeure le parent pauvre du budget de l’Etat : environ 6 milliards d’euros, soit seulement 2,34 % de ce budget. Le doubler la placerait au niveau de l’Allemagne ou du Royaume-Uni et permettrait de créer au moins les postes de magistrats et de greffiers prévus par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002.
Les annonces qui viennent d’être faites dans la perspective de la loi de finances pour 2008 en sont bien loin.
Je tenais donc à vous exprimer mon inquiétude quant au devenir de notre système judiciaire et mon opposition quant à une réforme fondée sur des critères purement quantitatifs, sans considération quant aux besoins réels.
J’ajoute qu’il me semblerait opportun de surseoir à une telle réforme.