Prisons : la représentation nationale ne peut rester silencieuse devant l’indifférence gouvernementale

Publié le 5 octobre 2005 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015
  • A l’attention des sénateurs membres de la commission d’enquête sur les prisons en 2000
    Paris

Madame, Monsieur,

Les parlementaires ont eu l’occasion, il y a cinq déjà dans le cadre de commissions d’enquête à l’Assemblée nationale et au Sénat, de constater et de critiquer vivement l’état déplorable des prisons françaises. Surpopulation carcérale, augmentation du nombre des détenus âgés et souffrant de maladies physiques et mentales, absence de toute perspective pour les détenus condamnés à de longues peines ou encore vétusté et inadaptation des bâtiments, toutes les conditions étaient réunies pour faire des prisons « une humiliation pour la République », comme l’a écrit la commission d’enquête sénatoriale.

Cette dernière avait d’ailleurs conclu « que les conditions de détention dans les maisons d’arrêt étaient souvent indignes d’un pays qui se targue de donner des leçons à l’extérieur dans le domaine des droits de l’homme et qui a été condamné à plusieurs reprises par les instances européennes justement sourcilleuses en ce domaine ».

Malgré les deux commissions d’enquête parlementaires de 2000 et les multiples visites de députés et sénateurs dans plusieurs établissements pénitentiaires, la situation dans les prisons est toujours aussi dramatique, et s’est même aggravée.

C’est ce qu’a également constaté Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, en visite en France en septembre.

Après s’être rendu dans plusieurs lieux de privation de liberté, son constat sur leur délabrement ou encore la surpopulation carcérale est accablant, mais il vient malheureusement confirmer celui que les parlementaires ont pu dresser durant ces cinq dernières années.

La représentation nationale ne peut rester silencieuse devant l’indifférence gouvernementale à l’égard de son travail. Je vous propose donc d’interpeller à nouveau le gouvernement sur la situation des établissements pénitentiaires en France.

Il serait souhaitable, afin que les parlementaires obtiennent des réponses précises sur cette question, de proposer, dans le cadre des débats à venir, de limiter le recours à la détention provisoire -au 1er mai 2005, les prévenus représentaient 35 % de la population carcérale-, à augmenter, dans la prochaine loi de finances pour 2006, le budget de l’administration pénitentiaire ou encore des services d’insertion et de probation, afin de faciliter notamment la mise en œuvre des libérations conditionnelles.

Enfin, le gouvernement doit s’engager à respecter les recommandations émanant des membres mêmes de sa majorité, à savoir le développement du recours aux peines alternatives à l’emprisonnement, pourtant préconisé dans le rapport de Jean-Luc Warsmann du 28 avril 2003.

  • Je compte sur votre détermination à voir la situation des prisons s’améliorer le plus rapidement possible, car c’est la condition première d’une réinsertion réussie des détenus.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de ma considération distinguée.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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