Michel Billout écrit à l’ambassadeur d’Israël en France

Grève de la faim des prisonniers palestiniens

Publié le 16 juin 2014 à 15:23 Mise à jour le 8 avril 2015

Votre excellence,

Je souhaite vous faire part de ma plus vive désapprobation sur l’utilisation abusive de la rétention administrative dans votre pays qui permet de détenir une personne sans inculpation ni jugement pendant une période de 6 mois renouvelable.

La rétention administrative appliquée en Israël est héritée de l’époque du mandat britannique, quand la Grande Bretagne luttait contre ce qu’elle appelait le « terrorisme sioniste » entre 1944 et 1948.

Ces mesures d’exception avaient été dénoncées par nombre de juristes, dont le docteur Moshe Dunkelblum, qui devait siéger plus tard à la Cour suprême d’Israël. Pour mémoire, le 7 février 1946, il déclarait : « Ces ordonnances constituent une menace constante contre les citoyens. Nous, juristes, voyons en elles une violation flagrante des principes fondamentaux de la légalité, de la justice, de la discipline. Elles légalisent le plus parfait arbitraire des autorités militaires et administratives. (…) Elles dépouillent les citoyens de leurs droits et confèrent aux autorités des pouvoirs illimités. »

Ces dispositions toujours appliquées dns votre pays engendrent en ce moment des mouvements de grèves de la faim de prisonniers politiques extrêmement graves au sein des prisons israéliennes depuis maintenant plus de 50 jours.

Cette grève de la faim des prisonniers palestiniens a été relayée par les déclarations de Richard Falk, le rapporteur spécial de l’ONU pour les droits de l’Homme dans les territoires palestiniens occupés, qui s’est déclaré « écœuré par les violations continues des droits de l’Homme dans les prisons israéliennes. Depuis 1967, 750 000 Palestiniens, dont 23 000 femmes et 25 000 enfants, ont été en détention dans les prisons israéliennes, soit près de 20% du total de la population palestinienne des territoires occupés », a-t-il rappelé.

La gravité de la situation actuelle est reconnue par le service pénitentiaire de votre pays qui a récemment indiqué à l’AFP que 250 détenus refusaient de s’alimenter, dont 90 depuis plus de six semaines, 75 étant hospitalisés, précisant que c’était la plus longue grève de la faim jamais observée par des Palestiniens détenus par Israël.

Sur les quelques 5 000 Palestiniens actuellement emprisonnés en Israël, près de 200 le seraient en détention administrative. Le secrétaire général des Nations unies, monsieur Ban Ki-moon a appelé votre pays à inculper ou libérer ces détenus retenus sans charge. Un appel auquel je souhaite m’associer avec la plus grande vigueur.

Je souhaite également dénoncer la tentative de votre gouvernement de faire adopter une loi qui autoriserait à alimenter de force les prisonniers palestiniens en grève de la faim. Le projet a été dénoncé par les députés de gauche, libéraux et arabes, mais aussi par l’Ordre des médecins israélien qui a appelé la ministre de la Justice Tzipi Livni à bloquer le texte, estimant que ce projet serait « en totale contradiction avec l’éthique médicale » au niveau international.

Les conditions de détentions elles mêmes de ces retenus " sans inculpation ni jugement " sont scandaleuses. L’IPS (Israeli Prison Service) et ses unités spéciales prennent des mesures punitives extrêmes contre les grévistes de la faim afin de briser leur grève : interdiction de communiquer avec le monde extérieur, restriction de l’accès à leurs conseillers juridiques, transfert continuel des grévistes de la faim d’une prison à l’autre, mise à l’isolement, refus des visites de la famille...

Dans ces conditions, je souhaite que vous transmettiez à votre gouvernement mon inquiétude à propos des vies des grévistes de la faim et ma désapprobation du recours systématique et permanent par Israël à la détention administrative. Celle-ci constitue une violation des Conventions de Genève et des autres lois et réglementations internationales, lesquelles ne permettent le recours à la détention administrative que sur base individuelle, au cas par cas et dans des cas graves de menace pour la sécurité tout garantissant également des normes de procès équitables.

Je vous prie de croire, votre Excellence, en l’expression de mes salutations respectueuses.

Lire aussi sur ce sujet :courrier à Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement internationnal

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
Voir le site Contacter par E-mail Suivre sur Facebook

Ses autres interventions :

Sur les mêmes sujets :

International
Droits de l’homme