Courrier à Rachida Dati, Garde des Sceaux
Par notes des 14 mai et 20 septembre derniers, la Chancellerie enjoint aux chefs de Cour et de juridiction de recenser les décisions civiles en matière de contentieux des étrangers et de l’adoption. Elle leur demande également la transmission des copies de ces décisions et, en matière d’adoption, des requêtes les concernant.
Le motif invoqué, à savoir la légitime production de statistiques, ne saurait justifier cette levée de l’anonymat.
Concernant les jugements d’adoption, les audiences n’ont aucun caractère public : elles se déroulent en chambre du conseil. Nul n’a en effet à connaître des modes d’établissement des filiations, ressortant de la vie privée. J’ajoute qu’en cas d’adoption plénière, les enfants sont réputés Français par naissance.
Exiger copie des décisions et avoir ainsi à connaître des noms des parents, des enfants et de la nationalité d’origine de ces derniers est inacceptable, comme est inacceptable la demande de copie des requêtes qui contiennent elles aussi des informations de nature exclusivement privée sur les demandeurs.
Dans ces conditions et dans le contexte actuel de stigmatisation, de fichage des étrangers et d’incitation aux reconduites à la frontière, je crains fort que ces données ne servent à d’autres fins que celles statistiques. Je le crains pour les étrangers eux-mêmes, mais aussi pour les magistrats auteurs des décisions visées.
Je vous demande, Madame la Garde des Sceaux, de renoncer officiellement à ce type de demande et de confirmer la destruction par vos services des copies d’ores et déjà transmises.