Lettre à Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le ministre
Je souhaite porter à votre connaissance le courrier envoyé ce jour à Monsieur l’ambassadeur d’Israël en France, pour lui faire part de ma plus vive désapprobation sur l’utilisation abusive de la rétention administrative par son pays qui permet de détenir une personne sans inculpation ni jugement pendant une période de 6 mois renouvelable.
Cette pratique a amené plus de 250 prisonniers palestiniens à entamer, depuis maintenant plus d’une cinquantaine de jours, une grève de la faim contre cette rétention administrative, la plus longue jamais observée par des Palestiniens détenus par Israël.
Dans ce contexte, et au vu de l’échec du cycle de négociations entre Israël et le nouvel État de Palestine- reconnu le 29 novembre 2012 en tant qu’État non membre par l’Assemblée générale de l’ONU, La France et l’Europe doivent faire pression sur l’Etat d’Israël pour faire appliquer le droit international, notamment dans les prisons israéliennes, et faire aboutir l’exigence légitime d’un État palestinien souverain.
La France peut sans aucun doute contribuer à convaincre ses partenaires européens, qui condamnent déjà la politique de colonisation et de violation du droit international menée par le gouvernement israélien, de suspendre l’accord d’association entre l’Europe et Israël. L’article 2 de cet accord, à savoir "le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques" l’y autorise.
Au lendemain des printemps arabes, l’UE a fait son mea culpa pour avoir trop longtemps fermé les yeux, dans le cadre de ses relations bilatérales, sur les violations des droits commis par ses partenaires.
L’exigence du respect de ces droits s’arrêterait-elle aux frontières de la Palestine occupée ?
Pourquoi dissocier le développement des relations bilatérales de la cessation des violations israéliennes du droit international ?
L’Union européenne doit utiliser les instruments qui sont en sa possession et qu’elle a elle-même forgés. Il en va de sa crédibilité. La France peut adopter une position sans ambiguïté, condamner fermement à chaque fois que nécessaire la colonisation israélienne.
J’ai salué la décision de la France de se prononcer en faveur de la reconnaissance de la Palestine au titre de membre observateur à l’ONU. Elle peut sans attendre reconnaître l’État palestinien, appuyer sans réserve la directive européenne sûr l’économie israélienne dans les territoires occupés, y compris Jérusalem-Est, et adopter l’étiquetage sur les produits venant des colonies comme l’Angleterre, les Pays Bas, et même l’Allemagne l’ont déjà fait. Ces actions pourraient se coordonner au plan européen pour faire entendre au gouvernement israélien que son intransigeance est sans avenir et pèse aujourd’hui sur les propres intérêts d’Israël.
La France, comme ses partenaires de l’UE, a les moyens de faire bouger les lignes, en disant non aux provocations israéliennes et en sanctionnant les violations permanentes du droit érigées en méthode de gouvernement.
Lors de sa visite d’Etat en Israël et une visite officielle dans les Territoires palestiniens du 17 au 19 novembre 2013, le Président de la République a souligné le plein soutien de la France au processus de paix et à la mise en œuvre d’un accord, le moment venu.
Or, depuis une vingtaine d’années, Israéliens et Palestiniens négocient, parfois face à face comme à l’époque d’Oslo, et parfois dans des cadres internationaux ou via des intermédiaires. Tous les sujets ont été déjà abordés et tout le monde connaît les termes d’une solution acceptable par l’autre partie. Le problème n’est pas la solution mais les moyens d’y parvenir. Trop de rancœur et de méfiance existent aujourd’hui. Trop d’engagements n’ont pas été respectés. Sans une forte implication internationale, rien ne se fera. Les pays européens ne peuvent plus laisser les États-Unis conduire seuls cette médiation. D’autant que l’aggravation de la colonisation israélienne ( + 123 % de constructions en un an), de l’occupation violente avec le blocus de Gaza et de l’isolement des villes palestiniennes sans réaction ferme des États-Unis font douter de leur détermination.
L’Union Européenne et la France ont un rôle à jouer dans ce processus : l’Europe finance l’essentiel du budget de l’Autorité palestinienne. Israël reste quand à elle très sensible à son image en Europe qui reste son premier partenaire économique.
Respectée par les deux camps, compte tenu notamment de ses interventions en Libye et au Mali et de ses positions à l’égard de la Syrie, la France a aujourd’hui la possibilité d’entraîner ses partenaires au sein de l’UE sur cette voie.
Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le ministre, en l’expression de mes salutations respectueuses.