Monsieur l’ambassadeur,
Vous connaissez mon profond attachement à ce que la France et la Turquie poursuivent un dialogue fructueux afin que nos deux pays progressent dans le développement économique, social et culturel.
C’est pourquoi je tiens à vous exprimer aujourd’hui ma plus grande désapprobation au sujet de la condamnation le 29 mai dernier de Madame Leyla ZANA, députée, à 10 ans de prison par la cour pénale de Diyarbakir, pour « propagande en faveur d’une organisation terroriste » après avoir demandé l’organisation d’un référendum en Turquie concernant la question kurde.
En 1994, Madame Leyla ZANA avait déjà été condamnée à quinze ans de prison pour des propos comparables. Elle ne fut relâchée qu’au bout de dix ans, grâce à la pression internationale. En 1995, elle avait notamment reçu le « prix Sakharov pour la liberté de penser » alors qu’elle était en détention.
Cette nouvelle condamnation tend à indiquer que la liberté d’opinion reste toujours menacée en Turquie par le code pénal et les tribunaux qui l’appliquent. C’est extrêmement dommageable pour un pays membre du Conseil de l’Europe, de l’OSCE, de l’OTAN et qui s’est fixé pour objectif de rejoindre un jour l’Europe communautaire. Le système judiciaire turc fait l’objet de très nombreuses critiques, notamment dans le rapport qu’Amnesty International vient de publier. Je ne saurais donc trop intercéder pour que Mme ZANA soit graciée et remise en liberté.
A ce titre, je suis également particulièrement préoccupé par le sort d’une compatriote, la jeune Sevil Sevimli, incarcérée et tenue au secret depuis le 10 mai 2012. Elle est accusée d’ « appartenance à un mouvement terroriste armé, le DHKP-C ». Avec d’autres jeunes, elle se serait rendue "coupable" d’avoir assisté à un concert du Grup Yorum ( ce concert a réuni plusieurs dizaines de milliers de spectateurs à Istanbul le 15 avril 2012 ), d’avoir procédé à la vente de billets pour ce concert ; d’avoir assisté à la projection de Damında Sahan, un film sur Güler Zere (opposante de gauche décédée d’un cancer non soigné en prison)- projection organisée par l’Association des juristes contemporains (Çagdas Hukukçular Dernegi) - et, enfin, d’avoir participé à un pique-nique collectif lors de la manifestation du 1er mai dernier. Sevil est aujourd’hui retenue, sans contact possible avec l’Ambassade de France et sans qu’aucune date de procès n’ait été fixée. D’après les critères de la Cour européenne des droits de l’Homme, le maintien du secret sur ce dossier durant l’enquête, ainsi que la manière dont ont été effectués les interrogatoires en cours de détention sont contraires au respect des Droits de l’Homme. C’est pourquoi je vous demande d’intercéder auprès de votre gouvernement pour sa libération immédiate.
Vous remerciant de l’intérêt que vous porterez à ce courrier, je vous prie de croire, Monsieur l’Ambassadeur, à l’assurance de mes sentiments les respectueux.