Contrôle aérien : contre la privatisation imposée par l’europe

Publié le 4 avril 2006 à 16:34 Mise à jour le 8 avril 2015

Le 27 mars 2006, le Syndicat national des contrôleurs du trafic aérien interpellaient Michel Billout sur l’évolution inquiétante des activités de sécurité et de contrôle du secteur aérien. Dans sa réponse datée du 4 avril, Michel Billout se positionne contre l’externalisation de ces missions

Messieurs,

J’ai bien reçu votre courrier du 27 mars dernier. Il a retenu toute mon attention.

Je partage votre inquiétude concernant les évolutions du secteur aérien. La réglementation européenne soumet ce secteur au dogme de la libre concurrence et de la rentabilité en dehors de toute autre considération.

Le règlement « ciel unique européen » de 2004 illustre particulièrement cette orientation en soumettant y compris les activités de contrôle et de sécurité à la concurrence.

L’obligation de concurrence se traduit dans les faits par une régression générale des conditions sociales et par des économies drastiques sur la sécurité des passagers pour augmenter les profits.

Sur le plan national, la privatisation des entreprises publiques Air France et Aéroport de Paris témoignent de la volonté de notre gouvernement d’appliquer avec un zèle tout particulier ces orientations libérales.

Le budget 2006, voté en décembre dernier par le Sénat, a été très clair sur ce point. En effet, il a opéré une séparation comptable entre les activités régaliennes (qui relève du budget général) et les activités de contrôle de la sécurité aérienne qui relèvent du budget annexe « contrôle et exploitation aérien ». Ainsi, la mission de contrôle ne ferait plus partie du domaine régalien.

En externalisant ces missions, le gouvernement prend des risques importants avec la sécurité. La possible libéralisation de l’assistance en escale a également été évoquée.

Pourtant ces politiques ont des conséquences désastreuses en terme de structuration du secteur par l’accentuation du phénomène de concentration des compagnies aériennes, en terme d’aménagement du territoire par la concentration des moyens sur les dessertes les plus rentables, en terme d’emplois par la rationalisation maximum des coûts salariaux et de maintenance, en terme de sécurité par le recours accru à la sous traitance et par l’apparition de la nouvelle notion de « risque acceptable ».

A ce rythme, demain ce seront des filiales des compagnies aériennes qui s’assureront l’organisation des vols et la circulation des avions.

Dans ce contexte de concurrence exacerbée, il y a là un danger sérieux que l’impératif de sécurité passe au second plan en regard des exigences commerciales.

Pourtant, le contrôle aérien ne doit pas être traité comme une marchandise. Nous sommes donc en plein accord avec votre proposition d’inscrire les services de contrôle de la circulation aérienne comme relevant d’un service d’intérêt général à caractère non économique. Il s’agit là d’une mission régalienne des Etats.

C’est pourquoi il est important de garantir son indépendance vis-à-vis des compagnies aériennes, et de préserver ce secteur de la pression des marchés financiers. La même remarque vaut d’ailleurs pour les organismes de certification des appareils.

Pour cela, les sénateurs membre du groupe communiste propose un certain nombre de propositions . Ils demandent le maintien d’un statut public des prestataires de contrôles, de Air France, de ADP. Ils souhaitent également la réalisation d’un moratoire sur la déréglementation du secteur aérien.

Ils estiment que seule la construction d’un pôle public du transport aérien français (Air France, Aéroports de Paris, DGAC), permettra de répondre aux exigences de notre époque , notamment en terme de sécurité et d’environnement pour tous les passagers, riverains et salariés des compagnies aériennes qui sont incompatibles avec une recherche de fortes marges financières dans le transport aérien.

Dans ce sens, seule une coopération de service public, entre le transport aérien français et ses équivalents européens permettra de créer l’espace aérien européen.

Ainsi, nous estimons, pour l’instant, que seules des coopérations renforcées pour le contrôle aérien permettront de garantir un haut niveau de sécurité et un haut niveau de garantie sociale pour les salariés du secteur.

En effet, l’actuelle commission européenne dans son projet « ciel unique européen » souhaite mettre en place des blocs d’espace fonctionnel c’est à dire en faisant abstraction des frontières nationales, ceci dans l’objectif d’une consolidation de l’industrie et par conséquence d’une réduction des coûts du contrôle aérien.

Cette logique va de paire avec des restructurations entraînant inévitablement une réduction des personnels et des centres de contrôle.

Dans ce sens, et en l’état actuel de la réglementation européenne, la création d’un prestataire unique aurait pour conséquence directe de sortir la DNSA de la fonction publique d’Etat et de faire le jeu des restructurations. C’est pourquoi nous sommes plus réservés sur la deuxième partie de vos propositions.

Avant de parler d’un prestataire unique, il nous faut d’abord avancer sur les exigences à mettre en oeuvre dans le secteur du contrôle aérien, sur les conditions sociales des personnels, sur notre conception même de ce que doit recouvrir un service d’intérêt général à caractère non économique.

Je reste disponible si vous souhaitez que nous échangions plus amplement sur le sujet.

En espérant avoir répondu à votre attente, je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de mes salutations respectueuses.

Michel Billout

Ancien sénateur de Seine-et-Marne
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