Les études d’impact répondent rarement aux interrogations des parlementaires

Qualité des études d'impact des projets de loi

Publié le 7 mars 2018 à 07:25 Mise à jour le 9 mars 2018

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quand on se rappelle avec quelle désinvolture le Conseil constitutionnel a validé l’étude d’impact accompagnant le projet de redécoupage régional, on a quelques doutes sur la destinée des propositions d’amélioration desdites études que pourraient faire les parlementaires… D’ailleurs, le Gouvernement vient de nous le dire, tout va très bien ! Soit dit par parenthèse, cela signifie que les prétendues « avancées » de la réforme constitutionnelle de 2008 ont plutôt fait du sur place.

Cela étant dit, la proposition de loi initiale de notre collègue Franck Montaugé était bienvenue. Quant au sort que lui ont réservé le rapporteur et la commission des lois, c’est une autre question… Nous y reviendrons. C’est fou comme, ces derniers temps, les propositions de loi ont tendance à rétrécir au lavage de la commission des lois ! (Sourires.) Là encore, je m’interroge sur l’effet réel de la réforme constitutionnelle de 2008.

Deux dispositions de la proposition de loi initiale me paraissaient bienvenues.

Il s’agit, tout d’abord, de la prise en compte de l’impact qualitatif des projets de loi au regard des nouveaux indicateurs de richesse définis par la loi du 13 avril 2015, dite « loi Sas ». Comme on sait, il s’agit notamment d’indicateurs d’inégalités, de qualité de vie, de développement durable et, d’une manière générale, d’indicateurs qualitatifs. Ils auraient été très utiles lors de l’examen de la loi NOTRe !

Notre « mission de contrôle et de suivi », pour reprendre les termes employés dans le rapport d’évaluation du Sénat sur la loi NOTRe, a en effet constaté que « le renforcement de certaines collectivités au détriment d’autres a généré des gagnantes et des perdantes qui ont le sentiment d’être des oubliées de l’État, notamment les petites communes rurales ». Avec la multiplication des métropoles, on risque d’en avoir une cruelle confirmation.

Quand on sait, en outre, comment est fabriqué le PIB, qui laisse délibérément de côté la plupart des activités non marchandes, mais qui intégrera bientôt le trafic de drogue, on a tout lieu de soutenir cette proposition !

La seconde disposition intéressante à mes yeux tendait à ce que ces études d’impact ne soient plus « mitonnées » au sein des services de l’État – juge et partie –, mais confiées à des organismes indépendants et pluralistes comme le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, ou l’INSEE, l’Assemblée nationale et le Sénat ayant toujours la possibilité de désigner des universitaires et des personnes qualifiées selon l’objet des projets de loi.

Dans le prolongement de cette idée, j’ai déposé un amendement visant à prévoir que ces organismes devraient consulter, préalablement au commencement de leurs travaux, les commissions saisies au fond à l’Assemblée nationale et au Sénat des points et des sujets qu’elles souhaitent voir traiter dans l’étude d’impact. Je ne suis pas le seul à avoir constaté que les études d’impact répondent rarement aux interrogations des parlementaires : on y trouve essentiellement ce que l’on ne cherche pas !

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Il ne nous est pas possible, en revanche, de soutenir le second volet des propositions de loi. Si ce volet – la création d’un « Conseil parlementaire d’évaluation des politiques publiques et du bien-être » chargé d’« informer le Parlement sur la politique suivie […] au regard des nouveaux indicateurs de richesse » – fait l’objet d’un texte spécifique, il n’en est pas moins étroitement lié à celui que je viens d’évoquer. Ce conseil se composerait de dix-huit sénateurs et de dix-huit députés, et serait assisté d’un comité scientifique encore plus pléthorique, comptant trente membres.

Très franchement, on ne voit pas bien quel bénéfice pourrait apporter la création de cette nouvelle délégation parlementaire chargée d’évaluer et d’améliorer les indicateurs utilisés au titre des études d’impact, évaluations et améliorations devant elles-mêmes faire l’objet d’une contre-expertise. En bonne logique, nous soutiendrons donc la proposition de renvoi à la commission du rapporteur.

Par contre, comme l’auteur de la proposition de loi organique, si l’on en juge par les amendements qu’il a déposés avec son groupe, nous soutiendrons le rétablissement de l’article 1er, supprimé par la commission – on se demande bien pourquoi ! –, ainsi que le rétablissement du caractère public des organismes indépendants chargés de réaliser l’étude d’impact. Nous ne pensons pas, en effet, qu’être soumis aux contraintes du marché et au bon vouloir de ses clients soit la meilleure garantie d’indépendance…

Nous avons proposé, en outre, que les amendements déposés par le Gouvernement modifiant substantiellement les propositions de loi ou les projets de loi initiaux soient, eux aussi, accompagnés d’une étude d’impact. Notre amendement en ce sens a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, interprété de manière très extensive. À part ça, comme on nous le dit régulièrement, l’urgence est au renforcement des pouvoirs du Parlement ! Peut-être faudrait-il qu’il commence par les renforcer lui-même…

Tel est donc l’esprit dans lequel nous abordons la discussion des deux textes soumis à notre examen, en regrettant que la commission ait cru bon de transformer une proposition de loi simple, claire et utile en un texte trop compliqué pour avoir une chance de survivre à la navette. Mais peut-être était-ce le but ?

Pierre-Yves Collombat

Sénateur du Var
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