Vous avez préféré passer en force, restant sourds aux propositions de vos partenaires et aveugles aux réalités qui s’expriment

Election des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux (deuxième lecture) : explication de vote

Publié le 14 mars 2013 à 07:55 Mise à jour le 8 avril 2015

Nous arrivons donc au terme de nos débats avec le sentiment, malgré l’heure tardive, d’un travail inachevé et même, pour partie, précipité.

Dans la discussion générale, nous parlions déjà d’un rendez-vous manqué. Cependant nous noterons avec satisfaction que nos débats furent à la hauteur des enjeux, tant dans le contenu des diverses propositions portées par toutes les sénatrices et sénateurs qui se sont exprimés, que dans l’écoute dont chacune et chacun d’entre nous a fait preuve.

Il est d’autant plus regrettable que nos débats n’aient pas débouché sur des modifications substantielles de ce texte.

Vous aviez pourtant, monsieur le ministre, une majorité prête à soutenir des propositions que vous auriez pu entendre. Si vous n’aviez pas refusé de bouger sur les articles importants, il eût été possible de parvenir à un accord, nous en sommes encore persuadés.

Malgré des conditions d’examen limitées en termes de temps, voire presque irrespectueuses pour la Haute Assemblée, nous avions dès le début tenu à souligner les nombreux points d’accord sur lesquels nous nous retrouvions, et qui demeurent.

Oui, nous restons favorables au changement de nom des conseillers généraux, à la nécessité de revoir le mode de scrutin et de modifier le périmètre des cantons, compte tenu d’insupportables inégalités, notamment démographiques.

Oui, nous vous soutenons dans votre objectif de favoriser le franchissement d’un pas décisif vers la féminisation de nos assemblées départementales, mais d’autres solutions existaient qui ne nécessitaient pas de recourir à ce scrutin binominal dont on ne tardera pas à découvrir les limites.

Oui, nous vous soutenons quand vous repoussez les dates des futures élections départementales et régionales, ou quand vous élargissez le nombre des communes qui dorénavant éliront leur conseil municipal au scrutin de liste, même si nous regrettons que beaucoup de communes soient encore exclues d’un mode de scrutin pourtant au service du développement de notre démocratie locale et renforçant la parité dans les conseils municipaux.

Certes, les articles 2 et 20, au cœur de ce projet de loi, nous semblaient devoir être fortement revus.

S’agissant de l’article 20 et la désignation des délégués communautaires, il suffisait de faire vôtre le choix majoritaire exprimé par les élus locaux à qui nous avions donné la parole à l’occasion des états généraux organisés par le Sénat, il y a quelques mois.

Aussi notre proposition, loin d’être dogmatique, était raisonnable et respectueuse d’un avis largement partagé par des élus de divers horizons.

Pour ce qui concerne l’article 2, relatif au mode de scrutin pour les élections départementales, il est vrai que le chemin de l’accord était plus difficile. Toutefois, vous auriez dû regarder de plus près notre position de repli, y compris en engageant un dialogue tant en amont de ce projet de loi qu’à l’occasion de l’examen des propositions que nous avons formulées.

La liste départementale, que nous avions proposée, corrigeant, grâce à la proportionnelle, les excès du scrutin majoritaire s’appliquait, rappelons-le ici, sur la base d’un scrutin territorialisé, qui aurait d’ailleurs pu être « binomique ». D’autres de mes collègues ont aussi suggéré de sectoriser les départements pour introduire un scrutin proportionnel au plus près des électeurs, en vue de répondre au besoin de proximité que vous avez tant évoqué.

Chacun le sait – vous-même, monsieur le ministre, tout comme les sénateurs socialistes –, les solutions ne manquaient pas pour trouver une solution qui aurait pu réunir une majorité sénatoriale. Malheureusement, le chemin de la concertation ne fut pas le vôtre. Assuré d’avoir une majorité à l’Assemblée nationale, vous avez fait le choix de passer ici en force, ce que nous regrettons. Eu égard à l’importance numérique et à l’hégémonie du groupe socialiste, vous pouvez rester sourd aux propositions de vos partenaires…

M. Jean-Claude Lenoir. Eh bien !...

M. Christian Favier. … et parfois aussi aveugle aux réalités qui vous entourent et aux opinions qui s’expriment. Nous le regrettons.

Dans ces conditions, vous le comprendrez, nous ne pourrons voter en faveur de ce texte. Pour cette deuxième lecture, il nous a fallu choisir entre un vote « pour » ou un vote « contre ». En effet, notre position d’abstention, synonyme d’ouverture au dialogue, en première lecture, n’est plus de mise en deuxième lecture, dans la mesure où vous n’avez pas saisi la perche que nous vous avons tendue.

C’est pourquoi nous ne pouvons que voter contre ce projet de loi, dans sa rédaction actuelle, tout en déplorant que les dispositions adoptées n’aient pas plutôt trouvé leur place dans un futur projet de loi de décentralisation. Comme certains de nos collègues l’ont souligné, nous aurions ainsi pu mettre en adéquation le nouveau mode de scrutin pour les conseillers départementaux avec les missions de la collectivité territoriale qu’ils seront appelés à gérer. Cela nous aurait sans doute permis de parvenir à des solutions plus satisfaisantes.

Christian Favier

Ancien sénateur du Val de marne - Président du Conseil départemental
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