Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous noterons pour commencer que les auteurs de cette proposition de résolution n’ont pas hésité à reprendre le titre de la loi Defferre de 1982,…
M. Philippe Dallier. Si les gaullistes défendent Defferre ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Christian Favier. … alors qu’ils sont aujourd’hui, on le sait, les successeurs de ceux qui, à l’époque, l’avaient combattue avec beaucoup de véhémence.
M. Bruno Sido. Qui aime bien châtie bien ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Christian Favier. Dans le même esprit, je veux souligner tout le paradoxe de cette proposition de résolution puisqu’elle émane d’un groupe parlementaire qui, durant dix ans, a mis à mal les collectivités territoriales, bafouant en de multiples occasions les principes constitutionnels qu’il semble aujourd’hui vouloir défendre.
En effet, comment oublier que l’UMP, qui prétend maintenant défendre la libre administration des communes, est à l’origine d’un transfert massif de compétences de l’État vers les collectivités sans les compensations financières nécessaires et pérennes, prenant le risque de les étouffer ?
M. Jackie Pierre. Rappelez-vous l’APA !
M. Christian Favier. Vous le savez bien, il y a plusieurs milliards d’euros dus aux départements au titre des allocations de solidarité nationale, l’APA, la PCH, le RSA, qui n’ont jamais été compensés pour les collectivités départementales. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Christian Favier. C’est ainsi que, de votre fait, des départements sont aujourd’hui au bord de la faillite !
M. Bruno Sido. C’est Jospin qui nous avait promis la compensation intégrale !
M. Christian Favier. Comment oublier que la majorité d’hier a supprimé non seulement l’autonomie fiscale et la compétence générale des départements et des régions, mais aussi la taxe professionnelle et instauré le conseiller territorial en lieu et place des conseillers généraux et régionaux ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Comment oublier que la loi de 2010 a contraint les communes au regroupement forcé au sein de nouvelles intercommunalités aux périmètres et aux compétences élargies afin de parvenir, comme le préconisait le comité Balladur, à l’évaporation des communes, pour ne pas dire à leur disparition ?
Comment oublier, enfin, la destruction du tissu local, que les sénateurs de ce groupe ont soutenue, la révision générale des politiques publiques, qui a mis à mal de nombreux services publics locaux (N’importe quoi ! sur les travées de l’UMP.), avec en particulier ces milliers de fermetures de classes et d’écoles, de bureaux de postes et de tribunaux, sans compter de nombreuses gendarmeries ?
Mme Éliane Assassi. Eh oui, vous êtes responsables de tout cela !
M. Christian Favier. Comment justifier un tel décalage entre la prise de position d’aujourd’hui et votre action parlementaire d’hier ?
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Christian Favier. Vous avez fait durant dix ans l’exact contraire de ce que vous prônez aujourd’hui dans cette proposition de résolution.
M. Alain Néri. Absolument !
M. Christian Favier. S’il s’agit d’une petite opération politique, pour tenter sans doute de faire oublier votre action passée et vos réelles convictions, elle ne grandit pas ses auteurs et ne fait que renforcer, il faut bien le dire, la rhétorique de tous ceux qui mettent aujourd’hui en cause l’honnêteté intellectuelle des politiques.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. Christian Favier. S’il s’agit pour vous de l’expression d’un droit d’inventaire – pourquoi pas ? – contestant le bien-fondé de tout ce que vous avez fait, alors nous vous proposons un acte bien plus fort, celui qui consiste à demander avec nous l’abrogation de la loi de décembre 2010.
Mme Éliane Assassi. Très bonne idée !
M. Christian Favier. Car ce principe de la libre administration des collectivités territoriales, nous y sommes, pour notre part, attachés comme à la prunelle de nos yeux. Nous en avons apporté la preuve chaque fois qu’un pouvoir central s’y est attaqué.
Tout notre argumentaire, comme votre réforme de 2010, était fondé sur la défense de la libre administration de nos collectivités, pour leur libre coopération, contre toutes les formes d’intégration autoritaire.
Sur vos travées, lorsque nous défendions pied à pied ces principes, nous étions alors accusés d’archaïsme.
Voilà quelques jours, nous avons refusé le fléchage des conseillers communautaires, qui entérine le fait que les communes, désormais tenues de déléguer leurs compétences, perdront en même temps leur pouvoir de contrôle sur leur mise en œuvre puisque les conseillers communautaires ne représenteront plus les conseils municipaux et n’auront donc plus de compte à leur rendre.
M. Bruno Sido. Pas du tout !
Mme Cécile Cukierman. Bien sûr que si !
M. Christian Favier. Enfin, vous le savez, notre inquiétude reste forte, madame la ministre, devant les textes annoncés pour constituer le futur acte III de la décentralisation.
Passé notre étonnement devant tant de soudaines sollicitudes de la part de nos collègues de l’UMP envers les collectivités territoriales, nos communes en particulier, venant de ceux qui les ont tant combattues, nous aurions pu nous contenter de dénoncer une certaine forme d’hypocrisie de la part des auteurs de cette proposition de résolution et refuser de prendre part au vote d’une telle déclaration d’intention à laquelle nous souscrivons pour l’essentiel, mais qui est à cent lieues des actes de ceux qui la présente.
M. Bruno Sido. Mais non !
M. Christian Favier. Toutefois, finalement persuadés que, d’une certaine façon, ce texte exprime avant tout le mécontentement grandissant devant la situation que les élus locaux subissent, nous avons décidé de le soutenir pour marquer une nouvelle fois notre profond attachement à ces valeurs républicaines.
Nous voulons ainsi permettre au Sénat d’affirmer ces principes, pour qu’il soit entendu à la veille de l’examen des futurs textes en vue de la loi de décentralisation qui, à notre sens, mettent à mal la libre administration, l’autonomie financière et fiscale, la non-tutelle et la libre coopération de toutes les collectivités territoriales.
À ce propos, nous serons particulièrement attentifs à ce que les plans locaux d’urbanisme, par exemple, restent de compétence communale, transférables de façon facultative aux intercommunalités, et ce quel que soit le texte qui y fera référence.
M. Bruno Sido. Je suis d’accord !
M. Christian Favier. Aussi, malgré les lacunes de la proposition de résolution qui nous est présentée, oubliant notamment de mentionner la compensation intégrale, la nécessaire prise en compte de l’évolution des dépenses des compétences transférées et, surtout, l’indispensable maintien de la clause de compétence générale aux départements et aux régions, nous soutiendrons cette proposition de résolution.
Ce vote ne sera pas, chacun l’aura bien compris, un blanc-seing donné à l’UMP pour son action écoulée ni pour ses combats futurs.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes rassurés ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Christian Favier. Sa vision libérale de l’organisation territoriale de notre République la disqualifie à nos yeux.
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela nous flatte !
M. Christian Favier. Par ce vote, nous souhaitons réaffirmer notre engagement aux côtés des élus locaux et de nos concitoyens pour assurer le développement de notre démocratie locale, ancrée dans des communes, des départements et des régions, respectés dans leurs droits et libertés, associant toujours plus les citoyens à leur action au service de tous, pour répondre à leurs besoins et à leurs attentes.
En votant cette proposition de résolution, nous nous engageons donc pour l’avenir. En réaffirmant la nécessité de respecter ces principes, nous nous engageons à agir pour les faire respecter dans les tous les textes de loi qui nous seront soumis, qu’ils concernent l’urbanisme, l’action sociale, le développement économique ou les finances.
Nous verrons bien, alors, qui respecte ses engagements ! Et nous saurons aussi rappeler leur vote à tous ceux qui, aujourd’hui, adopteront ce texte.