Monsieur le Président,
Monsieur le Garde des Sceaux,
Mes chers Collègues,
Je regrette d’emblée l’absence d’une vaste réforme institutionnelle. La précipitation qui marque cette fin de législature, écarte tout débat sur la place du Président de la République dans l’architecture institutionnelle de notre pays.
Pourtant, au travers de la responsabilité ou de l’irresponsabilité du Chef de l’Etat, objet du présent texte, c’est la nature du régime dans lequel nous vivons qui est en cause.
Maintenons-nous la filiation avec l’article de la Constitution de 1791 qui prônait que « la personne du Roi est inviolable et sacrée » ou évolue-t-on vers un président citoyen rompant avec une dérive monarchique de la Vème République ?
Cette évolution serait l’un des éléments d’une démocratisation en profondeur de nos institutions.
Qui, au-delà des promesses électorales, va réellement s’engager pour une VIème République en rupture avec une Vème République qui a décidement fait son temps ?
La présidentialisation du régime a accompagné la bipolarisation, l’appauvrissement démocratique et finalement, la démission du politique face au pouvoir économique.
Cette évolution, renforcée par la soumission du scrutin législatif au scrutin présidentiel par la combinaison du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral, est à l’opposé de l’aspiration croissante du peuple à la transparence, à la participation aux décisions.
La présidentialisation est si forte que le Chef de l’Etat peut se permettre de jeter aux orties les résultats d’un référendum aussi important qu celui du 29 mai 2005.
Que dire, M. le Président, de l’abaissement du rôle du parlement dans le même temps ? Assemblée Nationale et Sénat sont devenus de simples assemblées de validation législative.
Cette présidentialisation appauvrit la démocratie, appauvrit le débat politique, débouchant sur une regrettable « peoplisation » des campagnes électorales.
Cet appauvrissement se fait bien au seul profit des vrais décideurs, les décideurs économiques, grands bénéficiaires de cette perte de contrôle du peuple, de ses représentants, sur les décisions économiques et sociales.
Le texte soumis aujourd’hui à l’adoption du Congrès est bien modeste.
Nous avons dans ce cadre posé la question des pouvoirs du Président. Les parlementaires communistes, leur parti, sont résolument partisans de leur réduction, du rétablissement de la primauté du parlement et d’un Premier Ministre chef de l’exécutif et responsable devant le parlement.
C’est dans cette logique que nous prônons un président responsable, un président citoyen. Il est donc redevable de ses actes devant les tribunaux de droit commun, y compris au cours de son mandat.
La protection, l’irresponsabilité, ne prévalent que pour les actes commis dans le cadre de sa fonction. Nous sommes donc opposé à ce projet de loi qui s’avère limpide : le Chef de l’Etat sera irresponsable ad vitam aeternam des actes commis en qualité de Chef de l’Etat. Pour le reste, il faudra attendre la fin du mandat.
Cette inviolabilité temporaire pour les actes de la vie privée est inacceptable. Même si la prescription est suspendue, que deviendront les preuves ou les témoignages durant les cinq ou dix années de présidence ?
Le seul moyen de soumettre le Président de la République aux tribunaux pour des fautes pénales, civiles ou administratives, sera finalement la procédure de destitution instituée par votre projet de loi.
Cette procédure qui se veut hautement politique évoluera forcément vers un « empêchement » à l’américaine.
Le judiciaire, peut-être le plus sordide, sera source de déstabilisation politique. Un éminent constitutionnaliste, sénateur UMP de surcroît, évoquait même un contrôle de fait des médias, en ces matières !
Contrairement à l’objectif affiché ; politique et judiciaire seront encore plus étroitement liés.
Enfin, ce texte offre une arme, mal définie en l’absence de projet de loi organique, au Sénat qui, en toute circonstance, pourra engager une destitution à l’égard d’un président de gauche. Cette chambre élue indirectement ne devrait pas disposer d’un pouvoir aussi lourd.
La destitution politique sera donc la seule source d’implication judiciaire du Président. C’est encore un élément de personnalisation, de médiatisation, de présidentialisation.
L’Assemblée Nationale avait voté en 2001 la compétence des juridictions de droit commun pour les actes privés. Nous regrettons que ce choix ne soit pas repris.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen votent contre ce texte qui permet au Chef de l’Etat d’échapper à la justice durant son mandat et qui sème la confusion entre responsabilités politiques et judiciaires.
Ce texte tourne le dos aux aspirations populaires de transparence et d’égalité.
Il crée l’illusion d’une justice s’imposant à tous, alors qu’il confirme, qu’il renforce l’irresponsabilité pénale, civile et administrative du Président de la République.