Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’Assemblée nationale, le 3 octobre dernier, nous voici réunis pour examiner deux projets de loi autorisant l’approbation d’avenants à deux accords internationaux.
Ces deux textes - il convient de le souligner - ont été adoptés par les députés dans la plus grande discrétion. En effet, en raison de l’application de la procédure d’examen simplifiée, il n’y a pas eu de débat en séance publique, ce qui est, à mon sens, regrettable.
Tous deux ont pour objectif d’aligner le régime appliqué respectivement aux Tunisiens et aux Algériens sur les conditions plus favorables du régime de droit commun en matière d’entrée et de séjour des étrangers institué par la loi du 11 mai 1998, dite « loi Reseda ».
Nous voterons donc bien évidemment pour ces deux projets de loi, qui concernent des accords de portée inégale, compte tenu notamment de l’ancienneté et du contenu de chacun d’entre eux. Ainsi, devant les particularismes inhérents à l’accord franco-algérien, plus ancien et plus complet que celui de 1988, j’insisterai davantage sur les conditions de circulation, d’emploi et de séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France.
Signé le 11 juillet 2001 par les gouvernements de la France et de l’Algérie, ratifié par le parlement algérien en septembre 2001, il ne manquait plus - pour que ce texte entre en vigueur - que la ratification par le parlement français. Ce sera chose faite dans quelques instants et je ne peux que m’en réjouir, même s’il a fallu attendre longtemps.
En effet, depuis des mois et à plusieurs reprises, j’ai adressé des courriers et des questions écrites - à l’instar de certains de mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen - pour demander l’inscription de ce texte à l’ordre du jour du Parlement, en vue de permettre enfin la régularisation des Algériens, conformément à la loi de 1998.
Il aurait fallu au moins permettre aux préfectures d’anticiper l’entrée en vigueur de cet avenant - conformément d’ailleurs aux instructions données aux préfets le 4 septembre 2001 -, afin que les dispositions plus favorables qu’il contient s’appliquent le plus tôt possible. Comme cela n’a pas été fait, les Algériens se trouvent aujourd’hui être les seuls ressortissants étrangers refoulés aux guichets des préfectures sans même pouvoir déposer leur demande de titre de séjour, sous prétexte qu’ils n’ont pas de visa long séjour.
Une telle discrimination entre étrangers est d’autant plus regrettable qu’elle ne fait que crisper les esprits. Je rappelle que le régime dérogatoire de 1968 appliqué aux Algériens a été prolongé, malgré la suppression de la libre circulation, pour combler le manque cruel de main-d’oeuvre en France pendant les trente glorieuses. Il fallait maintenir alors un courant régulier de travailleurs entre l’Algérie et la France, tout en tenant compte de la qualité de leurs conditions de vie. S’il était à l’époque avantageux par rapport au droit commun, l’entrée en vigueur de la loi Reseda du 11 mai 1998 a rendu le statut des 471 000 Algériens résidant en France pénalisant.
En effet, cette loi - même si les parlementaires communistes considèrent qu’elle ne va pas assez loin - a tout de même créé de nouvelles voies pour l’obtention de titres de séjour portant les mentions « retraité », « vie privée et familiale », « scientifique », auxquelles, jusqu’à présent, les Algériens n’avaient pas droit. Il est donc devenu urgent de mettre un terme à un régime dérogatoire qui maintient depuis trop longtemps des milliers d’hommes et de femmes en situation de précarité, alors qu’ils remplissent les conditions requises par le droit commun. Nous avons toutefois conscience qu’en accédant à certains avantages issus de la loi Reseda, les ressortissants algériens vont en perdre d’autres. Désormais, les travailleurs algériens et leurs conjoints pourront obtenir la carte de séjour « retraité », prévue par la loi de 1998, qui leur était jusque-là refusée. Cette nouvelle disposition leur permettra de rentrer vivre dans leur pays tout en continuant à séjourner en France pour une période d’un an renouvelable.
Le principal obstacle que rencontrent les conjoints de Français pour obtenir un titre de séjour réside dans l’obligation de présenter un visa long séjour. Grâce au présent texte, la présentation d’un visa touristique suffira pour demander un certificat de résidence. Ce dernier ne sera en revanche valable qu’un an alors qu’une carte de dix ans était jusqu’à présent accordée aux conjoints, ce qui constitue en fait une précarisation de leur séjour. Quant aux ascendants d’enfants français, l’accord de 1968 ne permettait pas de leur délivrer un titre de séjour alors qu’ils se trouvaient protégés par ailleurs contre l’expulsion. Avec le nouvel avenant, ils vont enfin avoir droit à une carte « vie privée et familiale » d’un an convertible en une carte valable dix ans.
Les Algériens sans papiers pourront dorénavant demander une carte de séjour d’un an, voire un certificat de résidence de dix ans s’ils peuvent prouver qu’ils résident en France depuis dix ans, au lieu de quinze ans actuellement. Les conditions requises pour le regroupement familial ont été, pour leur part, essentiellement durcies. En effet, alors que les Algériens avaient droit au regroupement familial dès leur arrivée, il leur faudra maintenant attendre un an avant de faire venir leur famille en France. Le regroupement devra se faire, en outre, en une seule fois. Enfin, les allocations familiales ne seront plus prises en considération dans le calcul du revenu du résident. Concernant les étudiants, qui pouvaient travailler à mi-temps sans autorisation administrative particulière, ils devront désormais en faire la demande, ce qui présuppose que l’administration pourra le leur refuser. On le voit, si les Algériens perdent certains avantages, c’est pour l’essentiel parce que les dispositions contenues dans la loi Reseda manquent singulièrement d’ambition - ainsi que nous l’avions dénoncé lors des débats parlementaires de l’époque - et demeurent très en retrait s’agissant d’accorder des droits nouveaux aux étrangers. Je pense, en particulier, au droit de vote des étrangers non communautaires, qui, plus que les grands discours sur l’intégration et la citoyenneté tels que celui qui a été prononcé tout récemment à Troyes par le Président de la République, constituerait, s’il était accordé, une mesure efficace garantissant la reconnaissance effective de la citoyenneté d’une partie de la population, vivant en France depuis longtemps, ainsi que de sa participation à la vie de la cité et de son insertion dans le monde du travail. Force est de constater que les jeunes Français issus de l’immigration vivent très mal de voir leurs parents algériens, tunisiens ou marocains, qui participent depuis des décennies au développement de la France, exclus du système démocratique.
Ce refus de leur accorder le droit de vote n’a puqu’avoir, par ailleurs, des conséquences négatives sur le rapport aux institutions des jeunes générations. C’est pourquoi je regrette que, malgré le soutien affirmé de l’opinion, la question du droit de vote des résidents étrangers - inséparable d’ailleurs de celle de leur éligibilité - ne soit pas abordée au travers des propositions avancées par le Président de la République. Ses propos reflètent toujours la même vision économiste et sécuritaire du migrant. Si la proposition relative à l’autorité indépendante contre les discriminations ne nous pose pas de problème, celle qui concerne le contrat d’intégration, en revanche, nous inquiète davantage. En effet, sous couvert de générosité, on dissimule une réalité bien moins réjouissante. Il ne faudrait pas, par exemple, que les obligations prévues par ce contrat conditionnent la présence sur notre sol de l’étranger. Que signifie, par ailleurs, le fait d’imposer des devoirs aux étrangers quand la question des droits civiques n’est même pas abordée. Les droits des migrants continuent de n’être pensés qu’en termes économiques, uniquement au travers des lois du marché.
Or, on sait que l’Europe est déficitaire sur le plan démographique et qu’elle devra, dans les années à venir, faire appel à de la main-d’oeuvre étrangère. Le risque est alors grand, mes chers collègues, de voir se mettre en place une politique des quotas, que d’aucuns n’hésitent d’ores et déjà pas à évoquer. Une telle vision fait peu de cas du migrant lui-même, aboutit à le considérer comme un simple supplétif économique et conduit, enfin, à « piller » les forces des pays d’émigration tout en restant replié sur soi, sans aucun échange, ni solidarité, ni fraternité.
Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je tenais à formuler sur ces deux accords internationaux, que par ailleurs j’approuve et que le groupe communiste républicain et citoyen votera.