Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes Chers Collègues,
Nous ne dirons jamais assez que nous - les élus communistes, dont la majorité, vous en conviendrez, est élue dans des villes souvent difficiles - ne nions pas la réalité des besoins et des attentes des Français en matière de sécurité.
Nous estimons qu’il revient à l’État et à la société civile de construire des réponses proportionnées et adéquates à cette légitime attente. Et c’est justement au niveau de ces réponses à apporter que nos points de vue divergent le plus. A notre sens, la répression ne réglera pas les problèmes quotidiens des Français qui ont pour nom : chômage, précarité, pouvoir d’achat, retraites, habitat, santé, éducation et j’en passe.
L’adoption de normes juridiques - répressives ici - apparaît alors comme une réponse rapide et immédiate aux aspirations des Français. Mais sur le long terme ? Croyez-vous un seul instant que c’est en stigmatisant - sans aucun traitement social de fond - les populations les plus fragilisées ou en marge de la norme sociale : jeunes, SDF, étrangers, prostituées, squatters, gens du voyage, que vous ferez baisser l’insécurité ?
Plus que la délinquance, c’est la « déviance » qui est sanctionnée dans votre texte qui ne vise pas seulement des faits mais des comportements. Déclarer la guerre à la délinquance c’est bien, ça peut, éventuellement, rassurer les Français mais uniquement sur le très court terme. En revanche, donner de l’espoir aux jeunes, un emploi aux chômeurs, un habitat décent aux sans logis, c’est plus long mais c’est plus efficace.
Etait-il sincèrement utile de rajouter dans notre code pénal - qu’on peut difficilement taxer de laxiste - de nouvelles incriminations alors même qu’il contient 12000 infractions qui répondent déjà à l’objectif que vous recherchez ? Appliquons déjà les textes existants, donnons à la justice les moyens de remplir convenablement ses missions avant d’engager de telles réformes.
Pendant les débats parlementaires, nous avons été nombreux à dénoncer le carcatère liberticide de votre texte. Depuis le 15 novembre dernier, c’est la Commission nationale des droits de l’homme - qui s’est autosaisie du texte - qui abonde dans ce sens. Il ressort ainsi de l’avis de la CNDH que votre projet de loi est un texte dangereux pour les libertés publiques, porteur d’un ordre moral dirigé contre une partie de la population au mépris de certains principes de droit. Ce n’est pas moi qui le dis, M. le Ministre, c’est la CNDH, que vous hésiterez sans doute à qualifier de « droits de l’hommiste » compte tenu de la présence en son sein de plusieurs personnalités proches de la droite.
Le système policier et répressif que vous souhaitez mettre en place est confirmé par le budget de l’État prévu pour 2003 principalement axé sur le sécuritaire. Priorité absolue est, en effet, donnée aux fonctions régaliennes de l’État : les crédits de la Justice augmentent de 7,4%, la Défense de 6,1% et l’Intérieur de 5,1%. Dans le même temps, vous laissez de côté les budgets nécessaires au soutien de l’activité économique, du social, de l’éducatif, de la prévention, En résumé, il y aura moins d’adultes dans les écoles, plus de policiers pour arrêter les jeunes et plus de surveillants dans les prisons qui ont de l’avenir avec votre texte.
A la recherche, au développement, à la culture, à la redistribution, vous opposez l’ordre, la surveillance, la suspiscion et la punition. Quel est l’avenir d’une société qui ne propose que des réponses pénales à des problémes de société ?
Pour toutes ces raisons, les sénateurs communistes voteront résolument contre votre projet de loi.