Report des élections sénatoriales, municipales et cantonales

Publié le 11 octobre 2005 à 00:00 Mise à jour le 8 avril 2015

Les projets de loi dont nous allons discuter pourraient apparaître de pure forme. Leur seul objectif serait de régler un problème conjoncturel. Je tiens à dire en préalable qu’il n’est pas anodin de toucher à l’ordonnancement électoral, alors que la crise des institutions est aussi profonde dans notre pays et que nos concitoyens sont très méfiants. On les comprend !

Après des décennies de désillusions et de souffrance sociale, il serait inadmissible de laisser planer le moindre doute sur d’éventuelles manœuvres d’un monde politique en difficulté qui tenterait à tout prix de s’auto-protéger.

Nous savons tous ici que la méfiance est justifiée après tant de découpages électoraux de convenance ou plus grave d’une imbrication trop visible entre pouvoir judiciaire et pouvoir politique. Le sondage publié hier matin est terrible : 78% de nos compatriotes estiment que les élus ignorent leurs problèmes. 85% pensent qu’ils se préoccupent surtout de leur commune. Ceux qui font fi du suffrage universel et pratiquent la méthode COUE à l’envie, devraient y réfléchir !

Notre système institutionnel est en crise. Il doit être transformé en profondeur de notre système institutionnel. Croyez vous que seuls les spécialistes ont remarqué que 91% des parlementaires avaient approuvé en congrès un traité constitutionnel rejeté par 55% de la population ?

Alors aujourd’hui il nous est proposé de différer des scrutins initialement prévues dans leur ensemble en 2007.L es choses doit être claires : au-delà des arguments purement technique comme les difficultés à organiser le recueil des signatures pour la présentation des candidats à l’élection présidentielle , ou le chevauchement de contrôle du financement de différentes campagnes électorales, l’argument politique majeur est celui de l’inévitable confusion entre les différentes consultations.
Or, cette confusion tient essentiellement à la logique présidentialiste.

Lors de l’instauration du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral subordonnant le scrutin législatif au scrutin présidentiel nous avions dénoncé une volonté de bipolariser la vie politique entre deux partis dominants et d’accentuer une présidentialisation du régime de la 5ème République .

Si le résultat du 21 avril 2002 a contré l’ampleur de la crise de notre système politique, les réformes de 2000-2001 sont un plein succès pour leurs partisans : tout tourne autour de l’élection présidentielle et déjà depuis de long mois les instituts de sondage font leur choux gras des grands affrontements annoncés occultant, bien entendu les débats de fond sur les choix politiques. Le calendrier initial en rajoutait en subodorant toutes les élections à la présidentielle !

Comment accepter que se déroulent quasiment en même temps les élections municipales, cantonales, présidentielle et législative.
La démocratie locale est un atout pour notre pays. Il est indéniable que la confiance entre le peuple et les élus locaux je pense tout particulièrement aux élus communaux demeurent .Le sentiment d’une certaine proximité ,la sensation de pouvoir mieux peser sur les décisions à l’échelon local fait la force du scrutin municipal.
Nous avons eu l’occasion de dénoncer à de nombreuses reprises les menaces qui pèsent sur cette spécificité de notre pays, la démocratie communale.
Grouper les élections municipales et cantonales avec les scrutins présidentiels et législatifs risquerait fort de briser l’un des derniers liens entre le peuple et l’idée même de représentation. Ce serait un comble.

Aussi, dès septembre dernier le PCF s’est prononcé en faveur du report des élections locales prévues en mars 2007 à mars 2008. Nous maintenons cette approbation. Nous avons noté la proposition tendant à limiter le report à septembre 2007. Mais si l’intérêt de celle résidait dans la faible prolongation des mandats concernés il faut admettre que cette période ne permettait le bon déroulement des campagnes électorales, avec à la clef un risque d’abstention significatif.
La question du report des élections sénatoriales a suscité beaucoup de remous au sein de la majorité sénatoriale. De tout évidence ils ne sont pas encore totalement apaisés.

De nombreux élus locaux, membres de l’UMP ou de l’UDF, redoutent d’être sanctionnés pour avoir soutenu sans sourciller la politique de régression sociale, de casse des services publics et de désertification industrielle et rurale menée durant ces dernières années par M. RAFFARIN puis par M. de VILLEPIN .Ces défaites annoncées préfigurent un affaiblissement de la majorité sénatoriale.
Comme cette dernière n’est décidément pas prête à accepter la moindre alternance au Sénat, elle a longuement bataillé contre l’évidence démocratique pour tenter de maintenir le renouvellement sénatorial en septembre 2007 en suggérant et en approuvant le report des élections municipales et cantonales en mars 2008.
Il a fallu attendre les observations délivrées par le Conseil Constitutionnel le 7 juillet dernier pour qu’enfin les rebelles de la majorité sénatoriale rentrent dans les rangs. La sobriété du rapport présenté par M. HYEST sur ce point montre que les plaies sont encore vives. Le conseil constitutionnel a simplement souligné que le report des élections locales posait la question du maintien des sénatoriales à la date prévue.

Croyez-nous, pour ce qui nous concerne, nous ne pouvons nous empêcher de penser que vous êtes devant vos responsabilités, vous qui avez voulu la présidentialisation de la vie politique.
Alors nous ne voterons pas les amendements déposés par la majorité de la commission qui tendent à rallonger d’un an le mandat sénatorial, de 2010 à 2011 et de 2013 à 2014 pour éviter selon les auteurs de se retrouver dans la situation d’élections sénatoriales précédent de quelques mois des élections municipales et cantonales. Il serait, me semble-t-il très inopportun que les sénateurs votent eux mêmes leur propre prolongation de mandat.

Nous nous abstiendrons donc sur le report des sénatoriales.
Il existait une solution pour se soustraire à toutes ces difficultés : l’instauration d’un renouvellement unique.
Seule ce que M. Jacques LARCHE appelait en 2003 encore « la vocation traditionnelle de chambre stable et modératrice du bicamérisme français » justifiait un renouvellement sénatorial par moitié.
Le suffrage universel doit être respecté et non pas tempéré !
Instaurons le renouvellement unique et la règle à calcul ne sera plus nécessaire pour mettre en place chaque renouvellement sénatorial.

Plus généralement, nous regrettons qu’une nouvelle occasion de réformer le Sénat, de le démocratiser soit manquée.
Il serait urgent Monsieur le Président, M. le Ministre qu’un grand débat démocratique s’engage sur les institutions, sur la République. L’expérience du référendum a démontré que notre peuple dispose d’une grande intelligence pour analyser une situation historique donnée et pour trancher. Comment ne pas discerner la tentation de dessaisir une nouvelle fois le peuple de l’élaboration d’un texte fondateur en conférant demain, le pouvoir constituant à un seul homme, le Président de la République.

Ne réitérons pas l’erreur des rédacteurs du projet de Constitution européenne : le peuple doit être co-élaborateurs des textes fondateurs qui engagent son avenir.
Le sondage que j’évoquais souligne que 76% des citoyennes et citoyens souhaitent qu’il y ait davantage de grands débats politiques.

Une nouvelle Constitution est nécessaire à notre pays. Une aspiration démocratique et sociale monte et chaque jour chaque semaine montre le décalage souvent terrible entre représentants et représentés. Le « je ne comprends pas » lâché par le Président de la République durant son débat avec les jeunes lors de la campagne référendaire, résonne encore à nos oreilles comme un terrible aveu.
Sur le plan strictement institutionnel cette nouvelle Constitution, cette VIème République devra se fonder sur une exemplarité démocratique. Le pouvoir personnel du Président aura vécu et des assemblées démocratiquement élues à la proportionnelle seront le lieu d’élaboration de la politique de la Nation à commencer par la politique budgétaire.

L’intervention citoyenne sera constitutionnalisée. Le peuple sera à l’initiative et contrôlera en permanence. Les élections ne seront plus le seul moment d’expression populaire. Cette nouvelle démocratie sera participative horizontalement et verticalement.
L’Assemblée Nationale retrouvera sa prééminence dans les institutions qui n’aurait jamais du lui échapper. Elle aura le dernier mot sur l’ensemble des projets de loi, y compris constitutionnels.

Nous proposons que le Sénat devienne l’interface entre l’intervention citoyenne et l’activité parlementaire en conservant son rôle de représentation des collectivités locales.
En tout état de cause nous estimons nécessaire de rompre avec la tradition conservatrice d’une chambre haute éternellement à droite et modératrice des élans du suffrage universel direct.
En tout état de cause, dès aujourd’hui, quelques mesures, importantes, mais adoptables dans l’immédiat, permettraient de donner un coup de jeune au Sénat.

Nous proposerons par amendement de restaurer l’élection proportionnelle dans les départements comprenant trois sénateurs. C’est la droite qui dès son retour au pouvoir a remis en cause cet acquis démocratique. C’est la proportionnelle et elle seule qui permet de casser cette notabilisation du mandat sénatorial mortifère pour la démocratie.
C’est la proportionnelle qui permet d’imposer la parité malgré les vieilles résistances qui perdurent dans une certaine classe politique en contournant un souhait populaire qui tend à plus de femmes et plus de jeunes. C’est bien entendu la proportionnelle qui garantit la représentation des diverses sensibilités politiques.

C’est enfin la proportionnelle qui favorise le rajeunissement en politique.
Nous proposerons à nouveau un élargissement significatif du collège électoral ainsi qu’un rééquilibrage entre zones urbaines et zones rurales. Je vous rappelle que le groupe de travail sénatorial présidé par M. HOEFFEL avait préconisé en 2002 une telle modification. La majorité sénatoriale en a fait fi, pour préserver son confort et permettre les élections confortables de celles ou ceux dont la politique est rejetée par les Français.

Enfin outre le renouvellement unique nous proposerons l’alignement de l’âge d’éligibilité des sénatrices et sénateurs sur celui en vigueur pour accéder à la députation ou à la présidence de la République.
La question du report de trois scrutins est importante mais conjoncturelle. Le manque de volonté pour faire prendre un virage démocratique au Sénat.

Nous nous confortons, je dois le dire, dans notre abstention sur ce projet actuel.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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