Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Mes cher(e)s collègues,
Le dépôt de cette motion référendaire par l’opposition sénatoriale n’est pas un acte de procédure, encore moins une manœuvre dilatoire pour refuser un débat que nous appelons de nos vœux. Débat que le gouvernement a refusé à l’Assemblée nationale et que la majorité sénatoriale limite singulièrement, en proposant le vote conforme, ce qui interdit l’adoption de tout amendement, alors que beaucoup s’interroge sur l’intelligibilité et même la qualité rédactionnelle de ce texte.
Le dépôt de cette motion référendaire s’inscrit dans une logique politique claire : si le gouvernement, l’UMP et ses majorités pléthoriques refusent le débat, il faut le placer entre les mains des habitants de notre pays, du peuple français. La motion référendaire prévoit, en effet, la mise en œuvre par le Parlement, à son initiative, de l’article 11 de la Constitution qui organise le référendum.
Cet article prévoit en effet que le recours au référendum est décidé par le Chef de l’Etat « sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal Officiel ». La motion, si le Sénat l’adoptait, devrait être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. La motion référendaire est un acte solennel. Cette procédure a été mise en œuvre à trois reprises par la majorité sénatoriale.
Le 5 juillet 1984, sur la loi dite « Savary » relative à l’enseignement privé, le 19 juin 1985 sur la loi qui instaurait la proportionnelle sur les législatives et le 17 décembre 1997, sur le projet de loi relatif au code de la nationalité. Vous le constaterez, la proportionnelle mode de scrutin par essence pluraliste et démocratique, suscitait déjà l’ire de la droite parlementaire.
L’article 11, je vous le rappelle est ainsi rédigé : le Président de la République, sur proposition du gouvernement - pendant la durée des sessions ou sur propositions conjointes des deux assemblées, publiées au Journal Officiel - peut soumettre au référendum tout projet de loi portant (j’insiste sur ces éléments de l’article 11) sur l’organisation des pouvoirs publics sur les réformes relatives à la politiques économique ou sociale de la Nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Lorsque le référendum est organisé sur proposition du gouvernement, celui-ci fait, devant chaque assemblée, une déclaration qui est suivie d’un débat. Cette rédaction de l’article 11 remonte à 1995, date où le Président de la République, Jacques Chirac, avait souhaité élargir le champ référendaire. Je note au passage que le même Président et ses partisans, ont oublié, quelques années après leur velléité d’usage de la démocratie directe, car un texte essentiel comme celui relatif à la décentralisation qui touche à l’architecture des institutions, n’est pas soumis au référendum. Son adoption reste, en effet, confiné au Parlement où règne l’UMP toute puissante et monolithique.
Le texte de 1995 laisse place à l’interprétation. Mais une chose est certaine, il autorise par la référence à l’organisation des pouvoirs publics, l’organisation d’un référendum sur tel ou tel mode de scrutin. Autant la démarche de la majorité sénatoriale de soumettre au référendum le projet de loi relatif au code de la nationalité en 1997 prêtait à débat, autant notre demande d’aujourd’hui est exempte de tout doute. Pourtant, c’est M. Patrick Gélard qui, en 1997, est monté à cette tribune pour tenter de nous convaincre du bien fondé de la démarche de la majorité, démarche quelque peu poussive. En effet, à l’époque, Jacques Larché, alors Président de la commission des lois et vous-même avez tenté de comprendre dans la référence aux problèmes sociaux, la question de la nationalité. Vous n’avez pas été suivis à l’époque par l’Assemblée Nationale.
Je cite Monsieur Gélard qui, après avoir affirmé « qu’il n’y à pas de démocratie sans respect des règles de procédures », indiquait : « Notre extrême timidité à l’égard du référendum législatif, contrairement à certains de vos voisins, comme l’Italie et la Suisse, semble démontrer une méfiance à l’égard de la capacité à légiférer du peuple français ». Mesdames, Messieurs les sénateurs, cette question de pluralisme que met en cause la présente réforme, est centrale pour le fonctionnement démocratique de nos institutions. Seule l’UMP, majoritaire au Parlement, mais qui, rappelons le, dépassait de peu les 35% des exprimés et le quart des inscrits aux dernières législatives, affiche son soutien à ce texte.
L’ensemble des autres partis et formations politiques le dénoncent. Ne croyez-vous pas que ce simple fait nécessite de recourir à la décision populaire ? Ce sentiment est d’autant plus fort que nous assistons à un véritable coup de force législatif qui ravale le Parlement à une simple chambre d’enregistrement, rappelant les tristes heures du parti « godillot ».
Pour conclure sur le bien fondé de notre démarche, je citerai Charles PASQUA, alors président du groupe RPR, qui déclarait le 19 juin 1985, au sujet de la motion référendaire, présentée par la majorité sénatoriale sur la réforme du mode de scrutin législatif, je le cite : « Aucun obstacle juridique ne s’y oppose : le projet que nous présente le gouvernement correspond parfaitement à l’un des cas de référendum prévu par l’article 11 de la Constitution. Comme l’a démontré le Président de la Commission des Lois, M. Jacques LARCHE, et comme je vais m’efforcer de le démontrer à mon tour, il s’agit d’un projet de loi relatif à l’organisation des pouvoirs publics. »
Par ailleurs, la motion référendaire déposée par les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen se justifie pour des raisons de forme et des raisons de fond. La raison de forme concerne, je l’ai déjà indiqué, le mépris du débat parlementaire affiché à l’occasion de ce débat. Ce mépris est perceptible depuis le mois de juillet dernier. Le gouvernement, s’appuyant sur les deux majorités de l’Assemblée Nationale et du Sénat et la domination de la droite au sein du Conseil Constitutionnel déroule le calendrier parlementaire à marche forcée.
Combinant l’urgence sur de nombreux textes, puis le vote conforme, les textes sont adoptés au plus vite sans confrontation réelle des idées et mûrissement de la réflexion.
Si le vote conforme n’est pas demandé, l’accord entre l’Assemblée Nationale et le Sénat est trouvé en CMP, il ne reste plus qu’aux commissaires de droite d’approuver ! Et, comme les textes élaborés en CMP ne sont pas soumis au débat par la suite, les conclusions de la commission mixte paritaire sont simplement soumises à l’approbation. Seul le gouvernement disposant du droit d’amendement. Cela aboutit à des situations démocratiquement inacceptables, comme sur le texte relatif à la sécurité intérieure où plus de 60 articles ou dispositions nouvelles adoptées par l’Assemblée nationale n’ont pas été soumises à la discussion au Sénat.
Reconnaissez avec nous, chers collègues de la majorité sénatoriale que le rythme adopté en Conseil des Ministres - dépôt au Parlement - examen en commission - examen en séance publique, ne permet pas dans la plupart des cas un examen sérieux des projets de lois. La médiocrité de la rédaction de la révision constitutionnelle relative à la décentralisation est le triste résultat de cette parodie de démocratie parlementaire.
Cette mise en cause de la démocratie parlementaire a atteint son paroxysme à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale du texte qui est soumis aujourd’hui au débat sénatorial. Avant même de parvenir sur le bureau de l’Assemblée nationale, la réforme des modes de scrutins régionaux et européen que vous proposez est entachée de ce que j’appellerai des anomalies, voire des irrégularités démocratiques.
Une consultation qui s’est avérée une parodie de consultation a été organisée par vos soins, Monsieur le Ministre de l’Intérieur. Parodie, car les soucis exprimés par l’ensemble des partis et formations politiques reçues : de respect du pluralisme et de rejet de la bipolarisation, ont été écartés d’un revers de main par le gouvernement. Ce mépris de la préparation démocratique du projet de loi concernant le domaine toujours très sensible des questions électorales, s’est encore manifesté avec le refus de soumettre au Conseil d’Etat l’ultime modification qui mit le feu aux poudres en faisant basculer l’UDF dans l’opposition au texte. Cette ultime modification concernait le seuil de participation au second tour qui, déjà fixé à 10% es exprimés, constituait un recul par rapport à la loi de 1999.
Nous savons tous que c’est Monsieur Juppé qui obtint que ce seuil, cette barre, soit fixée à 10% des inscrits, c’est-à-dire, compte tenu de la participation traditionnelle aux scrutins régionaux, 23% des exprimés. Le tollé fut immense et, je le répète, l’ensemble des partis et formations politiques, à l’exception de la seule UMP, demandèrent dès lors le retrait pur et simple de ce projet de loi. Au sein même de l’UMP des voix discordantes se sont exprimées et continuent de s’exprimer. Comment ne pas rappeler, Monsieur Gélard, la démarche de votre collègue, Monsieur Masson, qui dépose dans un premier temps l’exception d’irrecevabilité contre ce texte, qu’il juge dangereux pour la démocratie. C’est sous la pression que Monsieur Masson a dû retirer sa motion d’irrecevabilité. Cette démarche, qui faisait quelque peu désordre, met en évidence les caractéristiques qui confinent à la raison d’Etat-UMP, plutôt que de l’élaboration démocratique et contradictoire d’un texte de loi.
On est bien loin de l’attitude de la majorité sénatoriale qui, dans un rapport intéressant conditionnait la modification d’une réforme de mode de scrutin régional à la recherche du consensus et écartait le fondement d’une telle réforme sur des soucis politiciens. Mon amie Nicole Borvo reviendra sur ce rapport de la majorité sénatoriale, à l’occasion de la présentation de la question préalable.
Ces motivations politiciennes que la majorité sénatoriale repoussait dans ce travail, votées alors à l’unanimité, elles sont pourtant bien présentes dans le corps du projet de loi que vous nous soumettez. Qui n’a pas compris aujourd’hui que le mode de scrutin régional qui nous est proposé - outre évidemment la volonté de bipolariser ce qui est l’objectif politicien premier - vise à permettre une bonne gestion pour le conglomérat UMP de ces élections.
Les atermoiements autour des sections départementales, qui sont émis au sein des circonscriptions régionales, relèvent de la cuisine électorale pour gérer l’accès ou non des personnalités de l’UMP, aux sièges à répartir. Sincèrement, je n’ai aucun conseil à donner aux minoritaires de l’UMP, car il y a des minoritaires à l’UMP, mais je leur conseillerai tout de même de se méfier.
Pour ce qui concerne la modification du mode de scrutin européen, comment éluder le souci politicien de la direction de l’UMP, pour éviter de déclencher la guerre des chefs pour la prochaine élection présidentielle, en mettant sur les rails un candidat, en lui confiant la tête de liste dans le cadre d’une circonscription nationale. De même, le retrait des sections régionales dans le cadre des 8 super régions décidé par le gouvernement, constitue de toute évidence, au-delà d’une réponse positive à l’UDF, une tentative de clarifier la répartition des sièges au sein de l’UMP.
Je le disais donc plus haut dans mon intervention, l’atteinte à la démocratie parlementaire a atteint son paroxysme à l’Assemblée nationale avec la mise en œuvre par le gouvernement de l’article 49.3 de la Constitution, avant même la présentation des motions de procédure et avant même le début de la discussion générale. Comme l’indique Monsieur Gélard page 12 de son rapport écrit « le rejet de motion de censure (suite logique de l’utilisation du 49.3 par Monsieur Raffarin) a entravé l’adoption du projet de loi, sans véritable débat, le 15 février dernier ».
En effet, c’est moins de 24 heures après le début des discussions que la procédure ultime a été engagée. Cette attitude du pourvoir exécutif est d’autant plus scandaleuse - du point de vue des principes démocratiques que, selon la presse de ces derniers jours, la décision d’engager la responsabilité du gouvernement aurait été prise avant même le début de la discussion, le mardi 11 février. Il me sera rétorqué que le dépôt de 12 000 amendements ne pouvait que justifier l’emploi de l’article 49.3. Je ferai remarquer, sur ce point, que le droit d’amendement constitue un élément fondamental de l’organisation démocratique des institutions.
Ensuite, je soulignerai que des précédents existent. Qui ne se rappelle pas l’attitude de l’opposition à l’époque, à l’égard du projet de loi relatif aux nationalisations où, Monsieur Jacques Toubon multiplia les amendements dits par la suite « cocotiers ». Des milliers d’amendements furent déposés à l’époque et, le gouvernement accepta le débat. Ici même, dois-je rappeler le débat sur la loi SRU, présenté par Jean-Claude Gayssot, sur lequel furent déposés plus de mille amendements et dura plus d’un mois.
Comment ne pas rappeler la discussion générale marathonienne sur l’inversion du calendrier électoral que nous n’approuvions pas d’ailleurs et, nous avions raison semble-t-il car, si ma mémoire est bonne, plus de 60 orateurs de l’opposition se sont exprimés. Mais surtout, il faut resituer la présentation de ces amendements dans le contexte tout particulier que j’évoquais, celui d’une véritable « oukase » du gouvernement et de son parti unique, rejetant les remarques de l’ensemble des autres partis politiques. Ce côté « c’est à prendre ou à laisser » ne pouvait que justifier le dépôt massif d’amendements. La mise en cause de la démocratie parlementaire s’est poursuivie dans la foulée avec l’adoption en accompagnement du 49.3, de 38 amendements qui n’ont même pas été débattus par l’Assemblée nationale.
Cet aspect, qui peut apparaître mineur, m’apparaît sur le plan démocratique particulièrement grave. Le gouvernement, qui a refusé la parole au moindre orateur devant l’Assemblée nationale, s’est permis de faire valider 38 modifications, en dehors de tout contrôle démocratique. A quoi sert le Parlement dans ces conditions ? La présentation au débat de votre projet de loi, Monsieur le Ministre, confine à la simple formalité. Cela n’est pas acceptable, cela est contraire aux valeurs républicaines. L’UMP et ses relais gouvernementaux et parlementaires, non content d’avoir violé le droit d’amendement et, réprimé toute velléité d’opposition a obtenu du Sénat et de la majorité de la commission des lois, la proposition d’un vote conforme.
Ou est donc passé le Sénat qui se prévalait de sa qualité de son analyse juridique et du sérieux de ses échanges et propositions ? Combien de temps les parlementaires qui composent l’UMP (bon gré mal gré), supporteront-ils d’être mis au pas, « d’être empêchés », dès que la portée du débat en cause s’avère quelque peu importante ? Je fais un appel à votre lucidité mes chers collègues, à votre sens, au-delà de nos divergences, du débat démocratique.
Le Parlement, le Sénat, tout particulièrement, conservent-ils une légitimité dans la configuration politique mise en place par l’UMP. Ouvrons les yeux, les Françaises et les Français trouveront-ils longtemps une justification à une assemblée qui se contente de voter conformes les textes qu’on lui soumet ?
La justification du bicamérisme c’est l’approfondissement de la réflexion. Sinon, si cet aspect disparaît (dès que la majorité de l’Assemblée nationale est conservatrice), cela ne peut que conforter les thèses selon lesquelles l’existence d’une seconde chambre se fonde essentiellement sur la nécessité d’une médiation, face à une Assemblée nationale dominée par les forces de progrès. Le Sénat, s’il veut conserver sa légitimité, doit retrouver ce qui a fait sa force durant les premières années de la Vème République, une certaine indépendance. Sinon il disparaîtra. En effet, le pendant d’un parti unique sera forcément une Assemblée unique. Face à ce blocage de l’institution parlementaire par le pouvoir actuel, quelle autre possibilité que la consultation du peuple ?
Si le représentant est écarté du processus démocratique, c’est au représenté de s’exprimer. Si cela n’est pas le cas, nous ne pourrons qu’assister à une dérive arbitraire du pouvoir exécutif. Certains commentateurs et surtout des membres du gouvernement et de l’opposition parlementaire prêtaient à l’opposition à ce texte l’intention de baisser pavillon. Pour ce qui est des partis de gauche, nous ne baissons pas pavillon.
Face à la volonté du gouvernement, de sa majorité, d’aller au plus vite, nous avons décidé d’agir pour alerter l’opinion publique, en appelant à sa consultation, d’agir pour un débat sérieux et approfondi avec l’examen de près de 360 amendements et enfin, nous saisirons le Conseil constitutionnel car les motifs d’inconstitutionnalité foisonnent, sur la forme du débat parlementaire bien sûr mais aussi, sur le fond avec pour commencer, la mise en cause de l’article 4 de la Constitution, qui indique notamment : « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement ».
Nous estimons que ce texte est porteur de lourds dangers pour la démocratie. Je l’ai déjà indiqué, nous le rappellerons tout au long de ce débat, il s’inscrit dans une logique d’adaptation, dans le prolongement des lois de décentralisation, aux objectifs ultralibéraux du gouvernement. Sur le plan de la régionalisation, la volonté manifeste est d’y assumer un exécutif permettant la mise en œuvre des transferts de compétences massifs annoncés vendredi dernier par le Premier Ministre, symptôme du démenbrement annoncé de l’Etat républicain. Nul ne s’en cache dans les rangs gouvernementaux et majoritaires mais cela est réellement caché aux habitants de notre pays.
La région, voire demain, des super régions qui pourront se constituer en collectivités territoriales nouvelles (comme la révision constitutionnelle qui doit être définitivement adoptée à Versailles le 17 mars prochain, le permettra), seront amenés dans le cadre de l’Europe fédérale qui s’annonce, à se substituer à l’Etat républicain, vecteur de service public, d’égalité des chances et d’unité du territoire.
La mise à mort du pluralisme à l’échelon régional poursuit cet objectif de rationalisation de l’outil régional, comme institution gestionnaire à l’abri de toute poussée de fièvre démocratique. Bien entendu, les mesures concernant le mode de scrutin régional rejoignent ce schéma. La suppression de la circonscription nationale, au profit de circonscription aux contours décidés arbitrairement, répond à cet objectif de mise en cause de l’Etat nation en tant que tel. Cela répond de toute évidence aux désirs des cercles influents au sein du comité des régions, instances créées par le traité de Maastricht. Ce que nous avions refusé de la par de Michel Barnier et malheureusement, de la part de Lionel Jospin en 1998, nous ne l’acceptons pas aujourd’hui.
Nous l’acceptons d’autant moins que les objectifs ultralibéraux, la casse des services publics, je pense à Air France, à EDF-GDF, la multiplication des plans sociaux s’abattent à l’initiative du gouvernement sur notre pays. J’insiste sur ce point, notre combat aujourd’hui ne constitue pas une polémique politicienne, une de plus. Il ne s’agit pas d’un marchandage entre formations politiques. Il s’agit, bien au contraire, d’une question politique essentielle. Notre peuple se dotera-t-il d’institutions lui permettant de s’exprimer, d’agir et de décider librement. Ou bien, et c’est ce qui se dessine, subira-t-il toujours et encore des institutions qui l’écarte des décisions, lui retirent tout moyen de peser sur son avenir, sur son destin.
La crise du politique, la méfiance à l’égard des partis provient de là. Trop d’illusions, de promesses non tenues, de faux débats ont coupé en grande partie les liens entre le peuple et ses représentants. Le contrat moral, si cher à Jean-Jacques Rousseau, est en passe d’être rompu. La réaction sera vive. Elle le sera d’autant plus que le gouvernement et Monsieur Raffarin tout particulièrement, ont feint l’accuser réception du message, du lourd message, du printemps dernier. « La France d’en haut et la France d’en bas ».
La réalité est maintenant là. L’esprit de février, succède à l’esprit de mai. Le gouvernement et l’UMP travaillent pour la France d’en haut. Ils proposent et votent la réduction de l’ISF. Ils proposent et votent l’allègement des modalités de licenciement, l’allègement des charges des entreprises. Ils proposent et votent la mise en cause des 35 heures. Ils proposent et votent la fin des emplois jeunes.
Comment ne pas percevoir la profonde logique, quand ils proposent et votent un texte qui écartera la majorité des électeurs de toute représentation à l’échelle régionale. Le libéralisme c’est cela. Pour imposer des choix économiques, aux conséquences sociales, dévastatrices, il faut brider l’expression démocratique.
Pour pouvoir s’opposer à cette offensive libérale, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent, bien au contraire, de démocratiser à tous les niveaux de la représentation populaire. Cette démocratisation passe par la plénitude d’exercice de leur pouvoir par les assemblées représentatives et, bien sûr, cela dépend de l’efficacité du contrôle qu’elles exercent sur l’exécutif. Cela passe par un système de représentation fidèle du corps électoral.
Le mode de scrutin doit être pour cela équitable. Seule, la proportionnelle intégrale, en une seule circonscription ou, au niveau régional, ou départemental, au plus fort, permet d’assumer une exacte représentation du corps électoral. Les arguments favorables, au nom de la gouvernabilité, s’avèrent au vu de l’expérience, irrecevables. Ils font perdurer l’idée incompatible avec toute conception respectueuse de la souveraineté populaire que le peuple serait incapable de faire des choix électoraux conforme à ses intérêts.
En cet instant de mon intervention, je souhaite m’élever avec indignation contre les propos tenus sur les opposants à ce texte avec une prétendue alliance avec le FN. Ces propos sont d’autant plus scandaleux qu’ils proviennent des rangs de partis politiques qui, de la Picardie à la Bourgogne, en passant par le Languedoc-Roussilon, ont concrètement et formellement pactisé avec l’extrême droite. Il faut cesser cette polémique indigne.
C’est bien le gouvernement qui par sa politique, (fait de l’étranger l’ennemi social, qui sème la désespérance pour les plus soucieux et enfin, qui caricature les institutions de la République par des dispositions semblables à celles dont nous discutons aujourd’hui), élargit les marges de manœuvre du front national. Comme l’a dit un ancien Ministre de l’Intérieur, Monsieur Chevènement : « le front national ne se combat pas par un mode de scrutin, mais par une politique ». Le parti communiste, nos élus l’ont également toujours pensé et le pensent encore.
Selon nous, il ne peut y avoir d’alternative démocratique que par une juste représentation du peuple, tel qu’il est. Le respect de la souveraineté doit conduire à lui remettre, (à lui et à lui seul), la responsabilité et la possibilité institutionnelle de dénoncer par ses votes d’éventuelles crises politiques. Oui, je l’affirme, la déformation systématique de la représentation populaire est l’un des problèmes majeur de notre démocratie.
Cette déformation vise à maintenir le contrôle des choix par les couches dirigeantes au service de la « pensée unique libérale ». Cette déformation brouille irrévocablement le sens de l’acte électoral en rompant le lien démocratique contre le vote et la représentation, puisque 20% à peine des électeurs inscrits peuvent aujourd’hui, à eux seuls faire élire une très large majorité de députés par exemple. La déformation démocratique, nous la connaissons bien ici, dans ce Sénat, dont la majorité se refuse à toute réforme de son mode de scrutin, de la durée du mandat, de l’âge de l’éligibilité.
Comment ne peut-il y avoir de déformation, alors que la représentation des sièges se fondant toujours et, ce n’est fini, sur le recensement de 1975. Après le 21 avril, la première grande réforme électorale aurait dû concerner le Parlement. Vous avez abandonné toute velléité de démocratisation du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Vous préférez continuer ce lent travail dont j’ai détaillé l’objectif fondamental, l’accélération de la déferlante libérale sur notre pays, ce lent travail de déconnection entre le peuple et ses représentants, entre le peuple et ses dirigeants. La volonté affichée de rapprocher les députés européens et conseillers régionaux des habitants de notre pays est un leurre.
Votre projet organise, au contraire, la fixation de l’abstentionnisme à un niveau élevé. Il pérennise la mise à l’écart des choix de la majorité des électeurs. Il est dangereux pour la démocratie.
J’ai déposé avec mes amis cette motion référendaire, face à l’obstruction gouvernementale qui bloque tout débat parlementaire. Nous proposons de donner la parole au peuple. Un seul choix reste aux partisans du pluralisme et du débat démocratique : le référendum.