Modification de l’article 3 du règlement du Sénat

Publié le 29 octobre 2008 à 19:56 Mise à jour le 8 avril 2015

Monsieur le président, mes chers collègues, ici même, au moment de la révision constitutionnelle, nous avons eu de longs débats sur les pouvoirs du Parlement, sur le pluralisme, sur les droits de l’opposition, ainsi que sur la nature et le fonctionnement de nos institutions. Nous ne sommes pas d’accord sur ces questions, comme l’ont montré nos discussions et le vote qui a suivi.

Votre réforme, chers collègues de la majorité, est tout sauf consensuelle, et vous le savez.

Pour ma part, je continue de penser et de constater que la pratique constitutionnalisée par la révision récente renforce considérablement le caractère présidentiel - pour ne pas dire monarchique - de nos institutions : le Président de la République, chef de l’exécutif, chef de la majorité et chef du parti majoritaire, dispose de pouvoirs très étendus.

Ce que l’on appelle désormais le « fait majoritaire » est donc particulièrement pesant, comme nous le constatons d’ailleurs dans le fonctionnement du couple exécutif - le Président de la République et la majorité -, que ce soit en matière d’ordre du jour du Parlement, de fabrication de la loi, de débats ou de décisions finales.

Néanmoins, la question de savoir si la réforme des règlements des assemblées à la suite de la révision constitutionnelle permettra un tant soit peu de corriger le fait majoritaire ou si, au contraire, elle le confortera, voire l’aggravera, n’est pas négligeable, tout particulièrement au Sénat.

En effet, chers collègues de la majorité, vous êtes arc-boutés contre toute modification du mode de scrutin, au mépris du plus élémentaire souci de démocratie. Au Sénat, assemblée représentant les collectivités locales, la majorité est toujours la même, quand bien même celle des collectivités locales est inverse !

Alors que l’UMP, parti du Président de la République, ne dispose plus au Sénat de la majorité absolue depuis quatre ans et qu’elle s’en est encore éloignée lors du dernier renouvellement, elle règne sans partage, ou presque - elle a le soutien de l’Union centriste -, sur la Haute Assemblée. Aujourd’hui, la majorité détient, outre la présidence du Sénat, quatre postes de vice-présidents sur six, deux postes de questeurs sur trois, six postes de présidents de commission sur six, ...

M. Patrice Gélard, rapporteur. L’UMP ne préside pas six commissions !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... la présidence de la nouvelle commission des affaires européennes, celle de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, ainsi que celle de myriades d’officines diverses.

Quant à l’opposition, elle a un poste de questeur et deux postes de vice-président, tous trois attribués au groupe socialiste.

Cette domination, qui est sans commune mesure avec la réalité politique du Sénat, s’exerce notamment au sein de la conférence des présidents. Cette instance, dont la valeur constitutionnelle est incertaine - rappelons qu’aucune référence à la conférence des présidents ne figurait dans le règlement intérieur avant 1986 ! - est le symbole de l’hyperdomination majoritaire. Vice-présidents, présidents de commission et présidents de groupe y entourent le président du Sénat et décident de tout dans des proportions n’ayant rien à voir avec les rapports de force politique au sein de notre assemblée.

Pour notre part, nous estimons que seuls les présidents de groupe devraient participer à la conférence des présidents, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale. Comme vous le constatez, les différences avec l’Assemblée nationale portent donc sur plusieurs points.

Monsieur le président, lors de votre allocution du 14 octobre dernier, vous vous êtes engagé à respecter les droits de l’opposition et à accorder toute sa place à cette dernière. Nous en prenons acte et serons vigilants quant à la concrétisation de cet engagement. Il est important de prendre en compte l’ensemble des groupes politiques et non pas les seuls groupes majoritaires, qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition.

Vous avez décidé de créer un groupe de travail sur l’élaboration de la réforme du règlement qui doit faire suite à la révision constitutionnelle. Je tiens à cette occasion à insister sur deux points essentiels que le groupe CRC défend depuis de nombreuses années et pour lesquels j’ai plaidé lors de la révision constitutionnelle.

Le premier point tient à la reconnaissance des groupes politiques, outils incontournables d’une revalorisation de la politique que vous avez souhaitée. Cette revalorisation prend, vous en conviendrez, un relief tout particulier avec la crise financière, économique et sociale extrêmement grave que nous connaissons. La confrontation des idées est plus que jamais nécessaire au Parlement.

Le second point est le respect du débat public, garantie de la transparence du travail parlementaire pour notre peuple, dont nous ne sommes que les représentants.

La présente proposition de résolution vise à créer deux postes de vice-président supplémentaires afin de maintenir la représentation du groupe communiste républicain et citoyen et celle du groupe de l’Union centriste.

Cette proposition de résolution appelle deux commentaires.

Tout d’abord, ces postes doivent être financés à budget constant, comme cela a d’ailleurs été indiqué. Tout le monde a conscience qu’il s’agit d’assurer une représentation politique et non pas de courir après un quelconque avantage. Cet aspect est important à l’heure où l’on reproche régulièrement au Sénat le manque de transparence de sa gestion.

Ensuite, si nous en sommes là, c’est parce que l’UMP dispose de quatre vice-présidents sur six et se refuse à toute idée de proportionnalité.

Monsieur le président, vous avez souhaité assurer une représentation la plus large possible des groupes politiques. Il ne s’agit pas d’un rééquilibrage politique, contrairement à ce que laisse entendre le titre de la proposition de résolution, puisque, sur huit vice-présidents, sans compter le président, six seront issus de la majorité, soit à peu près 75 %.

Il s’agit néanmoins d’un pas modeste, mais que nous approuvons, vers une prise en compte de la diversité des groupes.

J’adhère à la philosophie de l’amendement du groupe socialiste, qui porte sur la proportionnalité. Nul ne peut reprocher à mon groupe ne pas être favorable à la représentation proportionnelle en toutes circonstances, y compris pour l’élection des assemblées, mes chers collègues du groupe socialiste !

J’ai eu l’occasion de défendre la représentation automatique de chaque groupe pour la désignation des vice-présidents, assortie d’une pondération à la représentation proportionnelle. Je considère d’ailleurs que la proportionnalité devrait concerner l’ensemble des fonctions exécutives.

La réflexion que nous allons entamer devrait nous permettre de trouver un dispositif plus respectueux des groupes et de la proportionnalité que celui qui prévaut aujourd’hui, mais aussi que celui qui nous est proposé par le groupe socialiste. L’amendement n° 1, déposé par le groupe du RDSE, peut également être pris en compte dans cette optique élargie.

Pour toutes ces raisons, ces amendements et les propositions qui seront faites sur ce sujet devront à mon avis être réexaminés à l’occasion de la discussion de la révision d’ensemble du règlement du Sénat. La question de la conférence des présidents constituera un point majeur de cette discussion.

Le groupe CRC votera, avec les réserves que j’ai exprimées, la modification de l’article 3

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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