L’urgence réelle serait de répondre au cri d’alarme lancé par les professionnels de la justice

Contentieux et à procédures juridictionnelles

Publié le 14 avril 2011 à 09:01 Mise à jour le 8 avril 2015

Version provisoire

Encore un fourre-tout ! Nous ne le voterons pas, ne serait-ce qu’à cause du contexte. On mêle dans ce genre de projet de loi des dispositions acceptables et d’autres auxquelles nous ne pouvons nous rallier.

Le rapport Guinchard se voulait global. Cette cohérence rencontre la nôtre, quand nous refusons votre réforme de la carte judiciaire. Les titres de vos chapitres n’ont rien de choquant. Mais tout dépend du contenu !

La réforme de la carte judiciaire est une régression considérable du service public de la justice.

L’urgence réelle serait de répondre au cri d’alarme lancé par les professionnels de la justice. Ils étaient dans la rue le 29 mars. La situation des tribunaux est catastrophique en de nombreux endroits. On ne réglera rien à coup de réformes partielles : il faut que la justice reçoive des moyens pour être enfin égale pour tous. Vous annoncez 480 postes -nombre insuffisant que le budget ne finance même pas.

Pour la deuxième fois depuis 2002, vous modifiez les dispositions sur la justice de proximité, dont nous avions contesté la création. À notre sens, les tribunaux de proximité, ce doit être les juges d’instance. Voici que vous supprimez la justice de proximité mais dans des conditions telles que l’on ne sort pas des difficultés : les juges de proximité ne feront désormais que suppléer les juges professionnels, en nombre insuffisant.

Vous faites de la spécialisation une règle. Quelle est la pertinence d’un pôle spécialisé dans les catastrophes ? Créer un pôle sur les crimes de guerre, nous n’avons cessé de l’approuver après avoir été les premiers à le réclamer. Naguère encore le Gouvernement tergiversait à propos de la CPI. Les criminels de guerre ne seront toujours pas poursuivis avec l’énergie nécessaire. Il est bon que le rapporteur ait ajouté au texte les crimes de guerre. L’oublier n’était peut-être pas significatif mais c’était un fait. Puisse le Gouvernement donner les moyens à ce pôle spécialisé.

En matière de divorce, n’oubliez pas que le consentement mutuel est parfois un faux consentement. Le recours expérimental à la médiation familiale appellera la création de 1 700 postes de médiateurs spécialisés. Faute de quoi, on risque d’aller vers une privatisation de la médiation.

Vous vous plaisez à évoquer le droit des victimes ; cela aussi requiert des moyens. Il n’est pas vrai que la justice gagnerait à la vitesse. La justice a besoin de solennité et de temps. S’il faut désengorger les tribunaux, faisons moins de lois sécuritaires. Le juge se prononce au nom du peuple ; il ne peut le faire dans la précipitation.

La suppression de la justice militaire est une excellente chose, dont je regrette qu’elle n’ait pas pu se faire en 1982, à cause de l’opposition des militaires.

Comme le dit le Médiateur, nous souffrons de l’empilement des textes ; en voici encore un, alourdi encore par le Gouvernement qui a rajouté une dizaine d’articles additionnels avec l’aval de la commission.

Qui plus est, ce texte sera suivi d’autres, à adopter à la hâte, avant la fin de la session, à commencer par les jurys populaires. L’objectif de toute réforme devrait pourtant être d’améliorer la situation du justiciable et l’accès à la justice. Nous sommes à mille lieues des véritables débats : à quand une réforme sur l’indépendance du parquet, la justice des mineurs, les moyens à accorder au service public de la justice ?

Compte tenu de la situation de crise que traverse la justice, ce texte est inacceptable. Nous voterons contre.

Nicole Borvo Cohen-Seat

Ancienne sénatrice de Paris et présidente du groupe CRC

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