Chacun s’accorde à dire, à l’exception, bien évidemment, des parlementaires du groupe majoritaire et du Gouvernement, qu’il ne peut y avoir de libre administration sans un principe « miroir » de compétence générale.
Comment considérer qu’une collectivité territoriale est libre de s’administrer comme elle le souhaite dès lors que la loi encadre précisément son champ de compétence et lui interdit d’intervenir dans des domaines particuliers au motif qu’ils n’entreraient pas dans ce champ ?
Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos. Le Sénat a examiné récemment une proposition de loi tendant à faciliter l’accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux, s’agissant en particulier de la question de la gratification pour les stagiaires. Certains ont alors découvert une réalité : les régions, qui sont compétentes en matière de formation continue, en vertu de l’acte II des lois de décentralisation, contribuent également, par le biais de bourses régionales et de dotations de fonctionnement accordées aux instituts, à la formation initiale des jeunes et des travailleurs privés d’emploi.
Il faut être cohérent : si le projet de loi que nous examinons était adopté, ces mêmes régions pourraient, avec la suppression de la clause de compétence générale, se voir interdire une telle participation, plongeant ainsi les élèves et les étudiants concernés dans une situation financière particulièrement difficile. Voilà donc une des conséquences prévisibles de l’adoption de ce projet de loi !
M. Patrice Gélard. C’est n’importe quoi !
Mme Éliane Assassi. Mais non, monsieur le Gélard, ce n’est pas n’importe quoi !
Au-delà de ces aspects concrets, qui ne sont pas sans importance pour nos concitoyens, nous nous interrogeons sur les objectifs du Gouvernement.
En s’attaquant ainsi à la clause de compétence générale, que le rapport Balladur qualifie, à juste raison, d’élément consubstantiel aux collectivités territoriales, le Gouvernement entend revenir sur le principe de libre administration de ces dernières.
Visiblement, cette indépendance est insupportable à un pouvoir politique qui se veut décentralisateur dès lors qu’il s’agit de transférer les dépenses et hypercentralisateur lorsque l’État veut imposer sa rigueur comptable aux collectivités territoriales qui parient sur la solidarité.
Le Gouvernement considère donc les collectivités territoriales comme de des guichets carte bleue », qui ne pourraient pas décider d’accroître leur politique de solidarité.
En somme, en attaquant ainsi la clause de compétence générale – du jamais vu ! –, il fait mine de considérer les collectivités territoriales comme de simples chambres territoriales d’enregistrement et de paiement.
Pour reprendre l’esprit du Comité Balladur dont vous vous inspirez partiellement, vous réduisez les collectivités territoriales, particulièrement les régions, à ce qu’elles étaient jadis : des établissements publics placés sous la tutelle de l’État !
Afin d’éviter une telle dérive, nous proposons aux représentants des territoires que vous êtes, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.