Avant d’en venir à nos amendements relatifs à la métropole parisienne, je tiens à ajouter quelques mots à la réflexion générale qui s’engage.
Loin de nous l’idée de méconnaître la réalité métropolitaine de Paris. S’il y a une région en France qui peut prétendre à cette qualification, c’est bien la région parisienne ! Pour autant, la méthode employée ne nous paraît pas être la bonne.
Notre collègue Philippe Dallier l’a rappelé, le Parlement n’a pas autorisé, en 2010, l’Île-de-France à achever la carte intercommunale du fait de cette proposition de fusion des trois départements de la petite couronne avec Paris pour créer une grande communauté urbaine, ce qui aurait fait disparaître dans ce périmètre les intercommunalités existantes. Ce projet n’a pas prospéré, car nous étions, justement, dans un mouvement de développement des intercommunalités.
D’aucuns avaient souligné les dangers d’une telle proposition, qui était de nature à provoquer une coupure entre le cœur le plus dense de l’agglomération parisienne, territoire qui concentre à la fois de nombreuses difficultés et les plus fortes richesses, et le reste de l’Île-de-France, donc entre petite et grande couronnes, ce que rejetaient, à juste titre, nombre de nos collègues.
Cela étant, il faut bien le reconnaître, il est plus difficile d’achever la carte intercommunale en Île-de-France qu’ailleurs, pour la simple raison qu’il n’y a pas à proprement parler de ville-centre dans les départements de la petite couronne.
Dans mon département, le Val-de-Marne, tout comme dans les Hauts-de Seine et la Seine-Saint-Denis, il y a des villes importantes, qui comptent de 80 000 à 120 000 habitants, et les communes y ont en moyenne 40 000 habitants. Nombre d’entre elles disposent donc d’ores et déjà de services suffisamment développés et assument beaucoup de compétences, ce qui complique le développement d’une intercommunalité. (M. Roger Karoutchi opine.)
En outre, il existe des coopérations au sein de syndicats pour des compétences aussi importantes que les transports – je pense au STIF, le syndicat des transports d’Île-de-France –, l’électricité, le traitement des déchets, la restauration collective,…
M. Philippe Dallier. Le gaz !
M. Christian Favier. … et bien d’autres domaines.
Mme Isabelle Debré. C’est vrai !
M. Christian Favier. Globalement, ces structures fonctionnent plutôt bien, même s’il conviendrait peut-être, à l’avenir, d’étendre leur périmètre et d’améliorer leur coordination.
Pourquoi tout chambouler ? Mieux vaudrait, selon moi, prendre ces structures qui donnent satisfaction comme exemples pour fonder notre vision future de l’Île-de-France.
Certaines collectivités, sans aller jusqu’à constituer une intercommunalité, ont aussi développé des coopérations étendues, par exemple sous forme de syndicats d’études. Ainsi, des communes de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne se sont réunies depuis un certain temps au sein de l’Association des collectivités territoriales de l’Est parisien, l’ACTEP, pour coopérer et mener des réflexions communes. (M. Claude Dilain, rapporteur pour avis, opine.)
Il ne faut pas balayer ce travail pour achever à marche forcée la carte intercommunale, qui plus est sur la base de critères très contestables. Ainsi, le seuil de 300 000 habitants me paraît très arbitraire. On nous dit qu’il est plus facile de travailler à cette échelle. Certes, mais pourquoi précisément ce chiffre ?
Il faut surtout décider sur quel projet on va construire les intercommunalités. Certaines communautés d’agglomération travaillent en effet sur la base de 300 000 habitants, mais beaucoup prennent en compte d’autres réalités. Il en est ainsi pour le contrat de développement territorial issu du réseau du Grand Paris Express : aujourd’hui, des communes dessinent des projets de territoire autour du futur métro.
C’est le cas dans mon département, où les communes de Champigny-sur-Marne, Villiers-sur-Marne et Brie-sur-Marne, dirigées par des équipes de sensibilités politiques différentes, travaillent sur le contrat de développement territorial et envisagent de créer une intercommunalité qui ne sera pas, loin s’en faut, de 300 000 habitants. Pour autant, elles partagent un véritable projet de territoire et des intérêts communs : le développement économique du territoire, la création d’emplois et la réponse au problème du logement.
Sur le plan de la méthode, point n’est besoin d’avancer à marche forcée, sauf à nourrir certaines arrière-pensées politiques. En effet, créer des intercommunalités de 300 000 habitants revient à réduire le spectre politique à deux partis. Or la diversité politique en Île-de-France est beaucoup plus riche et ne se limite pas à l’UMP et au parti socialiste. Il nous faut donc adopter un rythme différent.
On nous dit, enfin, que se posent des problèmes de gouvernance, et j’ai bien entendu les propos de mon collègue Jean-Pierre Caffet sur la question du logement en région parisienne.
Je serai le dernier à contester l’existence de ce problème, auquel je suis confronté quotidiennement. Mon territoire compte en effet 60 000 demandeurs de logement, auxquels nous tentons, non sans mal, d’apporter des réponses.
Je le dis clairement, je ne suis pas convaincu que le processus engagé au travers de cette réforme nous permettra de résoudre de manière réactive et rapide cette question. En effet, si l’on met bout à bout les procédures prévues, on constate qu’il ne saura pas opérationnel avant cinq ans.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est vrai !
M. Christian Favier. Étant donné l’urgence du problème du logement, je compte davantage sur la loi que présentera Cécile Duflot. Il nous faut en effet avancer très vite sur les questions foncières, afin d’ouvrir aux opérateurs de construction de logements sociaux des disponibilités plus importantes, voire de créer d’autres dispositifs.
Certes, la métropole doit se préoccuper de la question du logement, mais ne croyons pas qu’elle résoudra le problème et ne créons pas cette illusion !
Le désengagement de l’État ne sera pas non plus la solution, eu égard en particulier aux communes « carencées » en matière de logement social, qui n’appliquent pas la loi SRU. Il ne revient pas à des collectivités, en l’occurrence celles de la métropole, de dicter à d’autres la gestion de leur territoire. Le régulateur en la matière, c’est l’État, et il doit jouer son rôle.