Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mes cher(e)s collègues,
Monsieur le Premier Ministre, votre déclaration de politique générale, lue ici avant-hier par le Ministre d’Etat en charge de l’Economie et des Finances est très inquiétante.
Vous avez manifesté, en apparence, Monsieur le Premier Ministre, une totale incompréhension de ce qui s’est passé dans notre peuple depuis 2002, et de ce qu’il a exprimé aux élections régionales dans tout le pays les 21 et 28 mars.
En apparence, vous avez même ignoré les conseils d’autocritique du Président de la République.
Au-delà des apparence, vous êtes en mission - et le Président de la République, en vous confiant la responsabilité de poursuivre, avec la même équipe, vous a confirmé dans votre mission. Cette mission, c’est de mettre en œuvre, coûte que coûte, « à la Thatcher », votre projet libéral, d’en finir une bonne fois pour toute, avec le Pacte social issu de la Résistance, les grands services publics, la justice sociale, l’égalité des chances, la solidarité nationale, la protection de la jeunesse, toutes ses « vieilles lunes » sans doute pour vous, dont vous traitez les défenseurs d’immobilisme, tandis que vous n’avez de cesse de louer la créativité du MEDEF.
Monsieur le Premier Ministre, quel mépris pour le peuple ! La majorité de notre peuple a sanctionné votre mépris pour le peuple. Les signes que vous lui avez adressés depuis deux ans l’ont offensé !
Vous l’avez d’abord traité de France « d’en bas ». Vous avez fait comme si le 21 avril 2002, suivi du 5 mai, avait été un plébiscite par une France soumise à l’ultralibéralisme et à la démagogie sécuritaire !
Vous êtes passé outre les critiques majoritaires des organisations syndicales et des millions de gens qui refusaient votre réforme des retraites, vous avez ignoré les professions de santé, les enseignants, les artistes, les chercheurs, les chômeurs recalculés, les ouvriers jetés comme des kleenex pour cause de départ de leur patron.
Vous leur avez bien dit : « ce n’est pas la rue qui gouverne », et aujourd’hui, vous leur dites : « ce ne sont pas les urnes qui décident ! »
Monsieur le Premier Ministre, nous respectons les institutions. Les élections des 21 et 28 mars n’étaient pas des élections institutionnellement nationales, mais elles ont exprimé quelque chose et sauf à « changer le peuple », quand ils ne vous convient plus, comme le suggérait ironiquement Bertold BRECHET, vous ne pouvez pas en avril 2004, nous « resservir les plats de 2002 ».
Vous êtes fier, dites-vous, de ce que vous avez fait pour combattre la violence, moderniser la justice, défendre les valeurs de la République… Vous vous faisiez fort en 2002 de faire baisser le Front national. Et bien « l’arme fatale » du tout sécuritaire « du parler fort », la « guerre aux pauvres » des lois SARKOZY et PERBEN ont conforté des hommes et des femmes dans leur vote de haine et de rejet. Le Front national est, hélas, quasiment toujours au même étiage !
Vous vous faisiez fort en 2002 de restaurer la cohésion sociale ! Et aujourd’hui, le Président de la République évoque les « ghettos de la misère ». En deux ans, chômage, précarité, disparités sociales se sont accrus. MM. de ROBIEN et BORLOO étaient membres du gouvernement. Alors que la crise du logement atteint des sommets, l’Etat s’est désengagé du logement public, s’est engagé à vendre 40.000 HLM par an à telle enseigne, qu’il se dit aujourd’hui qu’il y a deux catégories d’HLM, ceux que l’on détruit, ceux que l’on vend !
Votre « grand » chantier, celui de la décentralisation, Monsieur le Premier Ministre ! vous n’en avez pas dit un mot lundi ! Véritable déstructuration de la République. Inégalité, mise en concurrence des territoires. Les fonctionnaires, que vous traitez d’archaïques, ont su en l’occurrence défendre l’intérêt général contre ce projet et les élus, toutes tendances confondues, ont été de plus en plus sceptiques, surtout quand ils ont vu qu’ils allaient devoir supprimer des prestations ou augmenter les impôts locaux.
L’emploi ? Monsieur le Premier Ministre, vos conceptions de l’encouragement à l’initiative économique que sont la baisse des impôts sur le revenu pour les plus riches, allégement de l’ISF, baisse de la fiscalité des entreprises, baisse des charges sociales - 57 milliards d’euros de cadeaux. Nous attendons un bilan. Nous n’avons vu que le solde négatif de création d’emplois !
Et quant à votre « assurance emploi », n’en parlons pas, quand on sait le mépris des intermittents du spectacle et le sort de l’ASS !
Alors, Monsieur le Premier Ministre, je dirais, comme mon collègue Alain BOCQUET à l’Assemblée Nationale, il faut une réorientation des mesures prises depuis deux ans. Elles ont été sanctionnées, elles ont fait la preuve de leur inefficacité par rapport aux objectifs affichés et de leur profonde injustice !
Cela concerne : les retraites, la remise en cause des 35 heures, des lois anti-licenciements.
Cela concerne l’injuste réforme des allocations chômage.
Il faut non seulement suspendre la suspension de l’ASS, mais rétablir sa durée d’attribution. Vous n’avez pas été loquace là-dessus ! Pour aller de l’avant, nous avons fait des propositions de mise en place d’un système de sécurité emploi-formation finacé par les milliards d’exonération de charges patronales. Nous sommes prêts à en débattre.
Cela concerne le RMA, terrible encouragement au patronat pour casser les garanties du code du travail.
Cela concerne l’APA.
Cela concerne les dispositifs sécuritaires. La loi PERBEN II, censurée en partie par le Conseil Constitutionnel, et rejetée par les acteurs du droit et de la justice.
Cela concerne votre pseudo décentralisation. Vous avez pour l’instant différé le vote. Il faut retirer le vote et travailler autrement la démocratisation de nos institutions et de nos collectivités, engager une réforme de la fiscalité locale.
Les sénateurs communistes sauront continuer de soutenir les aspirations populaires dans tous ces domaines et vous rappeler leurs propositions.
Le Président de la République a cru bon de donner acte à nos concitoyens du bien fondé de leur sanction, en annonçant les mesures de votre gouvernement et en leur promettant la justice sociale.
Il n’a pas vraiment convaincu. Mais votre discours justifie la suspicion.
Vous confirmez les privatisations ! Elles sont annoncées aujourd’hui. Inquiétude de France Télécom, SNECMA, Aéroport de Paris, Autoroute du Sud. Au fond, pour renflouer les caisses, vous vendez le patrimoine !
Notre groupe demande solennellement un arrêt de toute nouvelle privatisation. L’expérience des privatisations depuis vingt ans est négative. Aujourd’hui, elle fragiliserait encore notre industrie.
Comme nous voulons l’arrêt des suppressions d’emplois engagé à la Poste et à la SNCF, annonciatrices de votre volonté de privatiser les grands services publics nationaux - qui non seulement ont fait la preuve de leur efficacité, mais dont les exemples de privatisation à l’étranger sont particulièrement dramatiques pour les usagers.
Concernant le statut d’EDF, nous voulons un engagement de votre part que le statut de l’entreprise - ni des salariés - ne sera modifié, le discours ministériel prêtait particulièrement à confusion. Le gouvernement ne peut ignorer que la directive européenne, que les députés européens communistes ont combattu sans relâche, n’oblige en rien à un changement de statut de l’entreprise ni à l’ouverture du capital des entreprises publiques !
Monsieur le Premier Ministre, tout le monde, y compris nous-mêmes, s’accorde à souligner la très grande efficacité de nos entreprises publiques dans les moments difficiles : catastrophes naturelles, menaces d’attentats, que sais-je encore !
De qui se moque-t-on ? Encore de nos concitoyens. Vous voulez casser ce qui marche bien. Les Britanniques, avec leur chemin de fer privé, les Californiens avec leur électricité privée vous diront ce qu’ils en pensent !
L’assurance maladie, Monsieur le Premier Ministre. Nous pouvons nous féliciter d’avoir dénoncé le recours aux ordonnances, auquel vous avez dû renoncer. Mais vous n’êtes pas quitte sur le fond.
En ce qui nous concerne, nous voulons que soit abandonnée la logique de vos projets de réforme. Elle est connue.
Le plan « Hôpital 2007 » a déjà montré ses méfaits : fermeture, suppression, concentration des moyens hospitaliers. L’AP de Paris a été sommée d’économiser 250.000 euros et de vendre le patrimoine public, alors que l’été dernier, nous a hélas donné à voir les besoins. Les personnels hospitaliers, les médecins hospitaliers n’en peuvent plus !
Nous commençons à concurrencer les Britanniques, qui ont une santé à plusieurs vitesses depuis longtemps, dans les délais d’attente de rendez-vous dans les services hospitaliers !
Vous voulez un consensus sur la réforme de l’assurance maladie !
Alors, il faudra revenir à la solidarité nationale, alors, il faudra que les revenus financiers participent au financement de la solidarité nationale à égalité avec les revenus du travail. Alors, il faudra que les patrons s’acquittent de leurs dettes à la sécurité sociale et que les industries pharmaceutiques ne fassent pas la pluie et le beau temps.
Alors, il faudra une vraie politique de l’emploi. C’est ce que nous, élus communistes, nous nous emploierons à vous rappeler en contribuant à rassembler largement tous ceux qui ne veulent pas que l’on « touche à la Sécu ».
Il nous paraît inacceptable de vouloir « régler » le dossier assurance maladie pour juin.
L’emploi, Monsieur le Premier Ministre ! Quelle contradiction entre vos objectifs affichés et votre politique annoncée.
Hélas, les cadeaux fiscaux au patronat, la baisse des charges sociales, n’ont fait que croître depuis 20 ans.
Le patronat en demande toujours plus. Vous leur en promettez toujours plus et l’emploi est au plus mal !
Notre économie recule, notre industrie, notre agriculture, notre capacité de recherche, d’innovation et de production. Pourtant, nos capacités humaines, effectivement, M. le Premier Ministre, ne sont pas en cause. La France bat tous les records de productivité (devant les autres pays européens, devant les USA). Le baron SEILLIERES a applaudi l’arrivée d’un ZIDANE à l’économie. Ne devriez-vous pas chercher un BARTHEZ pour garder les buts de la majorité ?
M. le Premier Ministre, les parlementaires de mon groupe, comme nos collègues à l’Assemblée Nationale, ont fait des propositions contre les délocalisations, pour le maintien de l’emploi des entreprises qui font des bénéfices, pour une politique de croissance appuyée sur la demande populaire.
M. le Premier Ministre, vous êtes le défenseur du capitalisme financier - destructeur des capacités industrielles et destructeur des hommes.
Pourtant, en d’autres temps, la France a su mener des politiques audacieuses en développant les grands projets industriels et les engagements publics. Certains de nos amis vous le rappellent aujourd’hui.
L’Europe, la mondialisation oblige ? Nous connaissons le discours. Mais justement, M. le Premier Ministre, notre pays est un artisan très actif de l’Europe et de cette mondialisation. La Constitution GISCARD se propose de « constitutionnaliser » l’ultralibéralisme. Vous êtes aux avant-postes de cette Europe - destructrice de services publics - forteresse assiégée voulant cacher la misère environnante !
En ce qui nous concerne, nous sommes engagés pour une autre Europe - solidaire, une mondialisation capable de permettre un développement équitable et durable et c’est dans cette voie que notre pays devrait s’engager activement.
M. le Premier Ministre, les enseignants vous demandent aujourd’hui des comptes. Je crois que vous ne les avez pas entendus non plus, ni les familles.
Cette année, dans de nombreux endroits, dont l’académie de Paris, votre gouvernement a supprimé des postes de 1er et 2ème degré, des postes aux concours, des options - latin, grec, russe, théâtre, arts plastiques…, au détriment de ceux qui ont le plus besoin et aux mépris total de l’intelligence. Curieuse conception de la formation des hommes.
M. le Ministre, vous avez une majorité au Parlement. Dans cet hémicycle, elle est écrasante, mais cela ne nous autorise pas à interpréter la volonté populaire. La majorité de notre pays vous a sérieusement sanctionné, vous et la politique que vous avez menée avec votre majorité.
Avant les 21 et 28 mars 2004, il y avait eu le 21 avril 2002 la majorité des Français avaient, à l’époque, sanctionné la gauche au pouvoir parce qu’elle avait trop cédé au libéralisme, pas répondu suffisamment aux attentes populaires.
Nous ne l’avons pas oublié. Pour ce qui nous concerne, nous continuerons avec plus de force encore à défendre les services publics, les salaires, les mobilisations populaires pour des progrès sociaux et démocratiques et nous continuerons d’agir avec plus de force encore pour qu’une politique alternative soit possible.