Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes cher(e)s collègues,
Le présent amendement vise à la suppression de la disposition introduite en seconde lecture à l’Assemblée Nationale, sous l’impulsion de M. GARRAUD et tendant à instituer un délit d’interruption de grossesse, passible d’un an de prison, lorsqu’elle a été provoquée par une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence.
M. GARRAUD, ardent défenseur de cette cause, n’en est pas à sa première tentative : on se souvient qu’il avait déposé un amendement ayant le même objet dans le cadre de la violence routière.
Même s’il s’est trouvé dans notre assemblée - et honnêtement je le regrette - 62 sénateurs pour déposer une proposition de loi semblable au texte de l’amendement GARRAUD et visant, je cite, « protection pénale de la femme enceinte » .
Pas plus qu’à l’époque, le cadre du présent texte sur les nouvelles formes de criminalité ne paraît adapté au large débat passionné qui se déroule sur le sujet : c’est la raison pour laquelle le Sénat avait décidé de surseoir à l’introduction d’une telle mesure dans notre droit. Lors de l’examen du texte sur la violence routière, M LANIER, Rapporteur du texte, avait insisté à cette occasion sur le fait « qu’il s’agit d’un sujet extrêmement vaste et qu’on ne saurait le traiter, à l’occasion, d’un texte relatif à la sécurité routière. Il mérite, avait-il dit, d’être étudié d’une manière spécifique et approfondie, car il convient de l’aborder sous tous ces angles. »
Car, n’en déplaise à M. GARRAUD, cette disposition pose de sérieux problèmes du point de vue du statut juridique - non du statut pénal de la grossesse, comme l’a élégamment dit M. FAUCHON, car les femmes enceintes ne sont pas un statut pénal, mais ce qui est posé ici relève du statut juridique du fœtus.
Et les associations pro-life le savent bien, qui, à grand renfort médiatique oeuvrent maintenant quasiment à visage découvert pour faire reconnaître un statut juridique de personne à l’embryon et au fœtus.
Ce sont les mêmes, en effet, qui demandent une incrimination pour double homicide s’agissant d’une femme enceinte qui a péri dans un accident de voiture : un homicide pour la femme enceinte et un.. pour le fœtus - qui devient personne juridique de facto.
Le débat n’est donc pas neutre et on voit trop bien vers quel élargissement nous pourrions aller - une fois reconnu un tel statut au fœtus lors d’interruption volontaire de grossesse.
J’ajouterai au surplus qu’une telle disposition pourrait aboutir à des situations particulièrement absurdes : imaginez le cas d’un accident de voiture d’un couple dont la femme est enceinte, par perte de contrôle du véhicule ; la femme pourrait ainsi se retourner pénalement contre son mari !
D’autre part, les risques sont grands concernant la médecine fœtale ou bien encore de simples prélèvements d’amniocentèse, de nombreux syndicats ou associations de médecins gynécologues l’ont rappelé.
Mes chers collègues, sur un sujet aussi grave, un débat serein devrait pouvoir avoir lieu qui permettrait d’envisager réellement toutes les implications d’une telle disposition, du point de vue du statut juridique du fœtus et par corrélation, du droit des femmes à l’avortement.
Ce sujet, éminemment sensible, mérite mieux que de se retrouver, une nouvelle fois, entre divers articles d’un texte de loi, ici entre la création d’un fichier des délinquants sexuels et l’incrimination, pour conduite sans permis de conduire ou infraction au code de la route, qui plus est, dans un texte sur « Les nouvelles formes de criminalité ».
Mes chers collègues, le droit à l’interruption volontaire de grossesse est un droit qui a été durement et chèrement acquis par des générations de femmes ! Il n’est pas acceptable, comme cela a été rappelé, que ce droit puisse être, au détour d’un amendement introduit, avec des soutiens bienveillants, remis en cause !